Politique

Pourquoi les gilets jaunes sont « sages » – et vont sans doute le rester

Philosophe

Des révolutions arabes aux Gilets Jaunes, certains observateurs soulignent l’intelligence ou la sagesse des foules quand d’autres pointent à l’inverse leur danger – ainsi Emmanuel Macron évoquant dans ses vœux une « foule haineuse ». Qu’en penser ? Ces appréciations sont-elles uniquement dépendantes de parti-pris politiques ? Non, des critères peuvent être mis en avant pour montrer que les foules peuvent être intelligentes ou dangereuses, suivant les cas, et que le passage de l’un à l’autre peut être brutal. Et, de là, que les Gilets Jaunes sont plutôt une foule sage, fortement susceptible de le rester.

Après bien d’autres, Yves Cohen a récemment souligné ce que les événements tels que les révolutions arabes ou le « mouvement des places » peuvent avoir de surprenant, dans la mesure où ils mettent en action des quantités considérables d’individus, sans coordination apparente et sans leader. Dans Réenchanter le monde (2017), ouvrage dans lequel nous interrogeons les conditions de l’émancipation, à l’époque de l’anthropocène et du postmarxisme, nous sommes revenus sur la question, entre autres choses, autour de quatre auteurs principaux : Gustave Le Bon, et plus secondairement Gabriel Tarde, Serge Moscovici, Jean-Paul Sartre et James Surowiecki.

Les deux (ou trois) premiers posent la question sous l’angle psychologique, aboutissant à des conclusions très opposées, tandis que le second apporte la matérialité des structures, humaines ou naturelles, et que le dernier dégage des conditions plus précises « d’intelligence » ou de « sagesse » des foules. Dans l’espace disponible les travaux d’Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ne seront pas évoqués, mais ils participent évidemment de la réflexion, en sous-main.

Deux visions très tranchées en psychologie sociale

Qui s’intéresse à la foule est renvoyé aux travaux considérés comme pionniers de Gustave Le Bon et de Gabriel Tarde qui font encore référence même s’il est de bon ton d’affirmer que les thèses du premier sont de qualité médiocre, tournées contre le socialisme (il écrivait contre les leaders syndicaux) et irrémédiablement entachées de leur usage fasciste (ses travaux furent largement mobilisés par les régimes totalitaires). Pour résumer très rapidement, Gustave Le Bon estime que l’individu est un être instable incapable de s’organiser et donc demandeur d’ordre et de normes, d’où un inévitable « despotisme des meneurs ». « Toujours prête à se soulever contre une autorité faible, la foule se courbe avec servilité devant une autorité forte. Si la force de l’autorité est intermittente, la foule, obéissant toujours à ses sentiments extrêmes, passe alternativement de l’anarchie à la servitude, et de la servitude à l’anarchie »[1].

Pour Gustave Le Bon les foules se laissent marquer par des images et des sentiments forts. « Qui connaît l’art d’impressionner l’imagination des foules connaît aussi l’art de les gouverner » Les religions sont donc un moyen universel pour instaurer l’ordre. C’est leur principale raison d’être. Elles doivent être ancrées dans les divers préjugés les plus courants qui ont une inertie plus grande que les modes et opinions. Les individus qui les composent savent qu’ils ont besoin d’un pouvoir extérieur pour être ordonnés les uns par rapport aux autres. « Dès qu’un certain nombre d’êtres vivants sont réunis, qu’il s’agisse d’un troupeau d’animaux ou d’une foule d’hommes, ils se placent d’instinct sous l’autorité d’un chef »[2] dont la destinée tient à sa capacité à éblouir et à réussir. Les moyens d’action des chefs sont principalement l’affirmation sans justification, la répétition qui crée l’habitude, et la contagion dont l’une des formes est l’imitation.

Tarde est réputé plus sérieux, moins marqué politiquement, et Bruno Latour fait même de lui le fondateur de la sociologie de l’innovation. Il laisse de côté l’hypnose et la suggestion et met l’imitation au cœur de l’analyse, définissant les sociétés comme « une collection d’êtres en tant qu’ils sont en train de s’imiter entre eux ou en tant que, sans s’imiter actuellement, ils se ressemblent et que leurs traits communs sont des copies anciennes d’un même modèle »[3].

