Algérie, la solitude des foules
Les images de la foule du mouvement de contestation algérien du 22 février ont surpris. La méconnaissance de la jeune nation algérienne en Occident, les présupposés, les préjugés sur ce que sont ou sont supposés être les Algériens aujourd’hui alimentent une grande surprise et une méfiance. Une défiance.

Il s’agit de comprendre comment « ce peuple islamisé, qui a tout perdu avec la guerre d’Indépendance » peut mener une révolution pacifique sans être « suspect ». Car c’est bien un sentiment de suspicion qui transparaît dans certaines analyses de la situation contestataire algérienne. Une grande prudence. Il faut toujours être prudent avec l’Algérie. On ne sait jamais. On a déjà vécu de drôles de choses. C’est un pays imprévisible, une dictature mafieuse et islamisée. Les Algériens sont imprévisibles. Ils sont violents. C’est une société violente. Elle l’a prouvé dans le passé et dernièrement avec ses islamistes. Les Algériens se sont entretués. Il y a chez eux une culture de la violence. L’indépendance a échoué, ils ne sont pas parvenus à un régime démocratique. Il n’y a pas de culture politique. Il n’y a pas de conscience politique. Il n’y a pas d’opposition. Il n’y a pas d’alternatives. C’est bloqué. Ils ne s’en sortiront pas.
Elle marche sereine, forte de millions d’yeux et de bouches, de bras et de jambes, la foule du peuple algérien. Il est peut-être difficile de se rendre compte, de saisir la diversité, la singularité de chaque individu, de chaque groupe composant cette marée humaine. Les manifestants ne pensent pas tous à l’identique. Ils ne sont pas forcément mus par les mêmes idées. Chaque slogan a sa voix. La voix est un organe spécifique qui se situe entre le corps et la pensée. Seize millions de corps et de pensées qui manifestent un jour du mois de mars 2019 à Alger. Une addition de singularités, les uns à nuls autres semblables. La foule n’est pas homogène. L’homogénéité supposée d’un peuple, africain de surcroît, renvoie à des descriptions injustes et