Politique

Piotr Pavlenski, agitateur vortex – à propos de « l’affaire Griveaux »

Écrivain

Piotr Pavlenski utilise les mêmes méthodes que les régimes qu’il dénonce, performant le discrédit sur des personnes publiques comme on tire sur des silhouettes de carton dans les foires. Comme tout agitateur vortex, il doit son efficacité ni à la pertinence de ses analyses ni à sa radicalité, mais au contraire à son mode opératoire qui vise à obtenir une attention maximale et doit, pour cela, se conformer à la logique des réseaux sociaux. Au-delà du fait divers, l’« affaire Griveaux » apparaît comme un cas d’école pour comprendre que la délibération politique est à portée de missile d’un simple tweet.

Lundi 9 novembre, Moscou. Le taxi, une grosse berline aux vitres teintées roule à vive allure le long des murs du Kremlin. Sur l’écran du GPS, une flèche rouge survole le quadrillage des rues en pointillés et le tracé bleu de la Moscowa. Direction : la Loubianka. Je suis arrivé la veille à Moscou pour travailler à mon livre Le Projet Blumkine (La Découverte 2017). Au réveil, j’avais appris que l’immeuble de la Loubianka, siège historique de la Tcheka, de la Guépeou et du KGB sous le communisme, avait été « attaquée » pendant la nuit. Un feed back historique que j’accueillais comme un signe de bienvenu le jour de mon arrivée à Moscou et dont j’allais pouvoir me servir dans mon livre. Sans attendre le petit déjeuner, j’avais sauté dans un taxi pour me rendre sur place.

Sur la place, aucune présence policière comme on aurait pu s’y attendre après un attentat. Pas le moindre car de TV, hérissé d’antenne et de paraboles. Mais surtout aucune trace visible d’attentat. Les Moscovites se rendaient à leur travail sans même jeter un œil à l’immense façade ocre de la Loubianka qui trônait, indéboulonnable, sur sa place homonyme.

En s’approchant de l’une des portes en bois du bâtiment, on apercevait quelques ombres noircies, mais c’est tout. Pendant la nuit, un performer avait aspergé d’essence l’entrée de l’immeuble et, après y avoir mis le feu, il s’était filmé devant « les portes de l’enfer » en flammes. Rapidement maitrisé, (l’incendie et l’homme) ce dernier expliqua qu’il voulait protester par son geste contre la récente condamnation pour terrorisme d’un cinéaste ukrainien, accusé d’avoir tenté de mettre le feu aux portes d’un parti pro-russe en Crimée. La performance était intitulée « Menace ».

Une rapide recherche sur mon smarphone m’avait appris que cet artiste de 31 ans n’en était pas à sa première action d’éclat. En juillet 2012, il s’était cousu les lèvres avec du fil écarlate en signe de protestation contre l’incarcération des Pussy Riot (« Suture »). Un an plus tar


Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)