Société

Des migrants place de la République, sans la République

Politiste et artiste

Des centaines d’exilés laissés à la rue après l’évacuation d’un campement en Seine Saint-Denis ont essayé lundi 23 novembre de s’installer place de la République à Paris. Soutenus par des associations et des élus, ils espéraient ainsi se rendre visibles. Ce qui a été visible, c’est la violence de leur évacuation par les forces de l’ordre, suscitant critiques et indignations. Mais combien, parmi les organisateurs de cette action et les indignés de ce matin, ont sincèrement cru à un autre déroulement, à un autre dénouement ?

Au beau milieu de cette grande place parisienne vibrent des allégories : de la République, tout au sommet, rameau d’olivier pour dire la paix main droite, tablette portant inscription « Droits de l’Homme » main gauche ; de la liberté, de l’égalité, de la fraternité un étage plus bas, adossées au piédestal de pierre blanche, protégées par le suffrage universel, lion sculptural tout de bronze dressé, vif et souverain. Sous les yeux de cette assemblée grandiose des bataillons de forces de l’ordre ont hier soir, lundi 23 novembre, expulsé avec la violence que l’on sait des personnes migrantes et des militants ayant installé là, précisément là, un campement.

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Hurlements, coups de matraques, tentes arrachées. Epaisses vapeurs de gaz asphyxiants, corps à corps brutaux, foules compactes malmenées, passages à tabac. Quelques élus, portant écharpes telles des boucliers, bien visibles. Nombre de journalistes, caméras au poing, scrutant les visages à découvert, masculins comme féminins, de gendarmes mobiles survoltés. Dispersions, fuites, nouveaux passages à tabac dans les rues adjacentes. Ce matin, les images en clair obscur tournent à foison, accompagnées du concert d’indignation que l’on sait : « Honte », « Tristesse », « Rage », « Consternation ». En place, les allégories semblent, impassibles, trôner toujours.

Combien, parmi les organisateurs de cette action et les indignés de ce matin, ont sincèrement cru à un autre déroulement, à un autre dénouement ? Que veut dire cette déploration devant des actes aussi prévisibles, devant des forces de l’ordre dont on ne découvre évidemment pas en novembre 2020 le manque d’humanité, devant des pouvoirs publics desquels on n’attend sûrement pas un geste de bonté enfin ? Quel est le sens de cette levée d’indignation unanime ce matin sur les réseaux sociaux, comme s’il s’agissait d’un réveil, comme si cette violence était proprement inouïe ? Le programme policier est absolument connu, inlassablement répété depuis des années, ma


Sébastien Thiéry

Politiste et artiste, Coordinateur des actions du PEROU (Pôle d'Exploration des Ressources Urbaines)

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