Serge Moscovici reprenant la question en l’examinant à nouveaux frais estime toutefois que la révision opérée par Tarde demeure superficielle, l’imitation pouvant être interprétée comme une forme de suggestion[4]. Sa principale critique consiste à observer que la sociologie des foules repose sur une ontologie discutable : Le Bon considère l’individu comme demandeur de normes et d’ordre, et n’explore jamais une autre hypothèse, qui envisage ce même individu comme une source potentielle d’influence et un acteur du changement. A partir de là Serge Moscovici mène différentes expériences et remet en cause les six thèses principales avancées par Gustave Le Bon : que l’influence, dans un groupe, s’exerce forcément de manière unilatérale (du chef vers l’individu) ; que son but est uniquement de maintenir le contrôle social ; qu’elle va de haut en bas, suivant les rapports de dépendance ; que l’individu « obéit » par souci d’éviter l’incertitude ; que la « norme d’objectivité » (loi unique) est le meilleur garant d’un consensus ; et que le conformisme est ce qui sous-tend tous les processus d’influence. Serge Moscovici avance à l’opposé que toute personne est source et récepteur potentiel d’influence ; que le changement social, autant que le contrôle social, est un objectif d’influence ; que l’incertitude est le résultat d’un travail actif et nécessairement conflictuel d’une minorité qui veut obtenir de l’influence, car c’est par ce moyen qu’elle pourra obtenir de l’influence. C’est donc le conflit provoqué de manière active pour pousser de nouvelles manières de faire qui est à l’origine de l’incertitude, et non une « inquiétude naturelle » des personnes qui les contraindrait au conformisme. Si la psychologie sociale standard ne l’a pas vu, dit Serge Moscovici, c’est parce qu’elle n’a pas tenu compte des rapports de pouvoir[5] et qu’elle n’a pas réellement mis ses postulats à l’épreuve.

S’appuyant sur le Freud de la Psychologie des masses et l’analyse du moi (1921), Serge Moscovici remplace la suggestibilité jamais expliquée et l’imitation jugée trop peu différente par la notion de libido, d’amour, qui oblige à sortir de soi-même. Il suggère la présence de deux principes en tension : la mimesis qui consiste à se conformer à un modèle, à un idéal, et l’eros qui est amour, harmonie, en tant qu’il empêche la démesure[6]. L’eros est le principe de réalité qui s’impose à l’idéal. La tension est la suivante : la mimesis consiste à suivre des représentations dont la vérité n’est pas assurée mais qui tirent leur crédibilité du fait qu’elles sont très répandues. C’est la répétition qui accrédite la vérité de la représentation et non l’expérience empirique. La vérité est simple intersubjectivité, ce qui conduit à un relativisme vidant de fait la vérité de son contenu. L’eros cherche au contraire l’harmonie réelle ; il se confronte donc à l’expérience et provoque au besoin le conflit et la divergence. C’est un discours de vérité et non de mensonge. L’Amour est l’Un qui vise l’harmonie et donc la complémentarité des singularités dans leurs différences. Il va à l’encontre de la mimesis qui repose sur l’Identité et le Même, et qui ne peut engendrer que le chaos, faute de retour du réel.

Serge Moscovici montre que nous ne sommes pas condamnés au diagnostic apporté par Gustave Le Bon. Il pose cependant deux problèmes. Le premier est la réduction opérée par l’approche psychologique, qui laisse de côté la matérialité du monde, à la fois humaine (structures, institutions) et naturelle, si cruciale dans le cas des Gilets Jaunes, dont l’existence est liée au montant des taxes, aux émissions de CO2 etc. C’est ici que Jean-Paul Sartre peut fournir quelques ressources théoriques utiles pour l’analyse. Le second est de savoir concilier les deux approches aussi antagoniques de Serge Moscovici et de Gustave Le Bon. Souligner l’usage récurrent fait du second par les idéologies conservatrices ne suffit pas à expliquer à quelles conditions les phénomènes décrits par le premier sont possibles. Et ici nous nous intéresserons aux apports de James Surowiecki, dans un second temps, Jean-Paul Sartre restant un peu trop général.

La matérialité au travers de trois concepts-clé : groupe, série et quasi-souverain

Pour Jean-Paul Sartre être engagé, c’est être en situation, en tant que cette situation peut être changée. « L’immédiat, c’est le monde avec son urgence »[7]. Dans ce contexte le problème d’une raison émancipatrice est celui « d’une totalisation ». La totalisation est un processus, une unification en acte ; elle est effective c’est-à-dire pratique, concrète. La totalisation se distingue de la totalité qui est un résultat. L’activité totalisante « resserre tous les liens et fait de chaque élément différencié son expression immédiate et sa médiation par rapport aux autres éléments ». Se totaliser c’est se temporaliser et se spatialiser, ce qui implique une dimension que l’on pourrait presque dire d’aménagement du territoire, pour bien saisir ce qui se joue. « La découverte capitale de l’expérience dialectique, je le rappelle tout de suite, c’est que l’homme est “médié” par les choses dans la mesure même où les choses sont “médiées” par l’homme ».

C’est le moment de la philosophie de la nature, chez Hegel, quand la conscience ou esprit sort de lui-même pour aller à la rencontre du non-soi, de l’étrangeté. La relation des hommes entre eux est donc ternaire : moi, l’autre et l’objet, qui est le milieu dans lequel nous manifestons notre transcendance. L’homme n’est pas réductible à la matière mais il en participe, et pour la mettre en mouvement il doit s’y réduire, se faire-matière. C’est le cas notamment du travail, activité dans laquelle « l’homme se réduit à la matérialité inorganique pour agir matériellement sur la matière et changer sa vie matérielle ». « Se réduire », ici, ce n’est pas un « biologisme » : c’est s’engager, se faire matière pour agir sur la matière, car l’esprit seul n’a pas d’effet ni même de manifestation. Quand l’acte est praxis, il unifie : « la praxis comme unification de la pluralité inorganique devient unité pratique de la matière. Les forces matérielles rassemblées dans la synthèse passive de l’outil ou de la machine font des actes : elles unifient d’autres dispersions inorganiques et, par là même, imposent une certaine unification matérielle à la pluralité des hommes ».

