Faux rescapés, fausse Afro-Américaine, faux flics : de la société de l’imposture aux pouvoirs de la littérature
L’imposture est chose humaine. Nulle autre espèce animale ne la pratique, encore que le caméléon et le coucou, déposant ses œufs dans le nid des autres pour qu’on s’en occupe à leur place, pourraient y prétendre. S’il en fut ainsi de tout temps, le travestissement d’identité a, de nos jours, le vent en poupe. Il fait régulièrement la une des journaux et remplit à merveille son rôle de stigmatisation. Un rapide coup d’œil sur la presse du matin est parlant : on ne compte plus les formules lapidaires qui taxent tel ou tel homme politique d’être un imposteur. Le mot est dans toutes les bouches, lancé à la face des uns et des autres comme un coup de fouet cinglant, un reproche sans contrepartie, une condamnation sans appel, destinés à clore les débats. Quand l’imposteur est nommé et étiqueté, il n’y aurait plus rien à ajouter. Mais c’est souvent se payer de mots, en réduisant un peu trop vite la pluralité de significations et d’attitudes que le terme désigne, en en faisant un vocable unique et une ficelle rhétorique un peu usée.

Affaire d’époque sans doute, l’imposture paraît plus que jamais à la mode, érigée en bras droit de toutes les manipulations, comme celles qui ont entaché la dernière campagne présidentielle aux États-Unis et qui n’ont pas fini d’agiter l’Amérique de Donald Trump. L’heure est aux simulacres fulgurants, aux défiances fanatisées, au complotisme entêté, triade amplifiée par un numérique favorisant la diffusion exponentielle, virale, non contrôlée, des données, avec tous les dévoiements et fourvoiements que l’on connaît. Il est à la fois plus facile de devenir un imposteur qu’à d’autres époques, mais peut-être aussi plus difficile de le demeurer.
Suivons donc l’injonction que nous adresse inlassablement l’actualité en pistant les incarnations de l’imposture qui traversent le paysage médiatique, pour y déceler des timbres et des nuances propres, pour traquer l’impensé qui se loge parfois dans les creux de ces comportements réprouvés. Et postulons