Société

L’invention de l’islamo-gauchisme – sur le postcolonial (3/3)

Historien, Historien

Alors que Frédérique Vidal souhaite mener une enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’université en vue d’évaluer notamment les travaux utilisant la catégorie de « race », les postcolonial studies font de nouveau l’objet de vives attaques. Nicolas Bancel et Pascal Blanchard affirment, dans ce dernier volet d’une série d’articles, que leurs détracteurs, à force de nier l’héritage colonial au nom d’idéaux universalistes, poussent la France sur la voie d’une d’une guerre des identités… Il est temps d’avoir une lecture ouverte de notre passé colonial, ni restrictive ni idéologique, de manière à dépasser ce qui demeure un « tabou ».

Ce troisième (et dernier) article sur les études postcoloniales se propose de revenir sur les attaques du mois de décembre 2019 publiées dans L’Express et L’Express.fr dans deux textes amalgamant les chercheurs proches de postcolonial studies et les militants décoloniaux radicalisés, à travers un article d’Amandine Hirou (« Les obsédés de la race noyautent le CNRS ») et surtout une tribune pilotée par Pierre-André Taguieff, Laurent Bouvet et quatre autres signataires (« Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique ») afin de mettre en exergue les motivations politiques et idéologiques des signataires de la tribune et de mieux comprendre le débat actuel autour de l’« islamo-gauchisme », terme qu’ils ont inventé et développé depuis et qui s’inscrit pleinement dans l’actualité avec les propos polémiques de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

On comprend mieux cette polémique à l’aune, aussi, du dernier livre de Pierre-André Taguieff, L’imposture décoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme (Éditions de l’Observatoire / Humensis), d’une série d’interviews récentes dans les médias et enfin d’une tribune collective dans Le Monde (le 30 octobre 2020) contre les « idéologies indigéniste, racialiste et “décoloniale” », dont l’objet – depuis le texte fondateur de décembre 2019 – est de dresser la liste des chercheurs à stigmatiser dans une forme de maccarthysme du XXIe siècle.

Après la construction d’informations erronées à partir de sources contestables, l’attaque ultime des auteurs de la tribune de L’Express, l’estocade à la bête qui bouge encore, doit viser l’un des responsables du Groupe de recherche Achac (Pascal Blanchard, un des auteurs du présent texte), pour prouver que toutes les études postcoloniales sont « sans valeur ». Et là, on sort la grosse artillerie. On va même chercher des alliés chez des proches des Indigènes de la République pour les attaquer, on fabrique de fausses informations, on superpose les omissions de collaborations sur des livres pour présenter notamment Pascal Blanchard comme un « auteur solitaire ».

Pour rappel, Pascal Blanchard a publié plus de soixante ouvrages, et collaboré dans ses livres et expositions avec plusieurs centaines de chercheurs et historiens en vingt-cinq ans. Pour prouver sa marginalisation et sa « mauvaise réputation », on n’hésite pas à utiliser un faux chercheur italien (Camille Trabendi, édité par les éditions Agone sur leur site) et un texte écrit sous pseudonyme comme « preuve irréfutable »… Enfin, on dénonce « preuve à l’appui » que tous ses titres et fonctions sont faux.

Le retour du Maccarthysme ?

Petit retour sur ces attaques, dignes des années 30 ou des grands procès du maccarthisme. En premier lieu, on « apprend » aux lecteurs qu’il serait « le co-directeur, [de] l’agence de communication Les Bâtisseurs de mémoire ». Quelle grande découverte ! Cela fait vingt-cinq ans que Pascal Blanchard co-dirige cette agence, dont la spécialité est la muséographie et l’histoire en lien avec les entreprises. Il édite une lettre mensuelle (que tout le monde peut lire). Dispose d’un site Internet (que tout le monde peut voir). Signe ses réalisations et ses musées. En parle dans des interviews, et est même devenu l’un des leaders dans ce domaine à l’international. Du neuf ? Non. Scandaleux ? À quel titre ?

Pascal Blanchard a choisi de mener en parallèle une carrière multi-facette, celle d’un chercheur, celle d’un auteur d’ouvrages, celle d’un réalisateur de films documentaires et celle d’un directeur d’agence de création de musées, ce qui, jusqu’à nouvel ordre, est son droit. Il est aussi un acteur pédagogique présent dans des lycées et des collèges ou dans les quartiers de la politique de la ville, pour présenter des expositions pédagogiques et des films, comme ceux des séries Frères d’armes, Champions de France ou Artistes de France… Il est aussi auteur et réalisateur de films (pour Arte, France 2, France 5, Canal+…), commissaires d’expositions (comme au Musée du quai Branly en 2011-2012, à la Cité Miroir à Liège en 2017 et au Mémorial Acte en Guadeloupe en 2018)… et il est même sur Arte certains vendredis soirs dans « 28 minutes ». Est-ce scandaleux ? Pour nos tribuns, sans aucun doute. Il y aurait mélange des genres. Son parcours serait la preuve de la médiocre qualité de ses travaux.

