Politique

De la mobilité à la sécurité, ou l’envers du Grand Débat National

Philosophe

La ministre des transport Élisabeth Borne a annoncé le 23 janvier 2019, le lancement mi-mars d’une plateforme collaborative « pour exprimer nos idées de mobilité », ce grand concert des actrices et acteurs de la mobilité semble toutefois dépasser les enjeux spatiaux. En effet la mobilité, comme force synergique articulant l’espace, le social et le politique et dont le champ d’action inclut déplacement, communication et frontière, semble poser des enjeux sécuritaires qui se font bien plus discrets.

En ces temps d’incertitudes, qui impliquent dans un étrange silence épistolaire le mouvement des Gilets jaunes, « nous devons nous rappeler qui nous sommes », écrit le président Macron dans sa « Lettre aux Français » : « La France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. C’est aussi une des plus libres ».

Mais justement parce que « ce n’est pas un pays comme les autres », il peut être intéressant de faire un petit détour par l’article très général qu’une encyclopédie américaine consacre aux protestations en France depuis 1789.

La France est bien connue pour son climat conflictuel, écrit Franck Lee Wilson, mais les études montrent que les mouvements de contestation n’y sont guère plus fréquents que dans les autres pays européens. L’originalité française se trouve donc ailleurs : dans le fait que les manifestations tournent rapidement à la confrontation directe avec l’État.

En effet une revendication précise n’a eu que très rarement un effet sur le gouvernement en place. Celui-ci ne réagit que quand son existence est menacée : « son attention est plus facilement attirée par des situations de rupture que par l’expression de besoins » (nous traduisons).

D’où l’habitude française de remettre en cause l’État à chaque manifestation, et corrélativement, cette « présence massive des forces de l’ordre » qui surprend tout observateur étranger. L’État français peut alors paraître plus vulnérable qu’un autre, mais il est plus fort : il est reconnu pour son expertise dans le domaine du maintien de l’ordre et devrait l’être autant par sa capacité à « prendre des décisions, même impopulaires, en leur ajoutant seulement une vague référence aux vues du public ».

Quand il semble céder à une protestation, c’est encore par habitude tactique : il affirme sa capacité d’écoute, puis au moment où le conflit s’étiole, revient sur ses concessions et réaffirme son pouvoir.

Parmi les exemples clefs de ce petit exposé portant sur deux siècles et demi se tro


Jérôme Lèbre

Philosophe, directeur de programme au Collège International de Philosophie

Mots-clés

Gilets jaunes