Éducation

Comment j’ai appris quelques langues « étrangères » – le portugais (1/2)

Sociologue

L’apprentissage des langues « étrangères » n’est pas forcément chose aisée, a fortiori lorsque le fait d’être anglophone confère un confort dispensant bien souvent d’en maîtriser les usages. Mais les langues sont plus qu’un simple arsenal technique. En elles se renferment des cultures en miniature et des aiguiseurs scientifiques. L’apprentissage des langues peut alors se muer en périple initiatique. Premier volet d’un diptyque d’Howard Becker consacré à son apprentissage des langues « étrangères ».

Je suppose que ma maîtrise des langues autres que l’anglais est similaire à celle de la plupart ou, disons, de nombreux universitaires de ma génération aux États-Unis (et aussi des plus jeunes que moi). Obligé de choisir entre l’allemand, le français ou l’espagnol – les langues enseignées dans mon lycée de Chicago –, j’ai choisi l’espagnol, estimant, de manière assez peu réaliste, que c’était la plus facile des trois (une croyance répandue dans ma tranche d’âge). Même si l’un des professeurs d’espagnol était attentif et d’une exceptionnelle érudition, j’étais trop stupide pour saisir l’occasion qu’il m’offrait d’apprendre réellement quelque chose sur cette langue, et j’ai donc fini par ne posséder que des connaissances acquises dans la rue : comment insulter la mère de quelqu’un de la manière la plus fleurie qui soit, par exemple, et d’autres choses de ce genre, mais plus immédiatement pratiques (par exemple, pour passer commande dans un restaurant mexicain).

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Au cours de mes trois premières années d’études à l’Université de Chicago, l’apprentissage des langues étrangères n’étant pas obligatoire, je n’en ai pas étudiées. Lorsque j’ai intégré le cursus de troisième cycle en sociologie, les exigences universitaires autrefois très strictes en matière de langues étrangères étaient devenues une simple formalité à laquelle les étudiants se montraient volontiers réticents : ils ne la prenaient pas au sérieux et comptaient sur le bon sens des professeurs de ne pas l’appliquer, ce qu’ils firent. Cela dit, il fallait quand même passer un examen écrit concocté par la Graduate School, puis prouver à un membre du corps professoral que vous étiez capable d’utiliser cette langue à des fins universitaires. J’ai choisi le français et j’ai préparé l’écrit avec plusieurs de mes collègues étudiants, d’une manière pas très sérieuse, mais apparemment suffisante pour réussir l’épreuve.

J’ai ensuite demandé à mon mentor, Everett Hughes, avec qui je travaillais en étroite collaboration sur mon mémoire de recherche, de me faire passer le test qu’il souhaitait. Il savait sûrement que mon français ne me permettait même pas de commander un café, mais il m’a donné un texte en français, qui je crois parlait de la mafia, à traduire à vue. Je me suis débrouillé comme j’ai pu et il a fait ce que nous attendions tous de nos professeurs : dépité, il m’a donné mon certificat. Nous ne devions plus jamais évoquer l’affaire.

Tout laissait présager que je demeure un anglophone irrémédiablement monoglotte (doté, en sus, d’un très perceptible accent de Chicago).

Cet examen passé pour satisfaire aux exigences universitaires en matière de langue étrangère avait eu lieu en 1949 ou 1950. Au milieu des années 1970, vingt-cinq ans plus tard donc, sans prévenir, mon ami Richard Krasno (un psychologue que j’avais rencontré par l’intermédiaire de notre ami commun David E. Smith, médecin à la Haight-Ashbury Free Medical Clinic de San Francisco – vous voyez comme tout est question de hasard et de chance ?) m’appelle de Rio de Janeiro où il occupait un poste de responsable de l’enseignement supérieur au bureau local de la Fondation Ford. Il avait fait la connaissance d’un anthropologue brésilien du nom de Gilberto Velho, m’expliquait-il, qui s’intéressait à ce que j’avais écrit au sujet de la déviance dans mon livre Outsiders. Velho voulait que la Fondation m’invite à Rio pour quelques mois afin d’enseigner un cours en binôme avec lui. Ma première réaction fut de m’exclamer : « Mais Richie, c’est à peine si je sais où se trouve le Brésil, et je ne connais pas un mot de portugais ! La seule chose que je sache faire c’est jouer quelques morceaux de bossa nova au piano. » Il balaya ces objections d’un revers de main.

