Economie

« Tech for good », ou « good for tech» ? La technologie au service de la soutenabilité

Professeur de management, Professeur de management, Chercheuse en gestion

La technologie sera-t-elle demain l’instrument du bien commun ? Les « tech for good » inondent aujourd’hui le marché de l’innovation, promettant un avenir meilleur et écologique. Mais identifier des « tech for good », c’est affirmer en creux que toutes les technologies ne sont pas bonnes, et qu’il faut faire des choix. Il faut surtout se garder de l’illusion qu’une pure « tech for good » est possible, en restant conscients à la fois des limites de la technique, et en inventant une éthique pour en déterminer le champ d’action.

Situation vécue : nous déambulons dans un salon international sur les « techs for good », qui réunit un bon millier d’investisseurs, entrepreneurs, scientifiques, ingénieurs, geeks, consultants et étudiants souhaitant promouvoir des solutions technologiques innovantes adressant les grands problèmes du monde et de la société. Tout est en anglais, avec un parterre d’intervenants internationaux très majoritairement anglo-saxons éclairant les dernières tendances technologiques.

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Dans un « start-up corner », nous discutons avec un entrepreneur concourant pour le prix de la meilleure start-up. Un drone dans les mains, l’entrepreneur nous explique sa solution : le drone embarque un système de repérage optique permettant d’identifier les mauvaises herbes résistantes aux herbicides non-sélectifs (du type round-up). En effet, si un herbicide total élimine théoriquement tous les parasites, pour ne laisser intactes que les plantes génétiquement modifiées, au fil du temps certaines mauvaises herbes se sont adaptées pour devenir résistantes au glyphosate, se multipliant très vite et envahissant des champs de colza ou maïs. Sa solution offre alors deux bénéfices : un repérage précoce des mauvaises herbes qui peuvent être arrachées avant qu’elles envahissent le champ, et des coûts en main d’œuvre réduits pour inspecter les champs. Sa solution s’inscrit ainsi comme un moyen d’accroître les rendements agricoles et réduire la faim dans le monde et promouvoir une agriculture durable…

Au-delà des perspectives commerciales avec les grandes exploitations agricoles, l’entrepreneur met en avant l’utilité de son invention pour les géants de la biotechnologie, qui pourront, à travers l’intelligence des données collectées (smart data) améliorer leurs processus de sélection génétique. Lorsqu’on l’interroge sur l’impact de son modèle sur la biodiversité, l’artificialisation des sols ou l’impact pour les petits exploitants, l’entrepreneur nous dit qu’il s’agit d’autres enjeux, pas vraiment liés à son invention…

La multiplication des initiatives « tech for good », qui visent à mettre le développement technologique au service de grands défis, aidés en cela par des fonds d’investissement à impact, témoigne de la vision dominante qui considère les technologies comme solution aux défis de l’anthropocène, concept développé par le prix Nobel de Chimie Crutzen pour caractériser notre époque comme étant principalement façonnée par l’empreinte des activités humaine. Dans quelle mesure ces technologies peuvent-elles apporter une réponse aux défis de l’anthropocène : la chute de la biodiversité, le réchauffement climatique, la déforestation, les pollutions, la raréfaction des ressources naturelles, eau, énergie et matières ? S’agit-il au fond de reproduire une croyance aveugle dans le progrès technologique comme source de résolution de tout défi planétaire, ou de se laisser séduire par un appel vers des low-tech à moindre impact sur l’environnement ? Nous suggérons une troisième voie : l’engouement pour les « tech for good » est le symptôme d’un changement plus profond qui exige de repenser les impacts et le développement des technologies à l’heure de l’anthropocène.

Les technologies de rupture au secours des défis environnementaux ?

On peut distinguer deux grandes postures au sein des acteurs économiques, politiques et experts vis-à-vis des technologies. Pour les tenants de la high-tech, c’est l’innovation technologique qui peut et doit fournir les réponses. La Tesla Gigafactory, qui produit depuis 2016 des batteries lithium-ion et des pièces pour des véhicules électriques, à très grande échelle, illustre bien cet idéal de l’usine « verte ». L’engouement diffus pour la blockchain hier, l’internet des objets (IoT) aujourd’hui, les biotech ou des mouvements plus larges autour du trans-humanisme, sont également représentatifs de cette posture fondée sur la même conviction : le progrès des sciences et des techniques, et en particulier certaines innovations de rupture, permettront de résoudre les défis écologiques futurs de l’humanité.

