Numérique

Pas si smart city !

Directeur de programme à la FING

Les innovateurs du numérique dominent les discours sur le futur de la ville et contestent la légitimité des acteurs publics ou privés à agir efficacement. Innovation et gouvernance sont pourtant liées, mais trop souvent traitées séparément. Le rapport réalisé par la Fondation internet nouvelle génération (FING) et l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) apporte un regard critique sur le concept de « smart city ».

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D’origine anglo-saxonne, le concept de Smart City reposait sur l’idée que les nouvelles technologies, notamment numériques, devaient permettre aux grandes métropoles d’optimiser leurs coûts, leur organisation et finalement le bien-être de leurs habitants. Les villes asiatiques, comme Singapour ou New Songdo en Corée du Sud, sont celles qui ont poussé le plus loin la mise en œuvre de ces principes, avec une prolifération de capteurs et un usage massif des données, y compris personnelles, qui nourrissait des systèmes de contrôle très centralisés qui pouvaient effrayer les observateurs européens.

Le numérique rend-il la ville ingouvernable ?

Si le numérique a bien investi nos villes ces dernières années, ce n’est pas du tout de la manière dont le scénario « smart city » le racontait. Il a certes profondément transformé la vie des citadins et le fonctionnement de certains services urbains, mais il l’a fait en dehors de toute stratégie des acteurs dont la ville est le métier, et en particulier des pouvoirs publics.

Ces nouveaux acteurs urbains, ce sont les Google, Amazon, Waze, Orange, Uber, Airbnb, Twitter, CityMapper, mais également des initiatives citoyennes comme OpenStreetMap, DemocracyOS… et d’innombrables startup, sans oublier les utilisateurs eux-mêmes et les pratiques qu’ils ont inventées.

La « vraie » ville numérique se déploie sans plan directeur, et largement par détournement ou « ubérisation », au sens de contournement délibéré et agressif pour déplacer en sa faveur les termes du marché, à travers l’appropriation directe des usagers. De la diversité des logiques et des approches de ces multiples acteurs émerge ainsi une pluralité de villes numériques se recouvrant : la ville collaborative où les habitants sont simultanément offreurs et consommateurs de services, la ville ubérisée ou à la demande, la ville optimisée à travers la numérisation de secteurs particuliers (par exemple la maquette numérique ou le Building Information Modeling dans la


Thierry Marcou

Directeur de programme à la FING