En même temps, je me disais que c’était un de ces messages qui viennent d’on ne sait où et qui n’ont aucun rapport avec votre vie, mais qui ressemblent à une injonction à laquelle une personne sensée (ou, du moins, sensible) doit prêter attention. Et j’ai aussi pensé que si j’acceptais l’invitation, cela me donnerait au moins l’occasion d’entendre à volonté une musique pour laquelle j’avais un réel intérêt ; nous étions alors quelques années après l’introduction, auprès du public et des musiciens américains, de la bossa nova et d’autres styles brésiliens, une musique que je jouais depuis un certain temps déjà.

J’y ai donc prêté attention. Après avoir tergiversé quelque temps, j’ai finalement accepté d’étudier le portugais une année durant, tout en continuant d’enseigner la sociologie à la Northwestern University, et donc de me rendre à Rio l’année suivante pour y enseigner aux côtés de Velho. Il était prévu que ce dernier vienne à Chicago me rendre visite à Northwestern pendant une semaine ou deux, au moment de ses vacances d’été qui, au Brésil, comme partout dans l’hémisphère sud, se déroulent en janvier et février. En attendant, et afin que je prenne connaissance de son travail, il m’envoya deux ou trois livres qu’il avait écrits sur la vie sociale à Copacabana, la consommation de drogue chez les Brésiliens aisés et d’autres sujets dont il pensait qu’ils m’intéresseraient. À partir de l’aspect extérieur de ces livres, je me suis imaginé un universitaire sérieux, d’âge moyen et digne de respect.

Jamais je n’avais préparé un seul de mes cours et n’allais pas non plus les préparer pour Rio.

J’ai donc commencé à étudier sérieusement le portugais, poussé en cela par ma collègue de Northwestern, Janet Lever, qui avait fait de la recherche au Brésil et qui savait à quel point il était essentiel pour moi d’apprendre un minimum de portugais afin que mon séjour ait un sens pour Velho et pour moi. Elle a insisté pour que je l’accompagne au laboratoire de langues de l’Université, où elle a demandé aux personnes présentes quels livres elles utilisaient pour enseigner le portugais, puis m’a inscrit à une heure par jour de séances à base de leçons préenregistrées, lesquelles, pour l’essentiel, consistaient en un « modèle » disant quelque chose que vous deviez répéter, à la suite de quoi vous écoutiez l’enregistrement de votre tentative. Le décalage entre moi et le modèle eut l’effet escompté, celui de me choquer au point que je prenne très au sérieux la quantité de travail à fournir. C’était une manière assez vache de vous faire prendre conscience de ce qui restait à apprendre, mais ça a fonctionné.

À la fin, je n’avais toujours pas beaucoup de vocabulaire pour m’exprimer à l’oral. Mais j’avais un plutôt bon accent carioca ! (« Carioca » fait référence aux gens et aux choses de Rio de Janeiro, par opposition à « Paulista », qui désigne les gens et les choses de São Paulo, l’autre grande ville du pays.) J’ai enrichi mon vocabulaire en lisant péniblement les livres du professeur Velho, m’aidant d’un dictionnaire pour la quasi-totalité des mots de la première page, la plupart de ceux de la deuxième page, et ainsi de suite. Arrivé à la fin du livre, je pouvais lire ! Plus ou moins. Assez bien pour me débrouiller. (J’ai gardé dans un coin de ma tête la leçon que j’avais tirée de cette histoire, dans le cas peu probable d’une autre langue à apprendre.)