Certaines innovations relèvent de l’utopie technologique, mais d’autres sont bien ancrées dans le réel, déjà développées et commercialisées pour apporter des réponses aux besoins en matière de santé, d’alimentation, d’énergie, de mobilité, de recyclage des déchets ou d’apprentissage. L’écosystème d’acteurs réunis autour d’Hello Tomorrow œuvre ainsi pour transformer les « deep tech » en innovations promettant de résoudre les défis sociétaux, environnementaux et industriels de demain.

Cette foi dans les sciences et les techniques est ancrée depuis plusieurs siècles dans la civilisation occidentale, marquée notamment par la philosophie des Lumières : la technique est associée au déploiement d’une rationalité scientifique qui soutient la compréhension du réel, nous rend « comme maîtres et possesseurs de la nature »[1], et permet, en nous appuyant sur un système de production, de « façonner les forces de la nature »[2] pour répondre à nos besoins.

La confiance dans la technologie et la science est telle que la question de la rareté des ressources naturelles est longtemps restée un point aveugle dans la pensée économique. Cette question est ainsi absente des premiers théoriciens de l’économie politique, qui ont inspiré nos modèles de réflexion, qu’il s’agisse de John Locke qui affirme qu’il « restera toujours assez de terre et d’assez bonne » ou de Jean-Baptiste Say selon lequel « Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques. »[3]

Si l’économie s’est efforcée depuis de prendre en compte les enjeux naturels, elle reste largement marquée par cette vision. Ainsi, l’économie « libérale » (aujourd’hui ultra dominante dans la discipline économique) met en avant le binôme marché + technologie comme solution à la crise environnementale. Exemple : dans les années 1980, Julian Simmons, dans son livre The Ultimate Resource manifeste une pleine confiance dans le progrès technologique et l’avancée des connaissances humaines pour défier toute rareté instantanée et contingente de ressources.

Des économistes de l’environnement ont certes intégré les effets du changement climatique dans les modèles économiques classiques. Mais ils révèlent parfois une méconnaissance criante des phénomènes naturels qui s’apparente à une incompréhension voire un déni des enjeux écologiques… Ainsi, William Nordhaus, prix en l’honneur d’Alfred Nobel en économie en 2018, aboutit via ses calculs d’optimum coûts / avantages, à établir un « réchauffement optimal » pour la planète à 4 °C (!), un résultat absurde car négligeant toute prise en compte des points de bascule des écosystèmes (qui interviennent à +2 degrés) et ne tenant aucun compte des coûts d’adaptation de nos économies et sociétés à un tel scénario.

Méfiance et vigilance face au « bluff technologique »

En contrepoint, une autre vision très différente souligne les risques et dangers du développement technologique. Cette approche s’attache à préserver les écosystèmes naturels, en s’appuyant sur des ressources renouvelables comme sur les liens sociaux, et en adoptant des approches frugales, davantage que des innovations de rupture. Dans Une autre fin du monde est possible, Pablo Servigne, Raphael Stevens et Gauthier Chapelle, qui se présentent comme des chercheurs « in-Terre-dépendants », envisagent ainsi non seulement comment survivre aux effondrements en cours, mais comment les vivre et « cheminer intérieurement pour un impact extérieur »[4] dans un monde post-industriel.

La permaculture ou certaines initiatives promues dans le film Demain, comme la mobilité douce à vélo ou l’achat en circuit court correspondent à cette tendance. L’écosystème de Romans sur Isère favorisant l’industrie locale et la fabrication de jeans fabriqués en partie à partir de textile recyclé et susceptibles d’être consignés lorsqu’ils sont usagés, correspond aussi à cette sobriété dans l’usage des ressources.

Cette vision rejoint la critique d’une confiance aveugle dans la technique qui amène à sous-estimer ses effets induits en termes de consommation d’énergie et de ressources. Si elle a été remise au goût du jour depuis les années 2000, cette posture n’est pas non plus nouvelle. Dès les années 1950, des penseurs comme Jacques Ellul ou Ivan Illich ont mis en évidence l’illusion de la « neutralité » technique, le risque de déshumanisation et les effets écologiques de certaines formes du capitalisme industriel. En 1954, Jacques Ellul identifiait déjà la Technique à « l’enjeu du siècle »[5],  et en 1975, Ivan Illich mettait en évidence le caractère contreproductif de la voiture en ville, qui détruit l’autonomie humaine à mesure qu’elle la rend possible.