Pour les signataires de la tribune, il est aussi scandaleux que la DILCRAH – qu’ils connaissent bien, ayant siégé pour certains dans le conseil scientifique –, dont le but est de lutter contre le racisme et toutes les discriminations, puisse financer ce type d’actions de terrain auprès de la jeunesse et des scolaires ou même le livre qui vient d’être publié à CNRS Éditions ou le colloque au CNAM. Comme ils ne vont pas plus dans les établissements scolaires qu’ils ne lisent les livres qu’ils critiquent, on imagine parfaitement qu’ils ne savent pas ce que la DILCRAH finance (pourtant Dominique Schnapper a présidé son conseil scientifique jusqu’à l’année dernière, elle aurait pu donner à ses co-auteurs quelques informations). Outre ces actions dans les écoles, des expositions pédagogiques, des colloques, des livres aussi – et cela depuis longtemps – sont financés par la DILCRAH.

Même du temps de l’ancien directeur de la DILCRAH, Gilles Clavreul – désormais un des acteurs majeurs du Printemps républicain aux côtés de Laurent Bouvet –, le Groupe de recherche Achac était financé pour ses actions annuelles. On se doute qui si cet ancien directeur de la DILCRAH a financé en partie les actions du Groupe de recherche Achac, celles-ci ne devaient pas être des camps d’été racisés ou des feux d’artifice décoloniaux ! En fin de compte, on ne se sait toujours pas ce qu’ils reprochent à ces programmes du Groupe de recherche Achac et aux réalisations de Pascal Blanchard ?

Mais revenons à l’antéchrist justement. Pascal Blanchard aurait usurpé son statut au CNRS. C’est une évidence. Une simple vérification de son CV sur internet aurait informé ses contempteurs qu’il a été depuis vingt-cinq ans chercheur-associé au Cersoi à Aix-en-Provence, puis chercheur-associé à l’UMR 6578 Anthropologie Bio-Culturelle et membre du GDR 2322 Anthropologie des Représentations du corps à Marseille, et enfin qu’il a rejoint il y a plus de dix ans le Laboratoire Communication et Politique à Paris en tant que chercheur-associé, puis en tant que membre chercheur de ce laboratoire. Ce qui est bien entendu consultable en un clic dans la rubrique « membres statutaires » de son laboratoire.

Évidemment Pascal Blanchard n’est pas « rémunéré par le CNRS » puisqu’il a choisi d’être co-directeur de son agence, et qu’il a choisi de rejoindre cette équipe, en tant que simple membre du laboratoire pour participer à ses activités scientifique ou de recherche. Gérant et fonctionnaire cela ne va pas totalement ensemble, il faut donc faire des choix. Ce qu’il a fait, il y a vingt-cinq ans, en toute déontologie. Il est désormais chercheur-associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation de l’Université de Lausanne.

Il s’agit donc d’une pure diffamation, lorsque les cosignataires écrivent : « Il y a là une usurpation de légitimité. » Pour ces contempteurs, le monde serait merveilleux s’il n’était peuplé que de leurs amis, partageant toutes leurs idées, reconnus et désignés par eux uniquement pour faire de la recherche… Comme ce n’est pas le cas, comme de nombreux chercheurs contestent leurs analyses, il faut tenter de fragiliser les autres, les réduire à être des « usurpateurs », pour les briser. Et s’ils résistent, alors on engage une belle campagne de dénigrements sur les réseaux sociaux. Une bien belle mentalité que la leur, celle de chercheurs et d’enseignants qui devraient symboliser le savoir et la rigueur ! En vérité, ils trahissent l’essence même de nos engagements et de notre métier de chercheur. Leur but ultime : dresser la liste de chercheurs à mettre au pilori, les présenter comme des militants, pour enfin les marquer au fer rouge en les taxant d’« islamo-gauchistes ».

Mais nous n’avons pas encore tout vu. Le sommet dans l’art du dénigrement est encore à venir. Après avoir présenté l’un des co-directeurs du Groupe de recherche Achac comme un capitaliste avide et un usurpateur de titre, les signataires vont puiser, chez l’une des critiques les plus véhémentes du Groupe de recherche Achac (Laurence de Cock), la preuve que Pascal Blanchard serait un « culturaliste néfaste ». À la fois capitaliste et islamo-gauchiste… une nouvelle forme hybride en fait, un être mutant.

