Politique

Re(ma)niement

Juriste

Après de multiples atermoiements, l’exécutif vient d’annoncer la formation d’un nouveau gouvernement. Ce remaniement, dont on peine à comprendre pourquoi il aura nécessité deux semaines de discussions et de décisions, remet en cause certains principes fondamentaux du projet de La République En Marche : fonte des effectifs ministériels, simplification des délibérations, présidence « jupitérienne »… Une marche arrière du macronisme ?

Les tergiversations nées de la démission de Gérard Collomb le 2 octobre et le non-événement que constitue le remaniement du 16 octobre portent de nouveaux coups à la crédibilité des décideurs publics nationaux.

 

« Peu de ministres et des périmètres stables ». Cette phrase est extraite de Révolution publié en novembre 2016 (p. 245). Deux ans plus tard presque jour pour jour, à l’occasion du plus lent des remaniements sous la Vème République, l’auteur de cet ouvrage, devenu depuis président de la République, a fait ici comme sur tant d’autres sujets l’inverse de ce à quoi il s’était engagé : un gouvernement de 35 membres aussi pléthorique que dans « l’ancien monde », loin des quinze membres évoqués le 12 mars 2017, des secrétaires d’Etat sans périmètre et lorsqu’ils existent des périmètres qui sont modifiés – sans au surplus que l’on comprenne la plus-value autre que communicationnelle de certaines de ces modifications, comme lorsque par exemple le ministre de l’Education nationale est désormais aussi en charge « de la Jeunesse », ou lorsque la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes se voit confier « la lutte contre les discriminations ».
Le remaniement du 16 octobre, qui est en lui-même un non-événement politique, est lourd de reniements supplémentaires, notamment par rapport aux engagements de campagne : « Emmanuel Macron et Édouard Philippe, qui s’étaient fait fort de “bousculer” les schémas classiques en faisant disparaître certains intitulés et champs ministériels, renouent aujourd’hui avec ces mêmes schémas ».

A cet égard, il y a, dans la séquence ouverte par la démission de Gérard Collomb le 2 octobre 2018 et qui s’est achevée par la publication le mardi 16 octobre à 9h30 d’un communiqué de presse portant « remaniement et composition du nouveau gouvernement », quelques airs de déjà-vu et beaucoup de nouveautés. Leur conjugaison n’est pas rassurante pour la « confiance » (ritournelle ressassée depuis mai 2017 sur tous les sujets


[1] « Le gouvernement est effacé, zappé par le président de la République » : François Bayrou, Abus de pouvoir, 2008, p. 222.

[2] « Long mais un peu court », Le Canard Enchaîné, 17 octobre 2018, p. 1.

[3] « Il y aura des entrants, des sortants, et des gens qui vont peut-être changer de job à l’intérieur du gouvernement », a fait savoir aux médias un « conseiller » de l’Elysée, ajoutant qu’il est « possible que des portefeuilles changent de périmètre, qu’il y ait des redécoupages à l’intérieur même des portefeuilles ».

Paul Cassia

Juriste, Professeur de droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

Notes

[1] « Le gouvernement est effacé, zappé par le président de la République » : François Bayrou, Abus de pouvoir, 2008, p. 222.

[2] « Long mais un peu court », Le Canard Enchaîné, 17 octobre 2018, p. 1.

[3] « Il y aura des entrants, des sortants, et des gens qui vont peut-être changer de job à l’intérieur du gouvernement », a fait savoir aux médias un « conseiller » de l’Elysée, ajoutant qu’il est « possible que des portefeuilles changent de périmètre, qu’il y ait des redécoupages à l’intérieur même des portefeuilles ».