À partir de là Jean-Paul Sartre distingue deux modalités du rapport des individus entre eux, qui vont venir compliquer la question du rapport à la norme mis en avant de manière interne par les psychologues sociaux : les « séries » (ou « collectifs ») et les « groupes ». La sérialité désigne l’état d’individus qui se trouvent dans des situations similaires, d’où des identités partagées ou communes qui n’ont pourtant rien « d’essentiel ». Le Colon, le Prolétaire ou le Capitaliste sont le nom possible d’une série (d’où la majuscule). Ils partagent une même objectivité (hexis similaires, structuration commune de l’espace symbolique etc.) ; de là naît une complicité immédiate, sinon une coopération. La sérialité implique en effet un niveau de concertation qui peut être très faible : les Cyclistes se comprennent instantanément ou presque, face à la pluie ou aux Automobilistes. Cette similarité des situations se donne souvent sous l’aspect de la naturalité et de l’extrême banalité. Sartre donne l’exemple d’une file d’attente à un arrêt de bus : chacun sait comment se situer sans avoir besoin d’en discuter. La configuration matérielle et symbolique est claire pour tous, tout comme l’effet attendu : aller quelque part en bus. La situation se répète sans avoir besoin d’être questionnée, sinon à la marge, sous la forme de l’exception. C’est une fonction, validée et sanctionnée par les individus qui la mobilisent. Le résultat est produit par tous mais il se réalise sans contrôle central direct. Ainsi des banlieusards qui vont au supermarché le samedi ou du pic de consommation électrique vers 19 h en hiver, en France, quand les gens rentrent chez eux et allument le chauffage. Les situations ont aussi une inertie, qui tient au milieu et à leur degré d’institutionnalisation. Les fonctions en tant qu’inertie peuvent générer le bien commun, tout autant que le mal commun, comme dans le cas des conflits ou des vendettas interminables.

Si le collectif se caractérise par l’inertie et la fonction, le groupe se définit au contraire « par ce mouvement constant d’intégration qui vise à en faire une praxis pure en tentant de supprimer en lui toutes les formes d’inertie »[8]. Il surgit à la faveur d’un événement qui conduit à mettre en cause la configuration existante des fonctions et des collectifs, et à la faire « fondre ». Sartre donne l’exemple de la Commune en montrant comment un danger ou mal commun fait sortir les individus de leur comportement sériel, par le moyen de ce que Durkheim appelait une effervescence, au cours de laquelle les inerties sont suspendues, deviennent labiles et se recomposent. La conjoncture se trouve « fluidifiée »[9]. Ainsi Paris encerclée par le Roi : l’individu qui voit arriver l’armée du Roi se met à courir, et celui qui voit courir court car le comportement d’autrui lui indique que quelque chose d’important est en train de se produire. Des groupes émergent : on se parle, on s’organise, on va chercher des armes au Faubourg Saint-Honoré. Le groupe est alors « en fusion », tout le monde régule tout le monde, les messages circulent vite et personne ne se trouve au-dessus des autres. Chacun est dans une relation réciproque avec les autres, quoique fractionnée en de multiples sous-fusions. Chacun dissout activement son être sériel et adapte sans cesse son comportement à la situation, qui évolue.

Cette situation de groupe en fusion ne dure pas. Tôt ou tard une nouvelle organisation va se mettre en place, des fonctions nouvelles vont se stabiliser au service du groupe et du bien commun. Chacun va s’occuper d’une fonction particulière. Petit à petit de nouvelles séries vont se former, de cette manière-là, que le danger reflue ou pas d’ailleurs, car une armée est une institution fonctionnalisée à l’extrême. Le groupe ne disparaît jamais complètement car aucune institution n’a la folie de croire qu’elle peut ignorer totalement le changement. Une fusion partielle est donc maintenue : ce sont par exemple les conseils d’administration où l’on fait évoluer les institutions à la marge, de manière cadrée.

A partir de cette analyse des séries et des groupes Jean-Paul Sartre met en évidence l’existence d’une position très particulière qui dote un individu ou une petite minorité d’un rôle unique au pouvoir potentiellement démesuré. Replaçons-nous dans la situation : les individus engagés dans la série peuvent ne pas avoir de perception directe de l’effet collectif des comportements dans lesquels ils sont agrégés, et c’est même le plus souvent le cas ; c’est pour cette raison que Marx dit qu’ils ne savent pas l’histoire qu’ils font. Le problème ne peut pas être surmonté simplement en discutant avec un individu voisin, car celui-ci se trouve dans une situation similaire. Chaque individu n’est qu’une partie d’un processus qui peut être très vaste, tels que l’Empire romain ou la mondialisation économique. Les acteurs en situation n’ont qu’une vision très limitée de l’ensemble. Dans le même temps ils peuvent constater l’indignité de leur situation, de leur hexis, et les menaces qui les visent. Pour agir sur leur situation divers canaux vont alors être mobilisés : médias, bouche-à-oreille et tous les autres moyens disponibles. La difficulté, ici, est ce que Sartre appelle la récurrence : l’incapacité d’un individu de parler à chacun des autres et ainsi de provoquer un « groupe » formé de milliers, de millions ou de milliards de personnes.