Ils le reconnaissent eux-mêmes, cette enseignante de lycée a « signé en 2005 le “Premier appel” des Indigènes de la République, connaît le milieu indigéniste et décolonial de l’intérieur », c’est une militante de la cause, mais il faut quand même reprendre ses attaques contre le Groupe de recherche Achac. De toute évidence, au regard des engagements du Groupe de recherche Achac et de Pascal Blanchard contre les Indigènes de la République, on se doutait un peu que Laurence de Cock – à partir de citations tronquées et déformées ou de pseudo-interviews – ne serait pas forcément bienveillante…

Malgré cet anachronisme, la bande des six en tire la conclusion inverse : « La stratégie culturelle [du Groupe de recherche] Achac consiste à mêler les universitaires et les chercheurs aux militants “décoloniaux”, voire “indigénistes”, les premiers conférant une respectabilité académique aux seconds. » C’est tout simplement grotesque, et justement les « indigénistes » comme Laurence de Cock ou Houria Bouteldja passent leur temps à attaquer le Groupe de recherche Achac, leurs livres et programmes. Et notre équipe refuse explicitement de travailler avec eux.

Après ces témoins qui n’en sont pas, les preuves accablantes constituées de propos rapportés et exhumés à l’emporte-pièce, les chercheurs « respectables » qui, en fait, ont travaillé avec le Groupe de recherche Achac, la reprise d’attaques d’opposants idéologiques à nos programmes, les titres usurpés qui n’en sont pas… on cite un chercheur qui n’existe pas et que l’on présente comme un véritable expert. C’est la preuve ultime. Il s’agit d’un certain Camille Trabendi, à la fausse biographie inventée par les Éditions Agone sur leur site, et Sylvain Laurens. Un article qui remonte à mai 2010, présentée comme une enquête précise par la bande des six sur « Pascal Blanchard en “Free Lance Researcher” ». Encore une fois, dénonçant le fait qu’il oserait « bâtir des musées ».

Merveilleux univers que celui du net pour divulguer et reproduire des faux, sans même se donner la peine de vérifier. En fait, ce texte que les signataires présentent comme un « décryptage » a été produit à plusieurs mains, par un des dirigeants des Éditions Agone et le chercheur Sylvain Laurens en quête de reconnaissance dans le milieu scientifique à l’époque et qui, pensant bien faire, a déversé sa boue contre le Groupe de recherche Achac. Là aussi, voici un beau témoin de moralité anonyme pour soutenir la démonstration des cosignataires.

Bravo à l’équipe Taguieff, Bouvet et compagnie que d’avoir rappelé, par de tels travers, que le chercheur doit tout d’abord vérifier ses sources ! Enfin, comble de l’ironie, nos six amis oublient de temps en temps de préciser des choses. Comme le fait que Dominique Schnapper – une des signataires de la tribune – a reçu en 2011, comme Pascal Blanchard en 2012, le Prix du livre antiraciste de la LICRA. D’un seul coup, leur splendide panorama s’effondrerait face à cette contradiction… autant ne pas le signaler.

Pour comprendre une telle forclusion, il faut revenir au contexte du moment et pourquoi cette tribune a été publiée fin 2019. Tout cela a un but, un but politique.

Ils veulent détruire la République et préparent les attentats islamistes

Depuis le samedi 30 novembre 2019, le Printemps républicain est en passe de transformer son collectif militant en parti politique. Pour symboliser l’événement, le rassemblement de quelque 350 de ses sympathisants à la Bellevilloise, à Paris, a lancé la machine. Il faut donc faire du bruit, et l’affaire du recrutement « potentiel » de chercheurs adoptant une perspective postcoloniale est une opportunité à saisir. Certes, ils n’ont mobilisé tous les deux que quatre autres signatures, pas une de plus, un peu faible devant les 80 signatures du Point.

Dans le même temps, les attaques contre les spécialistes de la colonisation se succèdent. Il faut s’opposer aux déclarations du président de la République sur le passé colonial, pousser à des campagnes contre le « communautarisme », engager la guerre contre les « islamistes », provoquer un amalgame tel qu’ils pourraient agrandir le cercle de leur soutien militant. Valeurs actuelles a d’ailleurs publié un numéro spécial : « Algérie française. Les vérités interdites » ; de même, L’Express Thema a publié un dossier spécial fort nostalgique : « Les colonies, une histoire française ». Cette campagne est devenue une priorité. Mais c’est bien le « décolonialisme » qui motive cette véritable panique et devient un point de fixation. La tribune publiée dans L’Express fait en effet suite à une avalanche d’articles, de tribunes et de dossiers décrivant sur un mode apocalyptique l’invasion des « décoloniaux » à l’Université[1] et dans le monde des arts.

