International

Incertitude et ethnicité – l’état d’urgence au Japon en temps de coronavirus

Sociologue

Pour Tarô Aso, le ministre des Finances japonais, il est « formidable que, sans contrainte, avec la volonté de chacun », le Japon soit parvenu à contrôler le taux de mortalité durant l’épidémie de Covid-19. Le mode de gestion de la crise sanitaire y a effectivement été, dans les textes tout du moins, non contraignant : le cadre légal de l’état d’urgence décrété n’autorisant pas l’imposition d’un confinement, le non-respect de ce dernier ne s’accompagnait ni de sanctions financières, ni pénales. Mais cette absence de coercition apparente n’est pas sans conséquences.

Dès la mi-janvier, l’arrivée d’un gros paquebot de plaisance le « Diamond Princess » en provenance de Chine a alerté le gouvernement japonais sur le risque de contamination par le coronavirus et enclenché une gestion visant à contrôler la propagation de l’épidémie en détectant les foyers de contamination (clusters). Mais l’aggravation de la situation conduisit le gouvernement, sur la base des recommandations faites par le Conseil des experts récemment nommé, à déclarer l’état d’urgence dans sept préfectures sur les 47 que compte le pays, le 7 avril, puis à en étendre l’application à tout le pays le 16 avril. Toutefois, les sept préfectures comprenant celles de Tôkyô, Osaka et les préfectures limitrophes, ainsi que celle de Fukuoka, complétées par six autres (au total 13 préfectures) furent classées comme préfectures sous surveillance spéciale.

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Le déconfinement commença progressivement dès le 14 mai mais les grandes métropoles restèrent sous l’état d’urgence plus longtemps, jusqu’au 25 mai pour Tôkyô. Les chiffres officiels témoignent d’un bon contrôle de la situation – 59 827 personnes contaminées, 1319 décès. Malgré cette apparence de bonne organisation, le gouvernement n’a pas été jugé performant suite notamment à des dysfonctionnements survenus dans l’approvisionnement en masques, le faible nombre de tests réalisés et à la médiatisation de scandales politiques sans rapport avec la crise sanitaire.

Comme d’autres pays touchés par la contamination, le Japon a tenté d’en contrôler la propagation par une biopolitique dont, comme l’écrit Mathieu Potte-Bonneville, la référence paraît s’imposer avec la force de l’évidence quand « les procédés de pouvoir et de savoir prennent en compte les processus de la vie et entreprennent de les modifier et de les contrôler ».

La notion d’état d’urgence, kinkyû jitai au Japon, est une réponse à différents types d’urgence que des lois différentes stipulent : sécurité intérieure, désastres naturels, désastres nucléaires, pr


Anne Gonon

Sociologue, Professeure à l'Université Doshisha

Mots-clés

Covid-19