Pour Philippe Bihouix, ingénieur expert de la finitude des ressources, toute la question en effet est de savoir si nous allons manquer de ressources ou pouvons tout résoudre par la technologie. Dans son ouvrage L’âge des low tech, vers une civilisation techniquement soutenable, il prend le contre-pied de la course technologique et propose des solutions à « basse technologie » pour conserver un niveau de confort et de convivialité, tout en évitant la pénurie : transports collectifs, réhabilitation des logements anciens, tourisme chez l’habitant, produits ménagers faits « maison », achat de jouets et livres d’occasion, telles sont quelques-unes des pistes proposées pour une vie « low tech » accessible à tous. Sans renier le rôle des technologies pour construire un futur soutenable, la consommation induite en énergie et en matière nécessite une attention accrue. Comme l’explique Franck Aggeri, l’innovation technique ne suffira pas pour « découpler » la croissance et les atteintes à l’environnement.

Par-delà les « high tech, low tech et tech for good » : penser la dimension politique de l’innovation technologique dans un monde écologiquement contraint

 Une fois conscient des limites intrinsèques de la technologie, que faire ? Peut-on envisager de « dé-technologiser » le monde et tout miser sur les basses technologies ? Une telle évolution nous semble illusoire, car à mesure que l’on doit faire face aux effets de l’anthropocène, on doit s’attendre au contraire à ce que nos « béquilles technologiques » soient toujours plus indispensables.

Il est ainsi nécessaire de dépasser la confrontation « pour ou contre » la technologie, opposant les tenants du techno-optimisme et ceux des basses technologies, dans un débat fortement idéologique. Dans un article récent, l’un des co-auteurs de cette tribune souligne que l’innovation technologique change de « nature » dans un monde écologique de plus en plus contraint. À mesure que nous entrons dans l’anthropocène, l’innovation devient plus que jamais politique, et de plus en plus, elle doit justifier et scénariser sa contribution au bien commun. L’engouement actuel pour les « tech for good » en est évidemment l’un des symptômes. Mais il faudrait aller au bout du raisonnement, et en tirer toutes les questions et les conséquences pour penser une nouvelle gouvernance de l’innovation technologique. 

Tech for good… tech for bad ?

Identifier des « tech for good », c’est affirmer en creux que toutes les technologies ne sont pas bonnes, et qu’il faut faire des choix fondés sur une certaine vision du bien commun. Cela signifie donc qu’il faudrait renoncer à certains développements technologiques structurants, qui ne sont pas compatibles avec la préservation de la biosphère ou une vision du bien commun. À ce titre, il nous semble qu’un des risques aujourd’hui est l’illusion qu’une « tech for good », développée isolément et indépendamment de nos autres trajectoires technologiques, suffirait à répondre aux enjeux.

Ainsi, que vaut le développement d’éoliennes quand on produit environ 1,5 milliards de smartphones annuellement (dont la durée de vie moyenne se situe autour de deux ans), quand on s’engage dans la 5G (qui va renouveler l’ensemble du réseau et démultiplier le trafic de données) ou que l’on exploite massivement les sables bitumineux et le gaz de schiste (dont les effets sur l’environnement sont désastreux) ? Si elles ne sont qu’un patch sur un développement technique toujours plus intensif et non dirigé vers la résolution des crises de l’anthropocène, les « tech for good » ne suffiront évidemment pas à résoudre l’équation. Au mieux fournissent-elles une réponse aussi illusoire que temporaire à notre dissonance cognitive, prolongeant un peu la foi dans l’idée qu’un développement technologique légèrement amendé pour faire une place aux « tech for good » serait une réponse à la crise écologique.

Il faut donc aller plus loin, et développer une éthique et une pratique du renoncement. D’un point de vue philosophique, c’est le message de Hans Jonas qui, il y a plus de quarante ans déjà, posait dans son ouvrage Le principe de Responsabilité (1979) les bases d’une éthique pour l’âge technologique. À travers ce principe de responsabilité, l’homme devrait s’interdire d’entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger les générations futures ou la qualité de l’existence sur terre. Des travaux plus récents, tels que ceux de Diego Landivar et Alexandre Monin réactualisent cette perspective en l’inscrivant dans la lignée des travaux du designer Tony Fry, qui appelle à « défuturer », c’est-à-dire à évacuer des futurs non souhaitables et renoncer à des technologies qui pourraient devenir des maux communs à l’ère de l’anthropocène.

