« Égoïstes, imbéciles, illuminés, poujadistes, vulgaires » : les Gilets Jaunes vus depuis une certaine haute fonction publique
Après plusieurs semaines d’une mobilisation qui a plongé notre pays dans une crise dont l’ampleur n’a d’égale que l’incertitude qui prévaut s’agissant de ses débouchés possibles, il n’est pas sans intérêt d’observer l’énergie employée par certains observateurs pour discréditer le mouvement des Gilets Jaunes. La virulence de certains discours tenus dans le monde feutré de la haute fonction publique est particulièrement notable, parce qu’elle vient de certains de ceux qui revendiquent habituellement, à l’appui de leur bonne conscience, leur souci de l’intérêt général et du service des citoyens.

Parmi eux, nombreux sont ceux qui s’empressent de partager sur les réseaux sociaux et auprès de leurs collègues leur analyse d’une aveuglante clarté. Égoïstes, imbéciles, marginaux, brutaux, voyous, violents, fascistes, anarchistes, réactionnaires, illuminés, passéistes, poujadistes, amateurs, naïfs, primaires, vulgaires, et voici les Gilets Jaunes rhabillés pour l’hiver qui vient. De la diversité de leurs parcours, de leurs situations, de leurs motivations et de leurs revendications, ces analystes improvisés n’ont cure : armés d’une vue aussi courte que leur carrière est longue, ils entendent démontrer que cette masse sauvage ne serait composée que de barbares ignorants des réalités économiques, dont il vaudrait mieux pour le bien de tout le monde et en particulier du leur qu’ils laissent les sachants raisonnables gouverner sereinement.
Alors, fermez le ban ? Il ne suffit pas de mépriser la réalité pour la faire disparaître. Ceux qui prétendent réduire à l’insignifiance cet événement qu’ils n’étaient capables ni de prévoir, ni d’imaginer feignent d’ignorer ses causes profondes. N’en déplaise à ces demi-habiles qui prétendent régler le compte du mouvement en deux coups de mépris de classe, cette éruption de colère s’inscrit dans le temps long, celui d’évolutions économiques et sociales profondes qui se traduisent, pour une part importante des habitants de ce pays, par une pré