Si nous condamnons évidemment toutes les actions visant à empêcher les débats ou à tel ou telle de parler ou de créer, comme le fait que Sylviane Agacinski s’est vu interdire une tribune en raison de l’activisme de groupuscules, ou encore le fait qu’une pièce d’Eschyle a été déprogrammée en raison d’une improbable accusation de « blackface » – de même que nous avions dénoncé les manifestations contre la pièce de Brett Bailey Exhibit B en 2014 (qui évoquait les zoos humains, spectacle visé par des associations « décoloniales ») –, on remarquera que ces événements ont en grande majorité été dictés par des associations ultra-minoritaires et extérieures à l’Université. Et ne sont en rien liés aux études postcoloniales ou aux chercheurs travaillant sur le passé colonial.

Les chercheurs ne sont pas concernés par ces débats et actions. Interpréter ces événements comme des faits menaçant les fondements même de l’Université, en lien avec les chercheurs postcoloniaux, n’a pas de sens. Ce sont des actions militantes, sans rapport avec la recherche historique, et qui doivent être jugées à l’aune des déclarations de leurs organisateurs, qui assument d’ailleurs pleinement leurs actes[2]. À l’inverse, il convient de remarquer que dans ce contexte de polarisation extrême autour des enjeux (post)coloniaux, la plupart des médias conservateurs se lèvent dans le même temps contre les déclarations d’Emmanuel Macron en Côte d’Ivoire – ou de retour d’un voyage en Israël – sur les liens entre République et colonisation.

Le contexte n’est donc pas neutre, il faut s’opposer à tout regard critique sur le passé colonial et ses héritages contemporains. À cet égard, Pierre-André Taguieff et Laurent Bouvet sont en première ligne. Ils ne sont pas nostalgiques de ce passé, leur approche est en ce sens différente de celle d’un Éric Zemmour ou d’un Jean Sévillia[3]. Leur crainte est qu’un lien soit fait entre la construction du racisme colonial et ses ressacs contemporains, évidemment amoindris, transformés, mais bien réels, bref que la question (post)coloniale vienne brouiller leur discours politique et surtout leur « combat pour la laïcité » et la place de l’islam en France.

Dans le même mouvement, en s’associant avec une centaine d’autres « professeurs et des chercheurs de diverses sensibilités » (comme on peut le lire dans le chapô de leur tribune publiée dans Le Monde du 30 octobre 2020), ils basculent dans une nouvelle étape du processus en assimilant les chercheurs sur ces questions (et le passé colonial), à des « islamo-gauchistes » – on retrouve ici le discours des années 20-30 qui associe les colonisés musulmans aux communistes, notamment dans les affiches du Centre de propagande des républicains nationaux d’Henri de Kérillis pour les élections de 1928 avec ce titre explicite : « Aux Colonies, les Communistes travaillent à poignarder la France » – les présentant de facto comme les inspirateurs (directs ou indirects) des attentats islamistes. Une caricature que dénonce le même jour, dans Le Monde, Jean-François Bayart, pourtant lui-même très critique envers les études postcoloniales.

Mais la démarche du duo Taguieff-Bouvet mobilise de nouveau et plus largement à l’aune des attentats d’octobre 2020, avec des signataires tels Pierre Nora, Luc Ferry, Marcel Gauchet, Pascal Perrineau… mais aussi Pierre Vermeren – qui vient de publier un brûlot dans Le Figaro contre le documentaire de France 2, Décolonisations. Du sang et des larmes[4] –, ou Philippe d’Iribarne, ainsi que des nostalgiques invétérés tel Marc Michel. La méthode est claire, le dénigrement permanent, et l’objectif final explicite : il faut convaincre le pouvoir politique de dénoncer les hordes d’« islamo-gauchistes » qui seraient en train de gangréner l’université et le CNRS.

Le petit groupe initial mobilise désormais un impressionnant panel qui ne révèle que la partie visible de l’iceberg. Dans le cas de Laurent Bouvet, on connaît le cheminement vers ces questions et postures, comme en témoigne son échange avec Alexis Feertchak sur FigaroVox en juillet 2016 (« Laurent Bouvet : l’islamisme, la gauche et le complexe colonial »). Il résumait alors l’approche postcoloniale en ces termes : « Elle est appuyée sur une idée simple : l’homme blanc, européen, occidental, chrétien (et juif aussi) est resté fondamentalement un colonisateur en raison de traits qui lui seraient propres (comme par essence) : raciste, impérialiste, dominateur, etc. Par conséquent, les anciens colonisés sont restés des dominés, des victimes de cet homme blanc, européen, occidental, judéo-chrétien. […] Dans un tel cadre, le terroriste est d’abord et avant tout perçu lui aussi comme une victime même si son acte est condamné en tant que tel. »

