Politique

La guerre des sexes : un point, c’est trop ! (Comédie en un acte sur l’écriture inclusive)

Linguiste angliciste

Rarement un seul signe graphique (·) aura fait couler autant d’encre. Rarement aussi le débat public, politique, aura été aussi caricatural, réduisant les rapports complexes qu’entretiennent langue et société à une seule marque (détestable), un seul enjeu (dangereux). Et pendant que le débat fait spectacle, qu’il fait écran, que les politiques de droite et centre droite le récupèrent, la langue, loin des polémiques, dans la vraie vie, doucement, continue d’évoluer.

publicité

Mesdames et Messieurs, ce soir au théâtre, La guerre des sexes : un point c’est trop ! (Comédie en un acte sur l’écriture inclusive, ou comment la scène politique récupère un point polémique)

La queue est longue devant le Théâtre des Débats Bouffes. Depuis plus de 3 ans, contre toute attente, le succès de la pièce ne se dément pas. Certains reviennent la voir, juste pour le plaisir. D’autres ont fourré des tomates pourries dans leur poches (il paraît qu’on peut en lancer à la fin, c’est formidable). Quelques partisans du langage non sexiste ont aussi pris des places, par curiosité. Après tout, c’est quand même eux dont on parle dans la pièce. Les linguistes, pour la plupart, refusent d’y aller, ils préfèrent continuer à publier des tribunes à tout-va dans les journaux sérieux, tenter de justifier leur position, expliquer les changements linguistiques en jeu. Bref, ils ne s’amusent pas.

Décor : salle de classe IIIe République

Le rideau se lève sur une salle de classe. Un grand tableau noir en fond de scène est recouvert de formules en écriture inclusive. S’y étalent en grosses lettres enfantines appliquées « bonjour à tous·tes », « agriculteurs·rices », « artisan·e·s » , « la corbelle et la renarde ». Le public remue un peu, on entend quelques soupirs désapprobateurs, des « Non, quand même, pas La Fontaine, ils ont pas le droit », etc. Quelques bancs sobres, en bois, dos au public, font face au tableau. C’est très IIIe République.

Scène 1 – L’institutrice féministe

Une cloche annonce le début de la classe. Silence dans la salle. Le public retient son souffle. Six comédiens grimés en enfants mignons viennent s’asseoir sur les bancs. Ils mettent des sucettes dans leurs bouches et caressent des doudous. Le public fait « oh, ah ». Il est ému, les enfants sont mignons. Ils sont innocents.

Débarque soudain, dans un vacarme de portes claquées, la comédienne qui fait l’institutrice féministe. Elle tient dans ses bras une version énorme du Manuel scolaire publié che


[1] Pratique ayant pourtant vocation à être restreinte à certains contextes formels, où il est pertinent d’avoir recours à une abréviation, ce contexte n’étant pas celui de l’école, où les enseignants n’étaient pas en train de l’enseigner à leurs élèves, déjà assez occupés à apprendre à écrire en toutes lettres. Ainsi la circulaire de Blanquer l’interdisant à l’école (publiée le 7 mai 2021) n’avait-elle de sens que politique.

[2] Lire à ce propos Le ministre est enceinte de Bernard Cerquiglini, Seuil, 2018.

Julie Neveux

Linguiste angliciste, Maîtresse de Conférences en linguistique à l'Université de Paris-Sorbonne

Notes

[1] Pratique ayant pourtant vocation à être restreinte à certains contextes formels, où il est pertinent d’avoir recours à une abréviation, ce contexte n’étant pas celui de l’école, où les enseignants n’étaient pas en train de l’enseigner à leurs élèves, déjà assez occupés à apprendre à écrire en toutes lettres. Ainsi la circulaire de Blanquer l’interdisant à l’école (publiée le 7 mai 2021) n’avait-elle de sens que politique.

[2] Lire à ce propos Le ministre est enceinte de Bernard Cerquiglini, Seuil, 2018.