Politique

L’antiphrase présidentielle au temps de la pandémie

Sociologue

À l’heure du confinement, le discours présidentiel peut servir de fil rouge pour comprendre les bouleversements de notre société causés par ce virus. Si le président martèle que « la parole est claire », il semblerait que ce soit précisément l’inverse…

Pour appréhender les mutations sociales et politiques qui accompagnent le Covid-19 en France et en Europe, le discours du président de la République peut nous servir de fil conducteur. Encore faut-il partir de la figure qui l’organise : l’antiphrase. C’est parler pour exprimer le contraire de ce que l’on dit. Ou, pour le formuler autrement : l’intention contredit la lettre.

Dans son allocution du 16 mars, en évitant de nommer le confinement, Emmanuel Macron n’énonce pas les choses clairement. La preuve ? Le ministre de la Santé, Olivier Véran, doit les expliciter une heure plus tard sur Twitter : « Pour protéger les Français, nous prenons les mesures de confinement qui s’imposent. » C’est pourquoi, quand le président déclare : « la parole est claire », on entend plutôt qu’elle ne l’est pas vraiment.

Considérons aussi le nouveau mantra d’Emmanuel Macron : « Nous sommes en guerre ». L’anaphore, chère à son prédécesseur, n’est ici qu’une métaphore. Car le président vient de déclarer : « Jamais la France n’avait dû prendre de telles décisions – évidemment exceptionnelles, évidemment temporaires – en temps de Paix. » C’est clair : la « mobilisation générale », même si l’expression est répétée, ne doit pas être comprise en un sens littéral.

Le confinement total, comme en Italie, ne faisait-il pas partie de ces « fausses rumeurs » dénoncées par le président ? Ajoutons que « la mobilisation générale de nos chercheurs », décrétée par le président, a de quoi faire sursauter en pleine mobilisation de l’Enseignement supérieur et la recherche contre la Loi pluriannuelle de programmation de la recherche (LPPR). L’antiphrase est une figure ironique.

L’Europe des frontières

Trois éléments ressortent de la parole présidentielle. Le premier, c’est l’absence de toute politique de santé publique européenne ; et le plus remarquable, c’est qu’on le remarque à peine. Dans son allocution du 12 mars, Emmanuel Macron déclarait certes : « Nous devons aussi porter une réponse européenne. »

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Éric Fassin

Sociologue, Professeur de sociologie et d'études de genre à l’université Paris 8, membre de l'Institut Universitaire de France et chercheur au laboratoire Sophiapol

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Covid-19