Rien de neuf finalement, depuis son ouvrage-référence sur la question, publié en 2007, Le communautarisme. Mythes ou réalités. Il s’inscrit dans une vision binaire (le bien/le mal) et simplifie tout. Il y a les alliés et les ennemis, et à ses yeux les chercheurs travaillant sur la colonisation et la postcolonie sont des ennemis, car « sensibles » au passé colonial et aux héritages postcoloniaux. Comme l’explique à son sujet, au journal Le Monde, Pierre Rosanvallon : « Il a progressivement défendu des positions républicaines un peu intégristes. Bien que ses livres soient intéressants dans leur genre, plutôt vifs et alertes, ce sont des livres d’intervention que pourraient écrire des journalistes de talent. » Il le reconnaît lui-même dans une interview au Monde et aussi dans un portrait dressé dans Libération : « faire un livre qui a 250 acheteurs et trois lecteurs, ça ne m’intéresse pas. » C’est pourtant bien souvent le lot du chercheur que d’accepter de diffuser du savoir pas forcément pour des milliers de lecteurs. « En fin de compte, comme le résume Laurent Baumel, il a tendance à privilégier la polémique au détriment de l’approfondissement de ses propres concepts ». C’est dommage, car la polémique n’est justement pas la recherche.

Chez Pierre-André Taguieff, la posture est plus complexe et s’inscrit dans ses propres évolutions idéologiques, plus globales, mais il est possible de suivre ces mutations. Il est devenu le symbole de l’évolution d’une partie de la gauche chevènementiste vers un néo-conservatisme différentialiste, comme l’analyse récemment le journaliste Joseph Confavreux. Il était déjà considéré, en 2002, comme un « nouveau réactionnaire » d’après Daniel Lindenberg.

De fait, il a toujours écrit dans des revues marquées à l’ultra-droite – souvent par esprit de provocation – comme la revue canadienne Égards, ou des revues de la Nouvelle Droite comme Éléments (aux côtés de Dominique Schnapper dans un numéro de 2017 notamment) et Krisis, mais aussi désormais, comme symbole de son engagement explicite, pour le site dreuz.info, qui se présente comme « conservateur, chrétien et pro-israélien » et développe des thèses néoconservatrices et islamophobes selon de nombreux analystes comme Samuel Laurent du journal Le Monde. Dans cette perspective, la question coloniale, comme l’approche (post)coloniale, qui jusqu’alors étaient très éloignées de ses centres d’intérêt prennent un autre relief au regard de sa vision angoissée d’une « dictature des minorités », des mutations culturelles générées par les migrations et de l’opposition entre l’Islam et l’Occident.

Pierre-André Taguieff développe désormais comme axe central de sa pensée ce conflit structurant, dénonçant dans cette perspective tous les « traîtres » à la cause, comme Stéphane Hessel, et soutenant ceux qui dénoncent « l’invasion musulmane », comme Oriana Fallaci et son livre polémique dans lequel elle affirmait que les musulmans « se multiplient comme des rats ». Pour Pierre-André Taguieff, « elle s’effor[çait] de dire des vérités terriblement gênantes ». Nous sommes bien loin d’un débat entre chercheurs, mais bien dans une polémique politique permanente et une action militante qui tente de se parer des atours du débat scientifique.

Le but final de cette tribune, nous l’avons vu, était de prouver que les chercheurs proches des études postcoloniales n’auraient qu’un but : détruire la République française en s’alliant aux militants décoloniaux radicaux et même avec les indigénistes et autres potentiels djihadistes. Avec au final, la préparation d’un contexte pour la sortie de son livre un an plus tard : L’imposture décoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme et surtout imposer sa doxa sur les « islamo-gauchistes » pour une bonne réception dans l’opinion au moment du débat sur le « séparatisme ». Tous les travaux du Groupe de recherche Achac ou des chercheurs se revendiquant des postcolonial studies sont désormais associés par eux à l’idéologie des « indigénistes ».

Avec un but ultime, selon les auteurs de la tribune : prouver que ces travaux sont gouvernés par « une reproduction mécanique, univoque et surdéterminante du colonial », produisant selon eux, « une déshistoricisation des approches de ce dernier [le fait colonial], qui devient l’objet d’un récit à la fois mythique et mystificateur, présupposant une vision héréditariste des attitudes, des croyances et des comportements ». On respire, on décrypte, et on découvre que les postcoloniaux auraient une vision héréditariste, par définition anhistorique.

Le temps de l’islamo-gauchisme triomphant

La dernière étape de cette stratégie vient d’être franchie, à travers les propos de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation Frédérique Vidal, qui affirme que les « islamo-gauchistes » ont « gangrené » l’Université de la société tout entière, promettant une « enquête » pour évaluer les travaux utilisant les catégories de genre, de « race », d’intersectionnalité ou s’inspirant de concepts venus des postcolonial studies. Une victoire incontestable pour ces militants luttant contre l’« anti-France ».

