Politique

Le sauvetage de notre modèle social passe par les urnes

Politiste

Tant qu’une réelle menace d’un retour de la gauche au pouvoir n’est pas effective, le gouvernement continuera sa politique à la fois libérale sur le plan économique et social et autoritaire sur le plan des libertés. Et compte tenu de l’état de la gauche, seule l’organisation de primaires ouvertes pourra pallier l’absence de parti dominant. Une telle procédure ne doit pas attendre. Elle devrait être débattue et négociée au plus tard après les municipales et engagée au printemps 2021.

Il échappe désormais à peu de Français que depuis son élection, Emmanuel Macron a tourné le dos à sa stratégie de campagne visant à être « en même temps » de droite et de gauche. Même si tous les électeurs ne maitrisent pas cette classification, une enquête récente de BVA indique que des sondés invités à classer le président sur une échelle gauche-droite – 1 étant le plus à gauche et 10 le plus à droite – sont 65% à lui attribuer une note entre 6 et 10, et près de la moitié entre 6 et 8.

La comparaison de la sociologie du vote « macroniste » au 1er tour de l’élection présidentielle avec celle des européennes indique que ce changement de perception se traduit par une recomposition de son électorat : la part des électeurs « macronistes » a augmenté de 7 points chez les artisans et commerçants (de 19% à 26%) et de 5 points chez les retraités (de 27% à 32%), tandis qu’elle a diminué de moitié chez les salariés du secteur public (de 26% à 13%), de 4 points chez les employés et les ouvriers et de 7 points chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. Un quart des électeurs de François Fillon de 2017 ont ainsi accordé leurs suffrages à la liste de LREM en 2019, tandis que cette dernière n’a réussi à rassembler que 60% de l’électorat d’Emmanuel Macron de 2017, un cinquième de celui-ci se reportant vers la liste d’Europe Écologie Les Verts menée par Yannick Jadot.

Certes la définition macronienne de la gauche a toujours été minimale, réduite à un humanisme basique : « Si c’est être de gauche que de penser que l’argent ne donne pas tous les droits, que l’accumulation du capital n’est pas l’horizon indépassable de la vie personnelle, que les libertés du citoyen ne doivent pas être sacrifiées à un impératif de sécurité absolue et inatteignable, que les plus pauvres et les plus faibles doivent être protégés sans être discriminés, alors je consens aussi volontiers à être qualifié d’homme de gauche », écrit-il dans Révolution (XO éditions, 2016).

Même sur cette base


[1] Pierre Bréchon, « L’électorat Macron : un précipité composite à l’avenir incertain », in Bernard Dolez, Julien Fretel, Rémi Lefebvre (dir.), L’entreprise Macron, Presses universitaires de Grenoble, 2019.

Frédéric Sawicki

Politiste, professeur de science politique à l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP-CNRS)

Notes

[1] Pierre Bréchon, « L’électorat Macron : un précipité composite à l’avenir incertain », in Bernard Dolez, Julien Fretel, Rémi Lefebvre (dir.), L’entreprise Macron, Presses universitaires de Grenoble, 2019.