C’est de cette difficulté matérielle que découle en partie la justification libérale de la représentation politique : si 70 millions de personnes (cas de la France) ne peuvent discuter, 550 députés le pourront. La supercherie libérale est de tenir le problème pour réglé, le peuple n’a qu’à voter et les députés font ce qu’ils veulent ensuite, du fait de l’impraticabilité d’autres moyens tels que les mandats impératifs. Mais le problème se pose également au socialisme des conseils. Si la conversation et la représentation ne peut être directe alors elle sera indirecte. L’individu, groupe ou collectif qui s’élève au-dessus des autres pour attirer l’attention et prendre la parole matérialise un point focal. C’est de ce point-là que les individus engagés dans les séries peuvent apprendre ce qu’ils font, collectivement. Si Sartre parle de « quasi-souveraineté » et non de souveraineté pour désigner la qualité propre de cet endroit c’est pour bien marquer le fait que ce lieu de totalisation est distinct des individus qui sont engagés dans les séries. Étant le lieu qui permet de savoir, il est aussi le lieu qui permet de pouvoir. Sa centralité lui confère un pouvoir considérable soit d’organisation soit de blocage, en tant qu’il fait autorité, symboliquement ou matériellement (forces de police, barricades, blocage des entrées d’autoroute). Le milieu matériel est mobilisé : son de la voix, images vidéo, monstrations publiques telles que des marches, grèves, l’occupation des places etc.

Les conditions de la sagesse des foules

L’apport sartrien permet de sortir de concepts très utiles mais trop étroitement psychologiques tels que la mimesis ou l’eros. Il réinjecte de la matérialité, de la structure, de l’espace. Mais le second problème pointé plus haut demeure : comment concilier Gustave Le Bon et Serge Moscovici ? Tous deux mettent en exergue des exemples très convaincants, qui ne peuvent être écartés du revers de la main. Impossible de se ranger simplement du côté de l’un ou du côté de l’autre. La position que nous défendons ici est que tous deux ont partiellement raison : la foule peut parfois être en demande d’ordre, parfois être productrice d’ordre. C’est dans cette hésitation, à tous les niveaux (rappelons que pour Gustave Le Bon la « foule » commence dès le rassemblement de quelques individus), que les individus composant la foule s’organisent et se réorganisent. Le problème est donc celui, sartrien, des conditions d’une raison dialectique. Mais ici Sartre montre ses limites. Si les apports de l’auteur de L’être et le néant sont précieux, ils sont à la fois trop généraux (comment passer des groupes et des séries à la fabrique de la loi ?) et trop précis, puisque débouchant sur le socialisme des conseils ou le communisme pour lesquels l’auteur avait pris fait et cause à son époque, estimant du marxisme qu’il était « l’horizon de notre temps »[10], et qu’il n’était donc pas question d’en sortir.

S’inspirant comme Jean-Paul Sartre de la Foule solitaire de David Riesman, et observant depuis plusieurs décennies la réaction des foules, le journaliste James Surowiecki peut nous fournir un point de départ important, dans son ouvrage La sagesse des foules. Il suggère à partir de nombreuses observations empiriques dans des domaines principalement économiques que quatre conditions sont requises pour que les foules soient intelligentes : une diversité élevée des opinions, l’indépendance des opinions, la décentralisation et une méthode fiable d’agrégation (le vote, diverses formules de calcul telles que la moyenne, le tirage au sort d’un groupe chargé d’agréger comme dans les conventions de citoyens et autre). James Surowiecki montre par exemple qu’une foule estime beaucoup plus précisément le poids d’un bœuf au jugé qu’aucun de ses membres pris un à un. Son livre est rempli d’exemples étonnants. Que penser de ces quatre critères ? Pour aller droit au but : ces conditions sont tout simplement celles de la démocratie. En effet la première souligne l’importance du respect de la diversité normative des individus, dans le travail collectif cherchant à faire émerger un jugement commun. Cette diversité est observable chez les Gilets jaunes, à la différence de mouvements militants qui sont par définition monocolores. Elle est ce qui a dérouté de nombreux observateurs habitués aux catégories instituées (gauche, droite, syndicat, parti, marché, service public etc.). La seconde condition est l’authenticité : chacun doit se prononcer en âme et en conscience et non sur la suggestion du voisin ou du chef. Cette condition neutralise l’imitation. Là encore les Gilets Jaunes font montre d’un grand respect de la diversité interne. La troisième condition est relative à la matérialité du monde : elle exige d’obtenir une appréhension large des faits à prendre en compte, à l’opposé d’une vision trop locale. Ici les Gilets Jaunes sont moins assurés, comme en témoignent la porosité aux rumeurs, ainsi le Traité de Marrakech. Enfin le problème de l’agrégation renvoie plus largement le « problème de Rousseau », de l’articulation de la volonté générale et de la volonté de tous[11]. Sur ce point précis les Gilets Jaunes sont relativement démunis, en ce qui concerne le lien des groupes (au sens sartrien) locaux et des séries plus larges, en particulier nationales.

