Société

« Le » ou « la » Covid, that is (not) the question

Linguiste angliciste

Depuis quelques mois, on voit naître de nouveaux emplois, voire de nouveaux mots, pour désigner de nouvelles réalités, plutôt désagréables. En tête de liste : « Covid ». Avec à la clé, très vite, la question de savoir si l’on devait dire le ou la covid ? Bien qu’infime, cette variation linguistique révèle de grands enjeux.

Hier, à 19h, dans la pharmacie de mon quartier. Dans la queue, devant moi, une jeune femme serrée dans un tailleur chic, derrière moi, un vieux à l’hygiène douteuse et au masque mal posé (« J’arrive pas à respirer, moi, avec cette connerie », ahane-t-il dans mon dos). Mon pharmacien, de la buée plein ses lunettes, suant et fatigué, s’excuse auprès de la jeune femme. Il est désolé, il n’a pas eu le temps de coller l’affichette sur la vitrine mais il est à court de gel hydroalcoolique. La jeune femme se fâche et lance en partant : « Vous croyez que j’ai que ça à faire, moi, la queue dans les pharmacies ! » Puis, au vieux mal masqué, qu’elle trouve sur son chemin, elle balance : « Et vous, ça vous amuse de mettre votre masque de travers, vous voulez vraiment mourir de la covid ? Y a pas que les jeunes qu’il faut éduquer ! »

Tandis que la porte coulissante se referme derrière elle, le vieux marmonne : « Non madame, je ne veux pas mourir de la covid moi, je préfère encore mourir du covid ! »… Et il s’en va à son tour, dignement, son masque sur le menton (sans doute était-il lui aussi venu quérir du gel, en conclus-je).

Me voilà seule avec le pharmacien, qui commente, découragé : « C’est vrai, “le” ou “la” covid, même moi je sais plus quoi dire. J’ai toujours dit “le” covid, mais depuis qu’à la radio ils se mettent à dire “la”, je suis perdu. Ce matin je me suis même fait corriger par un client ! Alors que j’ai quand même autre chose à faire que recevoir des leçons de morale linguistique… Vous en pensez quoi, vous ? »

J’en pense qu’il faudra peut-être, bientôt, comme dans Schtroumpf vert et vert schtroumpf (1973), tracer une frontière sur le sol de la France métropolitaine pour nous départager : d’un côté, ceux qui disent le covid (et tire-bouchschtroumpf), de l’autre, les partisans de la covid (et du schtroumpf-bouchon). En respectant le mètre de distanciation sociale, bien sûr, chaque camp aspergera l’autre de jets de gel hydroalcoolique et l’invectivera : « Mauvais p


Julie Neveux

Linguiste angliciste, Maîtresse de Conférences en linguistique à l'Université de Paris-Sorbonne

Mots-clés

Covid-19