Société

L’effondrement au présent ou les gestes barrières des générations collapsonautes

Professeur de littérature comparée

Pandémie, confinement, krash boursier… La situation actuelle semble donner raison aux best-sellers collapsologiques publiés ces dernières années. Saisissons-nous surtout de cette occasion pour les interroger au prisme du nouvel essai d’Yves Citton et Jacopo Rasmi Générations collapsonautes – et en tirer huit « gestes barrières » qui permettent de penser l’état du monde au moment du coronavirus.

Tout ce que l’on voit aujourd’hui a déjà eu lieu en fiction : les villes désertes aux habitants disparus ou confinés ont été filmées dans de nombreux films hollywoodiens (de The World, the Flesh and the Devil réalisé par Ranald MacDougall en 1959 à I am Legend de Francis Lawrence en 2007, ou Kaïro de Kiyoshi Kurosawa en 2001). Les épidémies, la contagion, la panique, la fuite et/ou le confinement ont été racontés dans de nombreux romans de Daniel Defoe (Le Journal de l’année de la peste, 1722) à Margaret Atwood (Le Dernier Homme, 2003) en passant par Albert Camus ou Jean Giono (La Peste, 1947 et Le Hussard sur le toit, 1951). C’est pourquoi le détour par la fiction peut être utile pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

publicité

Car non seulement romans et films nous ont déjà tout montré, mais l’épidémie du Covid-19 nous saisit à un moment où les thèses effondristes se sont tellement répandues que nous sommes prêts à y reconnaître les prémisses de l’effondrement de notre civilisation. De sorte qu’aucune mesure ne paraîtra trop sévère pour faire barrage au virus.

Depuis l’irruption de l’épidémie en France, avec un coup d’accélérateur jeudi 12 mars, avec le premier discours du président de la République, un second samedi 14 puis un troisième lundi 16, nous sommes pris dans un plan-séquence anxiogène : point de vue unique, pas de retour en arrière, accélération vers la catastrophe, sidération devant l’inéluctable. On a le sentiment de vivre l’effondrement tel que les collapsologues le prédisent depuis 2015 (et le succès public du livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer).

Pour se réveiller de cette sidération, lire le tout récent Générations collapsonautes d’Yves Citton et Jacopo Rasmi (Seuil, mars 2020) est un exercice salutaire. Ce livre est publié opportunément pour nous faire sortir de l’hypnose d’aujourd’hui. Il se présente comme une analyse du discours collapsologique qui reconnaît la puissance de déplacement intellectuel


Jean-Paul Engélibert

Professeur de littérature comparée

Rayonnages

Société