Société

Féminisme. Radicalité. Respect.

Politiste

Il y a un an, le 8 mars 2020, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dans la France entière à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Dix jours après l’attribution du César à Roman Polanski, les expressions critiques contre les combats féministes s’étaient alors cristallisées autour de la dénonciation de leur radicalité. Le même anathème n’a depuis cessé d’être brandi. Aucune femme ne devrait pourtant avoir à se montrer « respectable » pour avoir droit au respect.

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Quel visage prendra le 8 mars 2021 ? Les combats féministes sont en France, depuis un an, la cible d’une critique récurrente : la radicalité des formes de leur expression nuirait à leur message, quand ce n’est pas à la cause des femmes. Les dénigrements sont des plus faciles – quoique d’une particulière faiblesse intellectuelle – sous cet angle : les engagements pour les droits des femmes sont prétendument reconnus comme une cause majeure dans la seule mesure où les actions, les prises de parole, les prises de position resteraient « modérées », « sages », « bien comme il faut ». Dans la seule mesure où, autrement dit, les femmes resteraient « à leur place ». Ainsi que l’analyse la sociologue Eva Illouz, « le troisième âge de la révolution féministe [est] encore très mal compris parce que, pour beaucoup, il semble exiger des comportements plus policés ». Y a-t-il chez certains le regret des répertoires d’actions militantes des femmes conservatrices antiféministes américaines qui approchaient les législateurs « au moyen de pains et confitures faits maison » ? On ne peut contester les critiques des nouveaux combats féministes sur un point : ces combats sont radicaux. Mais elles se méprennent sur le sens comme sur les fondements de cette radicalité.

« C’est le politique qu’on oublie »

Ces critiques ignorent, outre la dynamique des nouvelles formes de mobilisations féministes, deux réalités structurantes. La première est l’ampleur des transformations à conduire. Près de cent cinquante femmes décèdent tous les ans en France sous les coups de leur compagnon [1] et plus de cinquante mille plaintes pour viols ou agressions sexuelles sont déposées chaque année. En Europe, cinquante-cinq pour cent des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois après l’âge de quinze ans [2]. A l’allure actuelle, la parité dans le monde du travail sera atteinte dans deux cent deux ans. Ceux qui dénoncent la radicalité des combats féministes méconnaissent-ils volon


[1] 121 femmes ont été tuées en France par leur conjoint ou leur ex-compagnon en 2018, 146 en 2019 et 90 en 2020 selon les enquêtes de la délégation aux victimes.

[2] Sondage réalisé par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la violence envers les femmes en 2014 (analyse la plus complète à ce jour).

[3] Entretien à l’AFP, 23 novembre 2017.

[4] Le mot « hystérie » a encore été récemment entendu dans la bouche de Dominique Besnehard à propos de Ségolène Royal et lu sous la plume de Lydia Guirous (dans une tribune publiée par Le Figaro) à propos du mouvement des Femen.

[5] Cécile Alduy, Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques pris aux mots, Seuil, 2017.

[6] Sandra Laugier, Nos vies en séries. Philosophie et morale d’une culture populaire, Climats, 2019.

Agathe Cagé

Politiste

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Féminisme

Notes

[1] 121 femmes ont été tuées en France par leur conjoint ou leur ex-compagnon en 2018, 146 en 2019 et 90 en 2020 selon les enquêtes de la délégation aux victimes.

[2] Sondage réalisé par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne sur la violence envers les femmes en 2014 (analyse la plus complète à ce jour).

[3] Entretien à l’AFP, 23 novembre 2017.

[4] Le mot « hystérie » a encore été récemment entendu dans la bouche de Dominique Besnehard à propos de Ségolène Royal et lu sous la plume de Lydia Guirous (dans une tribune publiée par Le Figaro) à propos du mouvement des Femen.

[5] Cécile Alduy, Ce qu’ils disent vraiment. Les politiques pris aux mots, Seuil, 2017.

[6] Sandra Laugier, Nos vies en séries. Philosophie et morale d’une culture populaire, Climats, 2019.