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Algérie : une joyeuse déclaration d’existence

Psychologue clinicienne et psychanalyste

En Algérie, la même génération est au pouvoir depuis l’indépendance, dans une ignorance feinte de son héritage direct. Autrement dit, la colonisation et ses effets ont gravement structuré le politique algérien. Et ce à quoi, depuis le 22 février, les manifestants en appellent, c’est à une refonte pleine et entière du pouvoir politique en orchestrant sa désaliénation de l’esprit du colonial et son indépendance. Ainsi parmi les slogans entendus pour désigner du pouvoir politique algérien : « Barra Waled França », dehors, enfants de la France.

Depuis le 22 février 19, il se passe en Algérie quelque chose d’époustouflant qui ressemble à bien des égards à une immense fête qui s’empare de l’espace public. Les vibrations des corps, des chants, sans compter le déploiement multiple de pensées et de poésie interpellent. D’autant plus que cela a émergé de manière imprévisible, dans une sorte de rupture radicale avec l’investissement habituel de l’espace public et en particulier avec l’essoufflement ambiant des individus. Les sentiments d’accablement, d’asphyxie et de désespoir étaient jusqu’à il y a peu, de constants compagnons du paysage algérien. Alors comment analyser ce basculement soudain de l’accablement en soulèvement massif et heureux ? Quelles hypothèses pourrions-nous avancer concernant les facteurs qui ont déclenché cette joyeuse radicalité du refus ?

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L’endormissement habituel a cédé la voie à une fabuleuse explosion de pensées sur l’état du politique et sa façon d’avoir asséché la société et les individus d’un potentiel de création et de vie. Il suffit de se laisser porter pendant les manifestations par la lecture des généreux messages inscrits en plusieurs langues sur les pancartes pour se faire une idée précise du discours et des actes politiques portés actuellement par les individus. Et comble de cela, ce discours ne relève pas pour une fois d’un discours politicien vide de substance et de corps. C’est bien le contraire, nous avons affaire à un discours en acte hautement politique.

Pour une fois en Algérie, les termes de citoyenneté, de vivre ensemble et de République ne sont pas de l’ordre du cadre vide. À l’inverse de ce qui jusqu’alors structurait le politique en Algérie et qui s’apparentait à un cadre vide, comme le montrent les manifestants. C’est-à-dire un cadre fantoche qui pouvait tout autant être rempli par l’Un (dit Sa Majesté Bouteflika, correspondant en arabe au terme fakhmatoho) que par une multitude invisible et non identifiable au pouvoir (lesdits clans). Dans les deux cas


Karima Lazali

Psychologue clinicienne et psychanalyste