Ce qui est observé par James Surowiecki dans des situations stables est encore valable dans des « conjonctures fluides »[12], ces moments de fusion plus ou moins importante des séries (que Michel Dobry appelle « désectorisation ») qui autorisent un réajustement des individus et des institutions, telles que les situations révolutionnaires. Comme Serge Moscovici, Michel Dobry voit dans le conflit et dans l’incertitude la possibilité pour les individus de faire émerger du nouveau, et non pas, comme chez Gustave Le Bon, une imperfection nécessitant l’intervention rapide des autorités en place pour écarter les fauteurs de trouble – bien que ce soit ce qui se produise souvent. Michel Dobry souligne comme Jean-Paul Sartre que les situations sont susceptibles de réinterprétation et de transformation, d’où une activité continue de définition de la part des acteurs. Lui aussi estime que le recours à des leaders ne peut se comprendre que dans ce contexte pluraliste. Le chef charismatique est plutôt un effet émergent dans ce contexte[13]. On pourra cependant reprocher à Michel Dobry de maintenir le vocabulaire du calcul, quand les variables sur lesquelles l’individu s’appuie sont à ce point incertaines et fluides, de son propre aveu et quand la sociologie du don a mis à jour depuis longtemps que les mécanismes d’alliance et de conflit ne reposent que partiellement sur le calcul, qui demeure trop étroit par rapport à ce que Jean-Paul Sartre appelle la praxis émancipatrice fondée sur la totalisation. Mais l’intelligence est bien là quand Emmanuel Macron, tout en parlant de « discours de vérité », lors de ses vœux, explique avoir posé « les bases d’une stratégie ambitieuse pour améliorer l’organisation de nos hôpitaux, nos cliniques et nos médecins, pour lutter contre le réchauffement climatique, éradiquer la grande pauvreté et permettre à nos concitoyens en situation de handicap de trouver leur place dans la société ». Où peut-on constater l’existence en acte de cette stratégie ?

Le rôle des leaders doit être compris dans ce contexte. Avec James Surowiecki (ou Alfred North Whitehead à nouveau) le savoir est conçu comme distribué. Que la Terre soit sphérique par exemple est une expérience qui n’a été réellement faite que par un très petit nombre d’individus ; les autres reprennent cette thèse sans l’avoir eux-mêmes vérifiée. Il en va de même pour les situations sociales telles que ce qui se passe réellement sur les ronds-points ou dans les commissariats. Cette connaissance va s’incarner dans un ou plusieurs « quasi-souverains », suivant la terminologie sartrienne, c’est-à-dire des représentations (journaux, images etc.) ou des personnes telles que des leaders, ou meneurs, dans la terminologie moscovicienne. Le charisme est habituellement le terme employé pour désigner la faculté qu’ont quelques individus à être regardés plus que les autres, et à jouer le rôle de point focaux.

Serge Moscovici distingue deux sortes de leaders charismatiques : les meneurs « mosaïques » qui sont des novateurs et des catalyseurs obéissant à des aspirations larges, guidés par l’Amour, et les meneurs « totémiques » qui cherchent au contraire à établir une obéissance à leur nom – c’est la situation décrite par Gustave Le Bon. Joseph Staline est un excellent exemple : il organise la propagande de telle manière à se montrer toujours près du peuple et de ses problèmes, chargeant les autres de toutes les difficultés et de tous les échecs[14]. Bachar el-Assad et Kim Jong-Un sont d’autres exemples. Ce dernier sait piloter, trouver les licornes, il séduit toutes les femmes, il est le meilleur joueur de golf du monde bref le dictateur possède toutes les compétences sans qu’aucune d’entre elles ne soit jamais réellement mise à l’épreuve. Les leaders mosaïques ou moscoviciens sont démocratiques, ils demandent aux autres ce qu’ils demandent à eux-mêmes, ils sont exemplaires et se prêtent volontiers à toutes les épreuves permettant d’établir leurs compétences, se retirant au besoin. Les leaders totémiques sont dans le mensonge permanent, ils réécrivent l’histoire, organisent la méfiance et le mystère, prônent l’interdiction de penser et finalement mettent en place des religions, séculières ou non. Le marxisme devient ainsi une Révélation dont Joseph Staline est le gardien. Serge Moscovici relève de concert avec Hannah Arendt et Jacques Derrida que la crédibilité étant le principal problème d’une domination illégitime, la première mesure que prend un régime totalitaire pour sa propre sécurité est d’interdire la critique de manière à éviter les dissonances[15] et laisser voir à chacun de manière isolée que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Les meneurs mosaïques sont ceux qui se mettent au service du travail que les foules mènent sur elles-mêmes, en faisant sans cesse la preuve de leur non-appropriation du pouvoir, jouant la transparence et la vérité, à l’opposé des totémiques. La différence entre les deux tient donc en partie à l’attitude du leader.