Ces propos surviennent comme par un « heureux hasard » après la création d’un soi-disant Observatoire du décolonialisme (au mois de janvier 2021) dont le maître à penser est Pierre-André Taguieff, « observatoire » visant à dresser la liste des chercheurs, militants et auteurs à abattre. La machine s’emballe et la chasse aux sorcières est entrée dans une nouvelle dynamique, avec la déclaration de la ministre, qui s’attaque ainsi aux chercheurs qu’elle est censée protéger. Tous seraient sous l’influence de « théories dangereuses » venues des États-Unis (pays des gender studies, des postcolonial studies ou des racial studies, mais aussi du mouvement Black Live Matter).

Tout est dit. Créer de toute pièce un ennemi qui gangrène la République de l’intérieur (les universitaires, les chercheurs et les étudiants) et la menace à l’extérieur (via les islamistes radicaux), est une construction qui fonctionne à merveille dans l’opinion, et actualise ce sur quoi travaille idéologiquement l’extrême droite depuis 40 ans. Comme l’analyse Nicolas Lebourg, « menace extérieure, subversion intérieure : les schémas de la dénonciation anticommuniste étaient redéployés sur l’islam et les immigrés ».

Mais le gouvernement, il faut le reconnaître, ne parle pas d’une seule voix sur ce sujet. Comme l’ensemble de la gauche et de la droite, il est divisé, comme en témoigne une récente tribune publiée le 23 février 2021 dans Le Monde, qui indique qu’au sein du gouvernement comme à l’Assemblée nationale, certains attachent de l’importance aux inégalités hommes-femmes comme aux discriminations sociales, géographiques et « ethniques ». Mais les dégâts provoqués par le déclarations de la ministre sont là : la droite applaudit, l’extrême droite jubile – sachant qu’au final elle ramassera la mise –, la gauche est tétanisée, les médias s’emballent.

L’Université est-elle bien menacée par les enseignants-chercheurs « islamo-gauchistes » ? Ceux-ci, tels des virus, métastaseraient partout : les étudiants radicaux imposeraient leur idéologie mortifère et « séparatiste » aux autres et ces derniers, terrorisés, n’oseraient plus contredire les nouveaux ayatollahs. Le corps enseignant lui-même serait pris dans un véritable étau, entre ces étudiants et un nombre toujours plus important d’enseignants-chercheurs dogmatiques acquis à ces nouvelles « idéologies » et visant à contrôler l’ensemble des sciences sociales à l’Université, pour imposer par la force leur idéologie.

Mais grâce à l’initiative de la ministre, il s’agit désormais d’évaluer les travaux de ces enseignants-chercheurs, afin de les démasquer, et, sans doute, de les sanctionner, et – pourquoi pas ? –, de les exclure. Ce nouveau maccarthysme dont l’objectif est de sauver la République, l’universalisme et le « vivre-ensemble », mérite bien quelques dégâts collatéraux. Les victimes seront bientôt sur une liste, et ces listes seront jetées en pâture à l’opinion.

Si les intellectuels décoloniaux et postcoloniaux ont fomenté un tel complot, on doit reconnaître qu’ils sont bien peu efficaces : aucun poste à l’Université, dans les sciences sociales, n’est, aujourd’hui, ouvert sur les questions décoloniales et postcoloniales. À l’inverse, les signataires des différentes tribunes sont tous en poste et certains d’entre eux occupent largement les médias. Qui tient une position hégémonique dans cette configuration ?

Il faut donc se préparer à la guerre identitaire et s’unir… contre les ex-colonisés, surtout s’ils sont musulmans (et d’autant plus dans le contexte des attentats), mais aussi contre les chercheurs s’intéressant à l’histoire coloniale et postcoloniale et tous ceux qui travaillent sur le genre ou la « race » en prenant en compte l’histoire coloniale. Eh bien, on ne s’amuse pas tous les jours aux côtés de Pierre-André Taguieff et Laurent Bouvet : ils se préparent tout simplement à une guerre, et dans cette perspective les postcoloniaux, requalifiés en « islamo-gauchistes », seraient la 5e colonne ! En espérant que le lecteur, piégé et manipulé, se dise par-devers lui : « ils ont l’air bien dangereux ces gens-là. Éliminons-les ! »

Car c’est en vérité une guerre des identités qu’ils appellent de leurs vœux, poussant la France sur la voie de la fracture communautaire. Avec de tels amis, la République n’a plus besoin d’ennemis.