Dans ce nouveau contexte, il est indispensable de réintroduire une culture de la prospective et du risque à long terme dans le raisonnement stratégique des acteurs publics et privés. Le défi est évidemment énorme pour les pouvoirs publics (qui ont mis au second plan l’enjeu de stratégie industrielle et supprimé le commissariat Général au Plan), mais aussi pour les entreprises qui doivent réintroduire de la prospective de long terme et se projeter dans des scénarios de rupture. La fiction, en proposant des scénarios radicaux du futur, peut constituer un moyen très utile dans cette perspective.

Tech for good… but which good, exactly ?

Puisqu’il faut désormais poser la question de la contribution des technologies au bien commun, une seconde série de questions se pose : au vu de quels critères décider de la valeur d’une technologie et de son utilité pour le bien commun ? Cette question est inédite car jusqu’à présent, la philosophie des Lumières nous a amené à appréhender toute nouvelle technologie comme un progrès de la science, comme si elle était bonne « par nature » à partir du moment où elle est créée puis validée et diffusée par le marché.

Aujourd’hui il n’y a malheureusement pas de réponse uniforme à cette question. Cependant un cadre de référence a émergé et est massivement utilisé par les entrepreneurs à impact, les promoteurs des « tech for good », les institutions publiques et grandes entreprises : les dix-sept Objectifs de Développement Durable (ODD) énoncés par l’ONU en septembre 2015. Dix-sept objectifs de développement durable, c’est autant de visions différentes du « bien commun », dont les interactions ne sont pas suffisamment appréhendées. Que faire lorsqu’apparaissent des contradictions entre ces versions du bien commun ? Ces contradictions sont très concrètes : doit-on promouvoir (et considérer comme « durables ») des solutions telles que les OGM ou l’utilisation de produits phytosanitaires qui nuisent à la biodiversité marine (obj 14) et terrestre (obj 15) mais qui se présentent comme des solutions pour augmenter aujourd’hui l’accès à l’alimentation, la productivité des systèmes alimentaires (obj 2) ou réduire la pauvreté (obj 1) ? Dans l’anthropocène, ces situations vont malheureusement devenir de plus en plus fréquentes : dans un monde de plus en plus contraint, les externalités sont partout, il n’y a pas de « free lunch » et il faut faire des choix.

Si tous les objectifs de développement durable se valent a priori, et qu’aucune hiérarchisation n’est faite, le risque est clair et il est déjà visible aujourd’hui : les contradictions ne sont jamais pensées, et une technologie – ou une entreprise – pourra mettre en avant ses bénéfices sur certains ODD tout en passant sous silence les zones d’ombre. Ainsi, au lieu d’aider à trier les « bonnes » des « mauvaises » technologies et d’aider à l’évaluation, les ODD offrent une grille tellement large et ouverte que tout entrepreneur un tant soit peu opportuniste trouvera des Objectifs de Développement Durable dans lesquels inscrire sa démarche.

Ainsi, chaque entreprise ou chaque technologie va mettre en avant les bénéfices attendus sur certains ODD, et passer sous silence d’autres impacts négatifs ou plus problématiques. Les ODD risquent alors d’être détournés de leur vocation première, devenant des outils d’auto-légitimation de la technologie fournissant des opportunités pour « se vendre » auprès du grand public. Dans un contexte d’incertitude normative et technique, les entreprises qui promeuvent une technologie peuvent ainsi utiliser les ODD pour construire le cadre de légitimité dans lequel elles souhaitent s’inscrire, en mettant en avant la vision du bien commun qui convient le mieux à leur produit et technologie. Au final, « tech for good »  ou « good for tech »  ? Telle est la question.

