Liban, la nausée
La défaite c’est la perte d’une guerre, d’une bataille. Le Liban n’a perdu ni guerre ni bataille, il s’est perdu. On l’a perdu. Dedans comme dehors. Il suffit de le regarder physiquement : il est défiguré.
Cette maladie qui consiste à détruire pour aller vite et s’imposer, à se détruire pour avancer, connaît certes ici ses symptômes les plus virulents. Mais elle est mondiale. Le Liban est son cluster : son foyer de contagion le plus dense, le plus saturé. La clique libanaise au pouvoir bat des records de pourriture, mais elle ne dit pas tout. Loin de là. Elle n’est que la partie visible d’un magma de mensonges aux ramifications insondables. Ne parler que d’elle c’est ignorer le magma dont nous faisons partie : « nous », la société confessionnelle libanaise. Nous, les habitants grégaires de la planète. C’est surtout ignorer le mal régional dont ce magma libanais découle. C’est céder au défoulement au prix de la pensée.
Il n’est pas de raisonnement qui tienne, pour ce pays, s’il ne prend en compte le démembrement méthodique de l’Irak, de la Syrie, de la Palestine. Je ne vais donc pas répondre ici à l’injonction du récit attendu, qualifié récemment de « petite musique libanaise » au micro d’une radio parisienne. Je veux en finir avec le vase clos auquel nous sommes assignés depuis que le désastre du 4 août nous a propulsés sur la scène médiatique ; en finir avec le stérile et subtil mélange d’insultes, d’indignation, d’accablement et de vitalité qui fait – à défaut d’un pays – la marque de fabrique libanaise. J’ai déjà cédé à l’exercice. Et d’autres bien mieux que moi.
Je veux dire de quelle addition d’humiliations, de manipulations et de mensonges est faite, depuis le choc du 4 août, notre nausée. Le pire n’est pas la Perte : le pire c’est le renoncement forcé à la vérité qui en est la cause. Accepter ce renoncement c’est reproduire au plan mental la cellule de la prison où nous nous trouvons, c’est refaire le cachot dans le cerveau. Ne voulant céder ni au