Pourquoi les gilets jaunes sont « sages », et vont sans doute le rester

Ces éléments analytiques et théoriques permettent peut-être de mieux rendre compte et sans doute de mieux comprendre le phénomène actuel des gilets jaunes. En langage sartrien, ceux-ci émergent à la faveur de la fusion partielle de diverses séries, qui structurent les métiers et les vies personnelles des individus. Avant ce moment particulier, dont nul ne sait exactement comment il s’est produit – c’est le propre de l’événement, par définition imprévisible, et qui n’est explicable qu’a posteriori –, chacun se trouvait figé dans sa situation, dans sa série, sans pouvoir la changer, sans pouvoir construire du commun sur la question du climat ou de l’attitude à tenir envers le gouvernement, c’est-à-dire le quasi-souverain. Chacun se pensait isolé et démuni, comme prisonnier de son hexis, en situation de servitude volontaire, dans l’incapacité de former un groupe (sartrien) qui serait à l’origine d’une nouvelle régulation de grande ampleur. Puis la fusion se produit, localement. Le gilet jaune la rend visible et permet une communication instantanée sur un vécu (la détresse, le pouvoir d’achat) et sur une action, qui fait événement (l’occupation d’un rond-point).

Cette fusion paraissant être une réponse opportune, elle se diffuse rapidement (Sartre : celui qui voit courir se met à courir, va chercher les armes au Faubourg St Honoré), non par la mimesis mais par l’eros (le projet commun) : moi aussi, je suis écrasé par un salaire trop faible relativement aux taxes et à ce qu’il est nécessaire de consommer pour vivre dignement[16] ; moi aussi je cherche des solutions à mes problèmes, et je sais qu’elles sont individuelles et collectives. La nouvelle condition partagée ouvre à l’amitié, à la rencontre, d’où la « République des ronds-points ». A l’instar de la Commune de Paris la foule est bigarrée, aussi les quasi-souverains intermédiaires institués (syndicats, partis, associations, mais aussi analystes politiques) sont-ils aussi pris au dépourvu que le plus important d’entre eux : le gouvernement.

Une identité se construit petit à petit : le Gilet Jaune, comme le Capitaliste, le Prolétaire etc. La foule est moscovicienne, les leaders sont mosaïques, ou s’ils ne le sont pas ils sont vite déchus. De la contestation elle passe très rapidement (quelques semaines) à la proposition : le RIC (référendum d’initiative citoyenne), le rétablissement de l’ISF, l’ouverture des livres de compte (où vont nos impôts ?). Les Gilets Jaunes n’ont pas plus de programme commun que les Indignés, au départ, puisque c’est la menace qui les unit et non la solution. Mais c’est dans cette situation de fusion que des alternatives à l’ordre existant se construisent, se confrontent, s’élaborent, se généralisent, se sérialisent : faut-il viser le diesel ? Pourquoi pas l’essence ? Ne peut-on utiliser la voiture à hydrogène ? Faire émerger la généralité sociale qui pourra donner prise à la loi nécessite de la part des individus de mettre en partage ce qu’ils considèrent être des évolutions acceptables, compte-tenu de la balance des pertes et profits.

Constatons, sous réserve d’enquête plus approfondie, que la foule des Gilets Jaunes respecte jusqu’à ce jour les quatre conditions mises en avant plus haut à la suite de James Surowiecki. Elle respecte la diversité interne des opinions, elle tolère l’extrême-droite comme l’extrême-gauche, qui viennent argumenter mais qui ne sont pas suivies[17]. Elle a conscience de l’importance à accorder à cette diversité : c’est ce qui justifie de parler du « peuple », à ses yeux, par opposition aux quasi-souverains qui prétendent le représenter, et qui sont contestés. Elle a également conscience que cette diversité est ce qui garantit l’adhésion du peuple, dans sa diversité, et jusqu’aux policiers que la foule tente constamment de mettre de son côté, même si elle l’affronte à d’autres moments. Elle se montre méfiante envers la formation de factions, ainsi la jonction entre CGT et Gilets Jaunes le 16 décembre matin place de l’Opéra à Paris a-t-elle été à la fois un succès (chants « tous ensemble » et « la Marseillaise ») et un demi-échec, dans la mesure où le syndicat est contesté, à tort ou à raison, et que ses gilets rouges venaient poser des questions que les Gilets Jaunes n’avaient pas forcément envie d’affronter collectivement dans l’immédiat. Le jaune a donc rapidement repris le dessus. Elle respecte la diversité géographique, la décentralisation, et n’accorde qu’un rôle limité et précis aux manifestations parisiennes. Elle met un soin extrême à mettre en avant des méthodes d’agrégation nouvelles, se saisissant très vite du Référendum d’Initiative Citoyenne.