Que faire ? Il nous semble indispensable d’élargir l’évaluation des « tech for good » et autres investissements à impact pour appréhender leurs bénéfices et risques sur l’ensemble des ODD (éventuellement regroupés par blocs), pour avoir une approche étendue des impacts, non simplement centrée sur un objectif auto-promu par les entrepreneurs. Cela revient à promouvoir une évaluation systémique qui prenne en compte les interdépendances entre ODD, que ce soit sous la forme de synergies ou de contradictions. Une autre voie consisterait à mener un travail de hiérarchisation pour mettre en avant des ODD plus « impérieux » (tels que le réchauffement climatique et la biodiversité) qui doivent obligatoirement être pris en compte dans l’évaluation. Les travaux sur les limites planétaires constitueraient sans doute un référentiel utile pour opérer une telle hiérarchisation, bien qu’il soit difficile de décréter et imposer universellement une hiérarchisation absolue des ODD. Cela doit être négocié dans un processus de décision collégiale et démocratique.

Tech for good… but good for whom ?

Hiérarchiser les critères du bien commun, cela amène nécessairement à déplacer notre regard sur l’innovation sur un registre politique et démocratique : ainsi, qui décide des critères, et suivant quel processus ? Mais aussi comment assurer l’accès collectif à une technologie au service du bien commun ? Le corolaire de la politisation de l’innovation, c’est ainsi une nécessaire innovation du politique. Les « tech for good » doivent s’appuyer sur une gouvernance démocratique renouvelée, avec un besoin d’innovation et d’invention de nouveaux modèles entre citoyens, scientifiques et politiques. Bruno Latour, dans la foulée de la crise des gilets jaunes, a ainsi proposé de renouveler la rédaction de cahiers de doléance (récupérés ensuite dans l’épisode du grand débat national, mais sans action politique visible à la suite de cet exercice), amenant des individus et des groupes à exprimer leurs contraintes et leurs attachements à leur territoire pour identifier des voies de sortie.

Plus récemment, la conférence citoyenne pour le climat, conçue comme une arène d’apprentissage entre scientifiques et citoyens, constitue un dispositif potentiellement très riche car il a permis, à travers la phase de consultation, une dynamique d’apprentissage au sein d’un collectif varié de citoyens, avant d’aboutir à une série de recommandations. En effet il ne s’agit pas seulement d’informer et de consulter, mais aussi d’apprendre pour arriver à des positions acceptables collectivement. Reste évidemment à voir comment le pouvoir politique va se saisir des recommandations de cette conférence et s’il sera à la hauteur de cette opportunité.

Une autre épineuse question concerne l’accès aux « tech for good ». Seront-elles réservées à une élite, ou diffusées au collectif ? et selon quelles modalités ? Là encore, on voit l’ampleur du chemin à mener pour limiter les risques de capture et de privatisation du bien public.

L’anthropocène signifie littéralement « l’ère de l’homme ». Pour rester vivable, elle doit devenir l’ère du choix de l’homme sur ses propres développements technologiques. Au-delà du débat idéologique high-tech / low tech, il s’agit de reconstruire notre rapport au progrès, de repenser une éthique et une pratique démocratique du développement technologique. C’est toute la gouvernance de l’innovation qu’il s’agit de repenser. Le chantier est immense, mais indispensable car c’est à cette condition que l’on pourra se projeter dans un hypothétique futur technologique commun et soutenable.


[1] René Descartes, Discours de la méthode, 1637, tome I, sixième partie.

[2] Karl Marx, Introduction à une critique de l’économie politique, 1850.

[3] Jean Baptiste Say, Traité d’économie politique, 1804.

[4] Pablo Servigne, Raphael Stevens, Gauthier Chapelle, 2018, Une autre fin du monde est possible, Anthropocène Seuil, p. 272.

[5] Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, A. Colin, 1954.

Aurélien Acquier

Professeur de management, Professeur à l'ESCP, Co-directeur de la chair ESCP-Deloitte en économie circulaire

Valentina Carbone

Professeur de management, Professeur à l'ESCP ; Co-directrice de la chair ESCP-Deloitte en économie circulaire

Cécile Ezvan

Chercheuse en gestion, Professeur de stratégie et business ethics à Excelia

Notes

[1] René Descartes, Discours de la méthode, 1637, tome I, sixième partie.

[2] Karl Marx, Introduction à une critique de l’économie politique, 1850.

[3] Jean Baptiste Say, Traité d’économie politique, 1804.

[4] Pablo Servigne, Raphael Stevens, Gauthier Chapelle, 2018, Une autre fin du monde est possible, Anthropocène Seuil, p. 272.

[5] Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, A. Colin, 1954.