Qu’est-ce qui est vivant dans le « spectacle vivant » ?
Début juillet 2013, Théâtre du fil de l’eau de Pantin : nous sommes en filage pour Le début de quelque chose. La création est prévue 8 jours plus tard au Festival d’Avignon. Elios Noël joue l’un des personnages principaux : durant une scène de danse, il saute de quelques centimètres comme cela a déjà été répété sans difficultés de nombreuses fois. Mais cette fois : mauvaise reprise au sol, il tombe et ne peut pas se relever. La répétition est interrompue, le Samu appelé. Verdict sans appel : rupture du tendon d’Achille, interdiction de mettre le pied à terre pendant plusieurs mois et prévoir une longue rééducation.
À l’angoisse de toute création, à la fébrilité d’être programmés à Avignon, s’ajoute maintenant la situation inédite d’un comédien gravement blessé. Entre l’attente de l’opération et la nécessité de trouver une solution artistique d’urgence, ces quelques journées de juillet sont terriblement angoissantes. Finalement, nous partons tous pour Avignon. Le 14 juillet, au Gymnase du lycée Mistral, la générale du spectacle a lieu avec la distribution au complet. Elios Noël, soutenu par toute l’équipe, jouera en fauteuil roulant du 15 au 20 juillet.
Le vivant dans le spectacle s’invite souvent par effraction là où on ne l’attend jamais, par la blessure et la fragilité des corps.
Achille, trempé par sa mère Tétis dans le Styx, est devenu invulnérable sauf en son talon qui n’a pas été immergé car elle le tenait à cet endroit. Il sera vaincu par Pâris qui y décocha sa flèche fatale.
Alors, l’interprète, acteur, danseur, circassien, talon d’Achille du spectacle vivant ? La métaphore laisserait dire que l’unique zone de fragilité d’un spectacle serait située dans le corps vivant des interprètes. Dans un spectacle, il est bien plus fréquent de devoir faire face à un problème technique qu’à une défaillance humaine…
Ce que peut et parfois ce que ne peut plus le corps de l’interprète – corps qui se brise, se blesse, se bloque, s’enroue, devient aphone – n’est q