Lorsque je suis allé à la rencontre de Gilberto Velho à l’aéroport O’Hare de Chicago en janvier, à sa descente de l’avion, il a vu la neige et (devait-il me l’avouer plus tard) s’est demandé ce qu’un pauvre carioca faisait dans un endroit pareil, résistant à l’envie de remonter illico dans l’avion. Mais il est resté plusieurs semaines pendant lesquelles nous avons appris à nous connaître et découvert de nombreux intérêts communs. Nous discutions du cours que nous allions assurer ensemble. Jamais je n’avais préparé un seul de mes cours et n’allais pas non plus les préparer pour Rio – cela lui convenait parfaitement.

J’ai continué mes séances dans le laboratoire de langues et me suis retrouvé mieux équipé pour affronter cette épreuve linguistique que jamais je n’aurais cru possible. Et quand ma femme et moi sommes arrivés à Rio, on nous avait trouvé un appartement à Ipanema (endroit rendu célèbre grâce à « The Girl From Ipanema », chanson que les jazzmen américains, et moi, avions découverte grâce à Stan Getz), près de l’endroit où Velho habitait, afin que lui et moi puissions nous rendre ensemble au Museu Nacional, où se trouvait le département d’anthropologie. Comme il sied à une personne sophistiquée qui vit à quelques pâtés de maisons de la plage de Copacabana, il a veillé à ce que notre appartement soit dans le même quartier.

Vous vous demandez peut-être, comme moi à l’époque, pourquoi un anthropologue et non un sociologue se proposait d’être mon lien avec les sciences sociales brésiliennes. En 1976, quand je suis arrivé, la dictature militaire brésilienne, la ditadura, battait son plein. Un des faits mineurs du régime fut d’interdire la sociologie en tant que discipline universitaire. Velho menait des recherches sur la consommation de drogues parmi les jeunes membres de l’élite sociale, des personnes appartenant à des familles de l’aristocratie locale (il était possible de déduire cette caractéristique, comme je devais rapidement l’apprendre, du chapelet de noms de famille connus qui suivaient le prénom, comme c’était d’ailleurs le cas pour Velho). Ces familles et celles des membres des grades supérieurs de l’armée se recoupaient. Le père de Velho était lui-même membre du groupe militaire qui avait instauré la dictature. N’étant pas véritablement du genre dictature militaire pur et dur (mais bien plutôt intellectuel), ses camarades l’avait mis à la tête de la Censura, mais durent ensuite lui demander de se retirer quand, au bout d’un an, il n’avait toujours rien censuré. C’était ce genre-là d’intellectuel.

Dans n’importe quel autre pays, les travaux de recherche de Velho auraient été conduits par des sociologues, mais comme la sociologie était interdite, la discipline la plus proche permettant de faire la même chose était l’anthropologie. Velho a donc créé, au sein du Museu, un programme d’anthropologie urbaine sans que personne ne vienne lui chercher des noises. Et c’est également sans que personne n’intervienne que nous avons assuré notre cours sur la déviance. Les étudiants, heureusement pour moi, comprenaient presque tous l’anglais. Et ils écrivaient des thèses (parfois publiées sous forme de livres), qu’ils me donnaient non sans fierté, sur toutes sortes de sujets « urbains » : les prostituées, l’homosexualité, les escolas da samba, dont les chars et les costumes criards composaient le point culminant des grands défilés du carnaval. Ces ouvrages, bien sûr, étaient tous en portugais et formaient le noyau d’une petite collection que je me constituais, de sorte que jamais je n’ai manqué de lectures pour poursuivre mon apprentissage de la langue.

Ces étudiants en anthropologie pouvaient lire et parler non seulement l’anglais mais aussi le français ; cependant, pour introduire une autre complication, ils prétendaient pour la plupart ne pas comprendre l’espagnol, ce qui était plus ou moins vrai. À leurs yeux, le Brésil, dont la superficie et la population sont aussi grandes que celles de tous les pays hispanophones d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale réunis, se trouvait simplement dans une catégorie autre, supérieure. Leur héritage scientifique remonte à la France – c’est au Brésil que l’éminent anthropologue Claude Lévi-Strauss avait mené ses grandes études ethnographiques qui aboutirent au magnifique Tristes Tropiques, et c’est avec un sentiment de grand respect que les anciens membres du département qui l’avaient rencontré se souvenaient de son séjour au Museu. Les anthropologues brésiliens étaient liés à certaines grandes institutions de recherche françaises (le CNRS à Paris, par exemple), où certains d’entre eux avaient obtenu leurs maîtrises et diplômes d’études supérieurs. D’autres, comme Velho, étaient diplômés de l’université de São Paulo, laquelle avait été créée par la « mission française », un groupe venu de France pendant la Seconde Guerre mondiale.