La foule pourrait-elle devenir « labonienne » (suivant Gustave Le Bon), c’est-à-dire mimétique, être en demande de normes, issues du pouvoir, d’un quasi-souverain ? A ce stade le risque paraît très faible. Les tentatives venant des milieux nationalistes de faire de l’immigration l’explication facile (le fameux « Pacte de Marrakech ») n’ont eu qu’une prise très limitée. On ne voit pas par quel effet d’hallucination collective les immigrés pourraient être tenus pour responsables de la situation des Gilets Jaunes. Ce qui domine de manière écrasante dans les revendications est la mise en cause du quasi-souverain actuel : le gouvernement. La solution la plus évidente pour la foule est d’en changer – d’où le fait que l’appel à la démission d’Emmanuel Macron soit constant et omniprésent. L’Europe n’est pas non plus visée de manière centrale : l’antagonisme est bel et bien solidement ancré entre les « petits » et les « gros », sur le territoire français. On ne voit pas non plus émerger de démagogue équivalent à Hitler ou Mussolini, n’hésitant pas à abreuver le débat public de propos destinés à faire chuter le gouvernement, pour s’emparer du pouvoir à des fins ultra-conservatrices, supprimant la démocratie. L’attitude du Rassemblement National est républicaine, bien peu fasciste ; et à vrai dire elle est surtout très limitée. La foule ne se laisse pas distraire par les groupuscules plus radicaux qui sont à l’œuvre. La situation de détresse et de désorganisation est bien inférieure à celle de l’Allemagne des années 1930. Les théories racistes n’ont plus cours. La France d’aujourd’hui ne ressasse pas l’équivalent de ce que fut le Traité de Versailles pour l’Allemagne des années 1930. On ne voit pas bien pour quelle raison la foule se mettrait à errer loin de ce que Surowiecki appelle la sagesse ou l’intelligence, à court ou moyen terme.

C’est le propre d’une crise que de générer des « conjonctures fluides », suivant l’expression de Dobry, c’est-à-dire une vacance relative du pouvoir (quasi-souverain), lui permettant d’être « pris » – pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire. Si la situation se « fluidifiait » davantage, par exemple si le gouvernement démissionnait, si l’Assemblée était dissoute, si des élections générales étaient organisées, le risque du pire augmenterait-il ? Voit-on un Bolsonaro en embuscade ? L’Europe est critiquée mais pas sur la base d’antagonismes entre nations : nulle part on ne voit prétendre que l’Allemagne nous vole, par exemple. L’emprise du terrorisme islamique est restée très faible : leur but, de monter les populations les unes contre les autres, est très loin d’être atteint. Les tensions autour de la laïcité ou de l’immigration, si elles reposent partiellement sur des représentations erronées, voire fantasmées, sont globalement faibles, au sens où nous sommes très loin de l’antisémitisme qui pouvait exister dans les années 1930, ou du racisme de la fin du XIXe siècle. Est-ce un effet de l’instruction ? De l’information ? Peut-être, ce serait à discuter plus avant. Mais le risque paraît très limité. La conjoncture nous paraît peu se prêter à l’émergence de démagogues. Dès lors la « fluidification » des structures ou « fusion » des séries tombe plutôt du côté progressiste, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore.

Partant de la divergence d’appréciation radicale entre Gustave Le Bon et Serge Moscovici, en ce qui concerne les foules, nous avons enrichi l’analyse avec les apports de Jean-Paul Sartre puis de James Surowiecki. Ce parcours théorique nous a permis de mettre en lumière certaines caractéristiques essentielles des foules en général, ce qui nous a donné des outils pour appréhender le cas particulier des Gilets Jaunes. À la lumière de ces outils ce mouvement paraît plutôt « sage », ou « intelligent », suivant les termes employés par James Surowiecki. Et tant qu’il répond aux quatre critères mis en avant par cet auteur, il le restera. L’avenir n’est pas écrit mais rien n’indique que les conditions doivent changer à court terme. L’analyse indique aussi les risques à surveiller : l’apparition de démagogues, qui se mettraient ouvertement à mentir, et dont les mensonges commenceraient à être suivis ; une unification qui commencerait à être excessive, soit à droite, soit à gauche, l’un tentant forcément d’expulser l’autre ; un rétrécissement géographique, le mouvement devenant par exemple trop parisien, sans souci de ses bases géographiques, c’est-à-dire de sa représentativité ; le fait de délaisser le souci de qualité dans les méthodes d’agrégation pour préférer l’identification directe avec un leader charismatique, le référendum virant au plébiscite. Ces quatre éléments sont ceux qui sont à surveiller dans l’avenir. Mais l’intelligence des foules a aussi ses avantages. Elle voit ce que les corps intermédiaires ne voient plus, étant trop pris dans leurs jeux politiques immédiats. Elle est difficile voire impossible à tromper, comme le suggérait Rousseau. Dans ces conditions c’est peu dire si cette foule, largement contrainte au silence en dépit de son intelligence, recevra sans doute avec beaucoup de scepticisme le « discours de vérité » tenu par le président Emmanuel Macron lors de ses vœux.