Imaginons que les chercheurs incriminés utilisent les mêmes procédés que les auteurs de ces tribunes, en jugeant Laurent Bouvet, non sur ses travaux, mais sur ses tweets ou sa stratégie politique ? Imaginons que l’on ne regarde les travaux de Pierre-André Taguieff qu’à l’aune de ses engagements périphériques et ses participations à telles ou telles revues ou blogs extrémistes ? De réduire Isabelle de Mecquenem à ses engagements militants[5] ? Nathalie Heinich à son combat contre le pacte civil de solidarité (PACS) au regard de sa signature pour la pétition « Ne laissons pas la critique du PACS à la droite » ? Imaginons que tous les travaux de Dominique Schnapper, soit une carrière de plus soixante ans, soient réduits à son seul engagement institutionnel comme présidente du Conseil des sages de la laïcité, à ses interviews polémiques dans Éléments.

On voit immédiatement que ces méthodes sont en même temps inacceptables, terribles et dérisoires. Elles desservent toute réflexion critique et dialogique. Elles ne servent, en fin de compte, à l’instar de la police tzariste au début du XXe siècle utilisant les Protocoles des sages de Sion, qu’à jeter l’opprobre et à tenter de réduire à néant, pour mieux le diaboliser, la complexité du parcours d’un individu ou d’une équipe de chercheurs. Et elles encouragent finalement l’inflammation des passions et la polarisation extrême que nous sommes en train de vivre sur ces questions, et qui vient de connaître un nouvel acmé avec les propos de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur l’infestation de l’Université par les « islamo-gauchistes ».

Alors qu’il faudrait justement pacifier les conflits et faire la part des choses entre actions radicales – et contestables –, et travaux sur le genre, la « race », le passé colonial et ses conséquences postcoloniales. Cette troisième voie est indispensable pour ne pas se retrouver mêler à une guerre inutile et dévastatrice entre d’un côté le Printemps républicain allié à l’ultra-droite et, de l’autre, les décoloniaux radicalisés du PIR.

Nous pensons qu’il est préférable d’être dans le débat d’idées, en s’appuyant sur des travaux universitaires. Nous pensons qu’il est également préférable d’analyser de manière critique (mais non dogmatique : on y trouve aussi du grain à moudre) les écrits et thèses de Laurent Bouvet développés dans des livres comme L’insécurité culturelle ou Le sens du peuple ; de souligner les apports mais aussi les limites des travaux sur le racisme de Pierre-André Taguieff, qui refuse depuis plus de trente ans d’intégrer la question coloniale dans la structuration des racismes en Occident (et il y a par ailleurs quelque chose de désespérant à voir un chercheur autrefois de qualité s’abîmer et se radicaliser, dans tous les sens du terme, dans une prose outrageante tout en prenant les poses ridicules du matamore) ; ou d’aborder de la même manière les écrits de Dominique Schnapper, qui fixent des règles strictes aux enjeux de citoyenneté et de laïcité sans jamais questionner le poids des discriminations ou des représentations en partie issus de la période coloniale, sans jamais interroger cet héritage colonial dans la société française, soit plus de quatre siècles d’Histoire.

Nous pensons qu’il est toujours préférable de rester dans la critique académique – sans chercher à taire nos différences –, qui est l’essence de notre mission et métier, et ce malgré le bruit et la fureur autour de la polémique sur l’« islamo-gauchisme » qui frappe le monde la recherche et l’Université.

Et pour finir…

Passons sur le fait que l’ensemble des travaux issus ou proches des postcolonial studies devraient être marginalisés selon les auteurs de la tribune publiée par le site web de L’Express et les chercheurs utilisant une perspective postcoloniale exclus de toute activité de recherche ; car, dans le cas contraire, ce serait « le meilleur moyen d’en finir avec la quête de l’excellence dans les sciences sociales »… Si des personnages tels que Laurent Bouvet ou Pierre-André Taguieff sont les garants de cette excellence, on peut, au regard de cette tribune et de leurs méthodes, en effet dormir sur nos deux oreilles !

Passons sur la tribune de décembre 2019, qui repose sur des sources non vérifiées et des informations fausses, et qui ne sert en fait qu’à la projection d’obsessions idéologiques, dans un contexte spécifique qu’un livre avait tenté d’éclairer en 2015 (Vers la guerre des identités ?, La Découverte). Pour être clair, certains aujourd’hui sont déjà partie prenante de cette guerre des identités en France. L’extrême droite, les identitaristes de toute sorte, et désormais d’anciens acteurs de la gauche qui se radicalisent, à partir d’une position d’« ultra-républicanisme », avec l’islam comme ennemi à abattre. Dès lors, il n’y a plus d’espace de dialogue pour penser le présent et le vivre-ensemble.

Cette tribune s’inscrit dans la droite ligne de ce combat. Plutôt que de réfléchir à ces enjeux, d’intégrer désormais la question coloniale et postcoloniale dans une pensée globale, de refuser de laisser à des radicaux ces questions (par exemple les discriminations ethniques fort bien renseignées par ailleurs par de multiples travaux de l’INED, la peur de l’islam, les liens incestueux entre la France et ses anciennes colonies…), les auteurs pratiquent l’amalgame et l’exclusion.

