Economie

Le grand (des-)espoir du XXIe siècle

Économiste

Le monde postindustriel est-il condamné à une croissance économique apathique ? Voilà ce que prévoyait Jean Fourastié en 1948 qui pointait l’absence d’économies d’échelles dans la société tertiarisée de la seconde moitié du XXeme siècle. C’était sans compter la révolution numérique, capable de faire croître les rendements d’échelles dans le secteur des services. Mais si elles sont le moyen essentiel de la croissance économique au XXIeme siècle, les nouvelles technologies nécessitent un usage raisonné, sans quoi l’homme sacrifierait sa liberté et son humanité pour sauver la croissance.

Mark Zuckenberg, le fondateur de Facebook, aime à se présenter comme « un héritier de la culture underground et neo-punk des hackers, née dans les années 1960 aux États-Unis ». Dans les années 70, l’Université et sa culture centrée sur la jeunesse ont été de fait une formidable plateforme de diffusion de la révolution informatique. Elle est apparue à ses pionniers comme un espace de liberté, donnant corps à un idéal d’horizontalité, de gratuité. Pour le sociologue Manuel Castells, c’est par celle-ci que les étudiants élevés dans la culture contestataire des campus américains ont trouvé le moyen de briser la standardisation du monde créée par leurs parents. « Les universités, écrit-il, ont été les principaux agents de diffusion et d’innovation sociale. La jeunesse qui les fréquente découvre et adopte de nouvelles manières de penser, d’agir et de communiquer. » Comme le dira aussi l’historien François Caron, c’est « l’hédonisme contestataire des années 1960 qui s’accomplit dans la technologisation de la société des années 70 et 80 ».

L’idéal libertaire d’une société non hiérarchique, où chacun dispose en propre d’une puissance qui l’affranchit des grandes structures industrielles, fait indiscutablement partie de l’héritage des sixties. Il a propagé l’idée que le monde nouveau marquerait la venue d’une société enfin humanisée. On peut remonter plus haut dans le temps pour trouver énoncée cette attente. Dès 1948, Jean Fourastié avait proposé dans son livre Le Grand espoir du XXesiècle une description qui résume parfaitement l’idée qui s’est développée ensuite. Après les sociétés agraires qui cultivaient la terre puis la société industrielle qui travaillait la matière, il expliquait que, dans la société de services, l’humain allait enfin se cultiver lui-même. L’éducation, la santé, les loisirs seraient au cœur du nouveau monde.

Fourastié annonçait : « La civilisation du tertiaire sera brillante ; la moitié ou les trois quarts de la population bénéficiera d’un enseigneme


Daniel Cohen

Économiste, Professeur et directeur du département d'économie de l'École normale supérieure