J’ai pris conscience qu’apprendre une langue signifiait en réalité apprendre une culture.

En vivant à Ipanema, en déambulant dans ses rues, en entendant et en voyant la vie quotidienne et en comprenant la langue comme jamais je n’aurais cru possible, et aussi en apprenant à connaître de près la légendaire et réellement insupportable bureaucratie brésilienne, j’ai pris conscience qu’apprendre une langue signifiait en réalité apprendre une culture. Un exemple trivial mais révélateur est la façon dont j’ai appris le mot « jeito », que j’entendais partout et qui signifiait un « truc » ou un « don » pour faire quelque chose. C’est souvent grâce à Velho que j’apprenais ce genre de chose – et, dans ce cas précis, il était en train de m’expliquer la raison pour laquelle j’avais du mal à passer des appels depuis le téléphone à cadran de notre appartement : j’étais apparemment incapable de maîtriser le jeito de la composition, soit des mouvements précis et délicats qui seuls, insistait-il, pouvaient conduire à la connexion souhaitée. Alors il me montrait la « bonne » façon de composer le numéro et, bien sûr, il finissait par être connecté à la personne à qui je souhaitais parler.

Son explication était bien sûr absurde – il ne s’agissait en fait que de la nature au petit bonheur la chance du système téléphonique désuet de Rio –, mais ce concept faisait partie de la vie quotidienne, le plus souvent en lien avec des problèmes d’interaction, particulièrement, et fréquemment, avec les administrations publiques et les bureaucraties privées. Obtenir, par exemple, un permis de conduire (ou toute autre chose d’un fonctionnaire réticent et paresseux) exigeait quelques compétences interactionnelles subtiles et délicates, le jeito approprié. Le jeito, et l’attitude qu’il incarnait, sont une idée culturelle importante.

L’une des choses importantes liées à mon expérience professionnelle de pianiste lors de ce premier séjour à Rio a été la vaste collection que j’ai pu réunir d’enregistrements et de partitions d’œuvres de grands compositeurs et interprètes de l’époque de la bossa nova : Chico Buarque, Caetano Veloso, João Gilberto, Tom Jobim et bien d’autres. Apprendre à connaître cette musique et les paroles m’a enseigné bien d’autres choses encore sur le mode de vie brésilien, car il y était souvent fait référence à l’actualité et à des aspects plus durables de la ditadura (références en rien évidentes et qui nécessitaient qu’on me les explique).

Un jour, chez un disquaire du centre-ville, je suis tombé sur un nouveau disque de Chico Buarque et je l’ai acheté. De retour au Museu, et ayant montré ma trouvaille, tout le monde a voulu savoir dans quel magasin au juste je l’avais acheté : la rumeur courait en effet que le gouvernement s’apprêtait à confisquer tous les exemplaires au motif que le disque était subversif. J’ai voulu savoir ce qu’il avait de subversif, les chansons me semblant assez innocentes. C’est ainsi que je devais apprendre qu’une chanson intitulée « Apesar de você » (« Malgré vous »), dont il me semblait qu’elle parlait d’un amant qui se vantait de ne pas se laisser affecter par les tentatives de sa partenaire de le rendre malheureux, était en réalité une chanson politique. En fait, le chanteur se vantait du fait que, malgré la répression gouvernementale, lui et ses amis continuaient d’être heureux.

