Au temps du semblant
La pandémie virale exige à tout le moins d’être pensée dans tous ses aspects. Nous comprenons alors que nous ne la comprenons qu’incomplètement. Il aura été paré au plus urgent, absolue nécessité, mais en laissant dans l’ombre nombre de causes et de conséquences : une deuxième infection est-elle possible après guérison de la première ? Quelle est la durée de l’immunité conférée par le vaccin ? Des effets à long terme sont soupçonnés mais qu’en est-il ? Tant d’inconnues… et pour cause : il fallait pour aller très vite renoncer aux leçons de l’expérience, brûler les étapes, négliger l’analyse approfondie des modalités de transmission, encore trop vaguement devinées. Aller vite, très vite, on le voit bien, c’est renoncer aux temps attentifs de la science.
De la même façon, l’activisme frénétique qui s’est emparé de plusieurs laboratoires et industriels de la pharmacie à travers le monde, et qui a fait accoucher de cinq ou six vaccins différents, correspond aux temps hyper-rapides de la concurrence marchande mais ne laisse aucun temps pour la concertation, la mise en commun des données et solutions, et tout simplement la réflexion collective qui reste l’une des forces de l’approche scientifique. La leçon de ces faits est qu’en dépit d’une mobilisation toute nouvelle des laboratoires et des usines, en dépit de la multiplication des essais, des hypothèses, des recherches, ce virus – un élément assez sommaire de la matière – nous ouvre brutalement les yeux sur notre ignorance ou, si l’on préfère, la faiblesse de nos connaissances, pourtant immenses…
Ce paradoxe, vieux comme le monde, est illustré par l’effet, au cinéma comme ailleurs, d’un éclairage violent : l’ombre qui entoure la tache de lumière vive paraît plus opaque encore. Plus l’on y voit, moins l’on y voit. Un fort contraste aveugle. Ce défi pour les directeurs de la photographie nous rappelle, à mon sens, que l’ombre est première (« Que la lumière soit ! »), et que le monde, matériel et intellectuel, q