Ligne de fuite
I
Vous êtes allongée sur le dos. Vous n’allez pas vous en sortir. Vous avez le sentiment étouffant que vous n’arriverez jamais à en sortir. Vous êtes une gisante. Vous êtes dans le plâtre ou dans la pierre et vous vous débattez en vain pour bouger les mains, dégager les voies respiratoires. C’est le socle qui cède, le vide vous happe par en-dessous.
Vous sursautez violemment. Vous vous réveillez à demi redressée contre l’oreiller, les draps repoussés, la nuisette entortillée sur les hanches.
Vous ouvrez grand les yeux pour les fermer aussi vite, tout était tellement étrange dans ce rêve que ça vous englue par tout le corps. Vous reculez la tête jusqu’à heurter le mur, la main posée sur la gorge. Vous vous forcez à demeurer inerte, malgré un mal de crâne en torpille.
Vous inspirez profondément, vous comptez jusqu’à cinq.
Un sentiment d’étrangeté vous gagne à mesure que votre respiration s’apaise, dans une densité de silence qui vous étonne, puis vous trouble. Une certitude en jaillit : vous n’êtes pas chez vous.
Vous tentez précipitamment de rembobiner le film de la soirée. Votre effort n’a pas d’autre résultat que de vous déchirer la tête en céphalée : sur l’écran de vos paupières, les souvenirs s’arrêtent obstinément devant la porte de votre appartement à l’instant où vous sortez vos clés pour y entrer, soulagée d’arriver au week-end pour mettre le stress en pause (c’est votre premier vrai boulot de journaliste, vous êtes encore en période d’essai ; le soir il vous arrive de pleurer en regrettant Issoudun où vous avez grandi).
Vous insistez, la migraine répond coup pour coup.
Vous ouvrez les yeux. Vous êtes dans une chambre inconnue dont les rideaux laissent passer les premiers rayons de l’aube. Vous êtes certaine, absolument certaine de n’avoir jamais mis les pieds ici.
Une masse se retourne lourdement sur votre gauche, vous apercevez une main pleine de poils qui n’est pas celle de Vincent s’approcher de votre cuisse. Vous vous recroquevillez d’un bond. Vous y reg