Europe

L’Europe, c’est nous

Politiste

La crise du Brexit offre l’occasion, aussi dramatique soit-elle, de prendre toute la mesure de l’importance, de la valeur et, plus encore, de la réalité de l’Europe. Car l’Union Européenne a créé des liens, des projets et des droits qui nous obligent, constituant un puissant mécanisme de « civilisation des mœurs ». L’Europe est précieuse : elle seule pourra, à certaines conditions, nous permettre de retrouver la puissance et les moyens financiers d’assurer à nouveau la justice sociale.

Le Brexit n’aura pas lieu. La grotesque saga du « Brexit », cette absence de politique publique au nom fuyant et aux objectifs incertains, mais au coût dévastateur, confirme une déplaisante réalité : l’interdépendance économique met un frein à la volonté erratique d’un seul, fût-ce un peuple souverain.

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Le « leadership » conservateur britannique (si l’on peut encore employer ce terme tant l’irresponsabilité politique de David Cameron a sali le peu de conviction européenne qu’il avait, et semé un chaos que Theresa May a bien du mal à contenir, prise en otage par le Democratic Unionist Party, le petit parti nord-irlandais nationaliste et conservateur qui conditionne la survie de son gouvernement minoritaire), le « leadership » conservateur britannique donc apparaît ainsi contraint à d’humiliantes gesticulations pour sauver ce qui reste d’un accord sur la sortie de l’Union. Expression prétendue de la souveraineté populaire, le Brexit révèle une opinion publique instable (en 2018, plus de 100 circonscriptions qui avaient voté Leave déclarent maintenant vouloir rester) et largement construite par les entrepreneurs politiques de droite comme de gauche (de l’iconoclaste directeur de campagne du Leave, Dominic Cummings, au leader du Labour Jeremy Corbyn, dont on peut regretter le long silence coupable). Elle a en outre, été amplement manipulée par les algorithmes (voir le film Brexit), et financée par de l’argent russe (voir les articles du Guardian, du New York Times, et le rapport du Sénat Américain).

Chaque jour révèle ainsi un peu plus la misère de la petite nation, profondément divisée, qui voulait « reprendre le contrôle » mais se heurte à la résistance impassible de la grande Union, qui étend à ses portes l’empire du marché… Il est ironique que cette leçon de libéralisme, qui escompte des effets politiques et sociaux bénéfiques de l’interdépendance économique (la paix et la prévisibilité sociale, c’est la thèse du « doux commerce » développée par Montesquie


[1] Depuis 1951, date de signature du Traité de Paris instituant la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), ancêtre de la commission européenne

[2] Fin mars 2019, les pétitions au Parlement Britannique ont recueilli cinq millions de signatures alors qu’un million de personnes défilaient dans les rues de Londres

[3] Par exemple : S. Hennette, T : Piketty, G. Sacriste, A ; Vauchez, Pour un Traité de démocratisation de l’Europe, Seuil, 2017 et le manifeste qui en découle.

[4]  75% des 18-24 ans sont d’accord avec l’idée que la sécurité économique se trouve au sein de l’UE. Cette opinion diminue avec l’âge représentant 66% odes 25-34 et seulement, 44% des plus de 65 ans ; cf. Brexit, inequality and the demographic divide https://blogs.lse.ac.uk/politicsandpolicy/brexit-inequality-and-the-demographic-divide/

[5] Cf. Mark Blyth: Austerity: the History of a Dangerous Idea, Oxford University Press, 2013

[6] “Brahmin Left Vs Merchant Right: Rising Inequality and the Changing Structure of Political Conflict”, EHESS, Paris School of Economics, 2018

[7] G : Leblanc ; F : Brugère. La fin de l’hospitalité, Flammarion, 2017. Voir également la très intéressante consultation online du mouvement « We Europeans » : https://weeuropeans.eu/fr

Muriel Rouyer

Politiste, Professeure à l'Université de Nantes

Mots-clés

Brexit

Notes

[1] Depuis 1951, date de signature du Traité de Paris instituant la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), ancêtre de la commission européenne

[2] Fin mars 2019, les pétitions au Parlement Britannique ont recueilli cinq millions de signatures alors qu’un million de personnes défilaient dans les rues de Londres

[3] Par exemple : S. Hennette, T : Piketty, G. Sacriste, A ; Vauchez, Pour un Traité de démocratisation de l’Europe, Seuil, 2017 et le manifeste qui en découle.

[4]  75% des 18-24 ans sont d’accord avec l’idée que la sécurité économique se trouve au sein de l’UE. Cette opinion diminue avec l’âge représentant 66% odes 25-34 et seulement, 44% des plus de 65 ans ; cf. Brexit, inequality and the demographic divide https://blogs.lse.ac.uk/politicsandpolicy/brexit-inequality-and-the-demographic-divide/

[5] Cf. Mark Blyth: Austerity: the History of a Dangerous Idea, Oxford University Press, 2013

[6] “Brahmin Left Vs Merchant Right: Rising Inequality and the Changing Structure of Political Conflict”, EHESS, Paris School of Economics, 2018

[7] G : Leblanc ; F : Brugère. La fin de l’hospitalité, Flammarion, 2017. Voir également la très intéressante consultation online du mouvement « We Europeans » : https://weeuropeans.eu/fr