Les animaux (à nouveau) malades de la Peste

« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »
Jean de La Fontaine
Parmi les souvenirs, notamment scolaires, de nombre d’entre nous figure peut-être la fable des « Animaux malades de la Peste » de La Fontaine, éditée pour la première fois en 1678. Quelques expressions nous en restent en tout cas dans le langage ordinaire, à l’image du célèbre « haro sur le baudet ».
Comme chez Ésope, la fable met en scène des animaux parlants, réunis en assemblée autour de leur Roi, le Lion, en raison des ravages de la maladie. Conformément à l’interprétation dominante au Moyen-Age et à l’époque moderne, qui faisait des calamités (guerres, catastrophes naturelles, maladies et famines) des châtiments envoyés par Dieu pour punir les hommes de leurs péchés, que l’on trouve encore dans la législation louis-quatorzienne à propos de la répression du blasphème par exemple, l’épidémie y est d’emblée présentée comme une punition divine : « le Ciel a permis / Pour nos péchés cette infortune ». Le Lion décide donc de tenir conseil pour trouver les moyens d’apaiser la colère de Dieu, identifier les responsables et faire en sorte « Que le plus coupable de nous / Se sacrifie aux traits du céleste courroux ».
Contrairement à ce que les commentaires classiques ou scolaires suggèrent parfois, il ne s’agit pas véritablement ici d’inviter la communauté des animaux à désigner en son sein un bouc émissaire, qui serait immolé pour le salut des autres. Deux indices le montrent clairement. D’une part, le fait que le conseil semble délibérer assez librement sous l’autorité du Lion : les animaux s’expriment à tour de rôle, dans l’ordre des préséances propre à l’Ancien Régime, qui fait parler les nobles carnivores avant la « canaille, sotte espèce » des herbivores, et donc le r