[1]Gustave Le Bon, Psychologie des foules, PUF, 2003 [1895], Livre 1, chapitre 2, §4.

[2]Ibid., Livre 1, chapitre 3, §3 – Livre 2, chapitre 3, §1.

[3]Gabriel Tarde, Les lois de l’imitation, Kimé, 1993 [1890], chapitre 3.

[4]Serge Moscovici, L’âge des foules – un traité historique de psychologie des masses, PUF, 1985, p. 216.

[5]Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1996 [1979], p. 60.

[6]Ibid., p. 351.

[7] Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant, Gallimard, 1976 [1943], p. 73.

[8]Jean-Paul Sartre, Critique de la Raison dialectique, Gallimard, 1985 [1960], p. 160, 162,193, 289, 295, 363.

[9] Michel Dobry, Sociologie des crises politiques : la dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, FNSP, 2009 [1986].

[10]Jean-Paul Sartre, Op. Cit., 1960, p. 60.

[11]Radu Dobrescu, La distinction rousseauiste entre volonté de tous et volonté générale : une reconstruction  mathématique et ses implications pour la théorie démocratique, Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 42:2 (June/juin 2009) 467–490

[12]Michel Dobry, Op. Cit., 2009 [1986].

[13]Ibid., p. 244.

[14] Poutine a adopté semble-t-il la même stratégie, comme le soulignent des dissidents ayant connu le stalinisme. Voir le reportage de Jean-Michel Carré, Poutine pour toujours ? 2007. Voir également 1984, d’Orwell

[15] Serge Moscovici, La machine à faire des dieux, Fayard, 1988, p. 244

[16]En France un individu qui gagne 1000 euros par mois est considéré comme pauvre par ses concitoyens, alors qu’à l’échelle mondiale il fait largement partie de la classe moyenne, laquelle démarre à 6000 euros par an. La raison est que la pauvreté est relative à un mode de vie, comme le suggérait Amartya Sen. La richesse est partiellement « positionnelle » c’est-à-dire relative à la position des autres. Voir https://www.secourspopulaire.fr/barometre-ipsos-spf-2018

[17] Observations personnelles sur les Champs-Elysées et aux alentours, les week-ends de décembre 2018.

Fabrice Flipo

Philosophe, Professeur à Télécom École de Management, Institut Mines-Télécom

Mots-clés

Gilets jaunes

Notes

[1]Gustave Le Bon, Psychologie des foules, PUF, 2003 [1895], Livre 1, chapitre 2, §4.

[2]Ibid., Livre 1, chapitre 3, §3 – Livre 2, chapitre 3, §1.

[3]Gabriel Tarde, Les lois de l’imitation, Kimé, 1993 [1890], chapitre 3.

[4]Serge Moscovici, L’âge des foules – un traité historique de psychologie des masses, PUF, 1985, p. 216.

[5]Serge Moscovici, Psychologie des minorités actives, PUF, 1996 [1979], p. 60.

[6]Ibid., p. 351.

[7] Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant, Gallimard, 1976 [1943], p. 73.

[8]Jean-Paul Sartre, Critique de la Raison dialectique, Gallimard, 1985 [1960], p. 160, 162,193, 289, 295, 363.

[9] Michel Dobry, Sociologie des crises politiques : la dynamique des mobilisations multisectorielles, Paris, FNSP, 2009 [1986].

[10]Jean-Paul Sartre, Op. Cit., 1960, p. 60.

[11]Radu Dobrescu, La distinction rousseauiste entre volonté de tous et volonté générale : une reconstruction  mathématique et ses implications pour la théorie démocratique, Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 42:2 (June/juin 2009) 467–490

[12]Michel Dobry, Op. Cit., 2009 [1986].

[13]Ibid., p. 244.

[14] Poutine a adopté semble-t-il la même stratégie, comme le soulignent des dissidents ayant connu le stalinisme. Voir le reportage de Jean-Michel Carré, Poutine pour toujours ? 2007. Voir également 1984, d’Orwell

[15] Serge Moscovici, La machine à faire des dieux, Fayard, 1988, p. 244

[16]En France un individu qui gagne 1000 euros par mois est considéré comme pauvre par ses concitoyens, alors qu’à l’échelle mondiale il fait largement partie de la classe moyenne, laquelle démarre à 6000 euros par an. La raison est que la pauvreté est relative à un mode de vie, comme le suggérait Amartya Sen. La richesse est partiellement « positionnelle » c’est-à-dire relative à la position des autres. Voir https://www.secourspopulaire.fr/barometre-ipsos-spf-2018

[17] Observations personnelles sur les Champs-Elysées et aux alentours, les week-ends de décembre 2018.