D’autres chansons avaient des paroles tout aussi subversives dès lors que vous connaissiez le code, qui n’était pas si ésotérique que ça, il suffisait de se douter qu’il s’agissait d’un code. Ces doubles sens étaient apparemment une raison suffisante pour que la police saisisse le disque et en empêche la vente. J’apprenais ainsi à soupçonner la plus simple des chansons d’amour (et les graffitis sur les murs, d’ailleurs) de ne pas être ce qu’elle semblait être, c’est-à-dire une banale déclaration d’amour, mais de contenir un sens politique.

Un autre résultat durable né de ce séjour au Brésil, et du fait d’avoir appris un peu de portugais, est le livre réunissant mes traductions de textes dus à un des grands intellectuels du pays, Antonio Candido : anthropologue de formation, versé dans toutes les sciences sociales, grand connaisseur de littérature dans toutes les grandes langues européennes, auteur d’une histoire classique de la littérature brésilienne, et plus encore. Je l’ai découvert par hasard. Je lisais, dans une revue de sciences sociales, un article sur la politique actuelle recommandé par Velho. Une fois l’article terminé, j’ai vu que le suivant s’intitulait « Quatro Esperas » (« Quatre attentes »), et qu’il était signé d’une personne dont je n’avais jamais entendu parler, Antonio Candido (Candido, 1995, p. 45-74). Il s’agissait en fait du compte rendu de quatre œuvres littéraires, présentées comme les complaintes de quatre groupes de personnes attendant un groupe d’envahisseurs étrangers dont l’arrivée allait tout changer : La Muraille de Chine de Kafka, le poème de Cavafy « En attendant les Barbares », et deux autres textes qui m’étaient moins familiers : Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq et Le Désert des Tartares de Dino Buzzati.

J’ai senti que le destin me présentait un trésor et, lorsque Velho est revenu au bureau, je lui ai demandé « C’est qui ce type Candido ? » et s’il avait écrit autre chose. Gilberto s’est amusé à se moquer de mon provincialisme, disant que « ce type », ce Candido, n’était autre que le plus grand critique littéraire du Brésil et qu’il avait écrit une tonne de livres. J’en ai fait l’acquisition pour les rapporter à Chicago et, plein d’enthousiasme et de bravade, j’ai décidé de traduire certains des essais les plus susceptibles d’intéresser d’autres sociologues anglophones – c’est-à-dire ses interprétations d’auteurs de renommée internationale comme Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo) et Joseph Conrad (Lord Jim et Victoire), ainsi que d’autres textes concernant plus particulièrement le Brésil (par exemple, un essai sur le concept particulièrement brésilien de malandro), une introduction aux romans de Machado de Assis, et un long récit à propos d’un Italien qui, dans son enfance, avait joué le rôle de tuteur auprès de lui et venait d’un milieu politique révolutionnaire.

Je décidai en revanche, de ne retenir ni son histoire magistrale de la littérature brésilienne, un texte trop exigeant pour des lecteurs ne connaissant pas le domaine (dont moi !), ni ses analyses réfléchies et sensibles de la poésie en portugais, lesquelles reposaient tellement sur une considération détaillée de l’expérience auditive de ces poèmes (c’était leur plus grande force) qu’elles auraient été dénuées de sens dès lors qu’on ne pouvait en apprécier la lecture à voix haute. En revanche, j’ai inclus son analyse très habile des problèmes des écrivains de pays (comme le Brésil) dont les langues étaient essentiellement inconnues ailleurs (Candido, 1995, p. 119-141).

Alors que j’achevais cette anthologie, j’ai commencé à chercher un éditeur américain et j’ai essuyé des refus tous identiques et tous fondés sur la ferme conviction que personne n’achèterait un tel livre. J’ai finalement trouvé une éditrice, Mary Murrell à Princeton, qui a voulu tenter le coup. Nous avons découvert que tous ces pessimistes avaient raison : personne (aux États-Unis, du moins) n’achète de traductions du portugais ! Le livre s’est vendu à moins de trois cents exemplaires.

J’étais et je suis toujours heureux de l’avoir fait. J’ai beaucoup appris. Notamment que j’étais capable d’apprendre une autre langue.

traduit de l’anglais (américain) par Hélène Borraz


Howard Becker

Sociologue, Professor at the University of Washington

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