Covid-19 : une crise biopolitique ?
Dans l’immense buissonnement de textes qui a entouré l’épidémie de Covid-19, la notion de biopolitique introduite en 1976 par Michel Foucault dans La Volonté de savoir a connu des réinterprétations multiples – Giorgio Agamben la convoqua pour stigmatiser l’éteignoir répressif dont l’épidémie aurait été le prétexte, au risque de minorer la gravité de cette dernière ; Paul B. Preciado l’articula à la façon dont le confinement lui semblait répliquer, au seuil de chaque domicile, le contrôle des frontières jusqu’alors imposé aux migrants ; Bruno Latour alerta sur les insuffisances de ce mode de gestion du vivant pour faire face aux enjeux qu’imposera l’urgence climatique, etc.

Sautant ainsi de perspective en perspective, devenant mot de passe, le concept de biopolitique a pu sembler perdre en clarté ce qu’il gagnait en puissance de dramatisation. Il me semble pourtant que l’un des principaux intérêts de la notion forgée par Foucault réside dans sa polyvalence, dans les lignes différentes et parfois contradictoires qu’elle trace comme autant de sillons possibles pour l’analyse de ce qui vient de se produire, et le diagnostic de ce qui nous attend. Commençons par noter qu’à un premier niveau, la référence paraît s’imposer avec la force de l’évidence : que « les procédés de pouvoir et de savoir prennent en compte les processus de la vie et entreprennent de les modifier et de les contrôler » ne caractérise plus seulement la modernité occidentale, comme Foucault le soutenait dans le premier tome de son Histoire de la sexualité.
Cette entreprise s’est élargie aux dimensions d’un effort mondial, dont le confinement d’au moins trois milliards d’individus a constitué la sidérante traduction. Ainsi commis à la distanciation sociale de manière, on s’en souvient, à « aplatir la courbe » des contaminations et éviter la saturation des hôpitaux, les citoyens du monde entier ont vu leur quotidien gouverné par une idée foucaldienne : une épidémie ne relève pas seulement de la fatalit