Le biais Bronner ou la reductio ad cerebrum
N’est pas Molière qui veut mais ma critique du livre de Bronner, Apocalypse cognitive, pourrait se contenter de transposer la réplique fameuse : « Le poumon ! Le poumon, vous dis-je » en un « Le cerveau ! Le cerveau, vous dis-je ! ». La discussion académique exige cependant un peu plus d’arguments, même si le livre en question a débordé largement le monde universitaire.
Résumons donc l’ouvrage.
Selon Bronner, notre époque contemporaine, celle des médias sociaux notamment, se caractérise par « une augmentation inédite du temps de cerveau disponible ». « On assiste » à une « dérégulation du marché cognitif » puisque chacun peut désormais publier, sans le contrôle des gatekeepers qu’étaient les médias, ce qui a fluidifié la rencontre offre-demande. Et cette dérégulation rencontre et « révèle alors involontairement les invariants du fonctionnement du cerveau de notre espèce ».

Depuis Homo Sapiens, l’espèce humaine est gouvernée par le sexe, la peur et l’agressivité et cette révélation est permise par le marché de l’attention, qui valorise toutes les satisfactions à court terme. Nous nous devons de faire face à cette apocalypse. Il est grand temps d’« arrêter le cambriolage de notre trésor attentionnel » en « préservant les conditions sociales d’exploration des possibles », à savoir les sciences, les techniques et l’égalité des chances, et plus largement la rationalité.
L’argument a six avantages à la fois, qui sont autant de « sucre » pour nos cerveaux fainéants : l’évidence (quelque chose ne tourne plus rond dans le monde des médias), l’irénisme (pas de responsable, pas de coupable), la révélation (Homo Sapiens nous habite), une seule cause finale (le cerveau, vous dis-je), une seule méthode plus-que-scientifique (l’imagerie cérébrale), une seule solution (ne rien faire).
À la recherche de l’individualisme méthodologique perdu
Je devais lire cet ouvrage pour trouver un représentant contemporain de l’individualisme méthodologique qui tienne son rang. En effet,