Il serait utile – pour eux, comme pour tous les lecteurs – de relire L’Express en 2018, à une époque où le débat d’idées était encore possible dans les colonnes de l’hebdomadaire, lors d’un échange entre Benjamin Stora et Souleymane Bachir Diagne, où ce dernier déclarait : « Entre l’“universalisme décharné” critiqué par Césaire et l’abîme du relativisme, il y a l’entre-deux du pluralisme, et c’est ce pluralisme qui peut être, pour reprendre votre expression, le fil qui nous relie à l’universel. C’est évidemment la force actuelle des migrations maritimes qui repose et rejoue dans notre présent la question coloniale ». L’enjeu n’est-il pas, en effet, de trouver un « juste milieu » entre aveuglement et extrémisme ? C’est d’ailleurs dans ce sens que le président de la République a fait référence, dans son discours sur le séparatisme, au passé colonial :

« […] nous sommes un pays qui a un passé colonial et qui a des traumatismes qu’il n’a toujours pas réglés avec des faits qui sont fondateurs dans notre psyché collective, dans notre projet, dans notre manière de nous voir. La guerre d’Algérie en fait partie et, au fond, toute cette période de notre histoire est revue comme à rebours, parce que nous n’avons jamais déplié les choses nous-mêmes. Et donc nous voyons des enfants de la République, parfois d’ailleurs, enfants ou petits-enfants de citoyens aujourd’hui issus de l’immigration et venus du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne, revisiter leur identité par un discours postcolonial ou anticolonial. Nous voyons des enfants dans la République qui n’ont jamais connu la colonisation, dont les parents et les grands-parents sont sur notre sol depuis longtemps, mais qui tombent dans le piège, là aussi méthodique de certains autres qui utilisent ce discours, cette forme de haine de soi que la République devrait nourrir contre elle-même, mais aussi de tabous que nous avons nous-mêmes entretenus en faisant miroiter leurs origines avec notre histoire, nourrissant aussi ce séparatisme. Je distingue chacun de ces éléments méthodiquement, mais ils se mélangent tous dans la réalité de nos vies. Ils se mélangent tous, et se nourrissent les uns des autres. »

Et c’est parce qu’ils se mélangent dans nos réalités, que nous devons accepter d’avoir une lecture ouverte et non restrictive et idéologique de ce passé, pour justement dépasser ce « tabou » français.

Il est souhaitable que le débat sur le passé colonial, les études postcoloniales et en fin de compte le « vivre-ensemble » s’engagent sur de nouvelles voies en France, sinon l’enjeu identitaire, au mépris notamment de la question sociale, deviendra l’épicentre de la vie politique française. Et de telles tribunes, comme celle de Pierre-André Taguieff et ses amis, deviendront la règle. Et la guerre désirée avec les « islamo-gauchistes » deviendra une guerre identitaire bien réelle.


[1] Voir la partie conclusive de notre précédent article : « Professer le faux : il faut brûler l’histoire coloniale ».

[2] Voir cet article de la Revue des deux mondescelui-ci du Figarocelui-ci de Pilefacecelui-ci de Libération ou encore cette tribune signée par plus d’une centaine d’universitaires publiées par Libération.

[3] Quelques heures avant la tribune de L’Express, Jean Sévillia donne une interview au Figaro : « Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation », le 23 décembre 2019.

[4] Voir à ce sujet la réponse de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, « Décolonisations : regarder l’histoire en face », Politis, 4 novembre 2020.

[5] Elle a cosigné une tribune dans Marianne, « Un antiracisme sectaire à l’assaut des facs : malaise dans la culture juvénile », le 5 juin 2018.

Nicolas Bancel

Historien, Professeur ordinaire à l'Université de Lausanne

Pascal Blanchard

Historien, Chercheur associé au CRHIM (UNIL)

Rayonnages

Société

Mots-clés

Laïcité

Notes

[1] Voir la partie conclusive de notre précédent article : « Professer le faux : il faut brûler l’histoire coloniale ».

[2] Voir cet article de la Revue des deux mondescelui-ci du Figarocelui-ci de Pilefacecelui-ci de Libération ou encore cette tribune signée par plus d’une centaine d’universitaires publiées par Libération.

[3] Quelques heures avant la tribune de L’Express, Jean Sévillia donne une interview au Figaro : « Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation », le 23 décembre 2019.

[4] Voir à ce sujet la réponse de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, « Décolonisations : regarder l’histoire en face », Politis, 4 novembre 2020.

[5] Elle a cosigné une tribune dans Marianne, « Un antiracisme sectaire à l’assaut des facs : malaise dans la culture juvénile », le 5 juin 2018.