Numérique : pour une révolution ludique
L’humanité n’a jamais autant douté de son futur. Ses meilleurs penseurs expriment le désarroi d’un apprenti sorcier devant l’inexorable montée des eaux annonçant les débordements de sa propre ingéniosité technique. En cause la vague d’innovations sans précédent nommée révolution numérique. Les travaux d’experts se multiplient pour en cerner les applications et tenter d’en anticiper les conséquences économiques et sociales. Cet article s’attache particulièrement à ses effets sur le « contrat social » qui cimente nos organisations. Les risques de renforcement des moyens de contrôle et de manipulation par les pouvoirs sont avérés par de nombreux exemples, et l’on peut craindre une dérive totalitaire relayée par une emprise permanente des machines sur les personnes. D’autres technologies en plein essor donnent aux individus des moyens efficaces de préserver leur autonomie. La bataille est engagée et son issue reste certaine. La voie du salut consisterait-elle à réhabiliter une activité spécifiquement humaine, « jouer », en la sortant de l’ornière du divertissement et de la fuite onirique où tend à la confiner l’extraordinaire développement des jeux vidéo ?
Depuis l’invention du transistor en 1947, les technologies électroniques ont connu en l’espace d’une génération, celle de l’auteur de cet article, un développement sans équivalent dans l’histoire humaine. En doublant leur puissance de calcul numérique tous les dix-huit mois, l’intelligence artificielle des machines a vite fait de ridiculiser les facultés natives de leur père, le roseau pensant. En les branchant les unes aux autres à travers un réseau universel, internet, la révolution numérique a doté des milliards d’individus de terminaux intelligents et communicants qui leur assurent un accès illimité aux fabuleuses ressources de leur nouveau milieu numérique.
Rien de bien nouveau au fond : depuis l’aube des temps historiques, le progrès humain repose sur une externalisation fonctionnelle croissante des capacités n