La violence du centre
Le centre politique n’est qu’en apparence un modèle de modération situé entre gauche et droite. Les précédents historiques le montrent : celui des Républicains opportunistes puis radicaux au cours de la IIIe République, impliqués dans de vastes scandales financiers (donc celui du canal de Panama), ou dans la répression sans ménagement des grèves ouvrières (en 1906 par Clémenceau) ; celui de la Démocratie chrétienne en Italie, au destin semblable. Ce centre-là absorbe la gauche et la droite, annule leur opposition, si bien qu’il occupe tout le champ de la légitimité politique entre les extrêmes et n’a plus de contre-pouvoirs efficaces. Alors qu’on a pu brièvement penser que la Ve République pouvait favoriser l’alternance gauche-droite, la victoire de Macron marque le grand retour de ce centre hégémonique ou de cet extrême centre (1), qui n’a pas de limites dans l’exercice du pouvoir et s’avère particulièrement dangereux. Voyons ce danger et ses caractéristiques nouvelles avant d’étudier, dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes », comment s’intriquent les aspects politiques et spatiaux de la centralité comme de la résistance qu’elle entraîne.
Les trois dimensions de la violence
Le centre d’aujourd’hui ne se caractérise plus par ses opérations financières dissimulées ; il est plutôt ouvertement en accord avec un protocole financier qui a tendance à devenir la règle première de la politique des États. Il est au service de la richesse sans la détourner, et en même temps asservi par une richesse manquante (la dette publique) ; il en découle qu’il n’est pas corrompu. Sa première particularité est qu’il répercute et accentue politiquement, sans détours, la violence sociale due à l’augmentation sans limite des écarts de richesses.
Ensuite, cette politique ne vise pas du tout à compenser cette violence sociale par un discours conciliant. Son langage même est violent. En déclarant en septembre 2017 « je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques,