Quand les données personnelles font problème
Alors que, sous l’effet croisé des innovations technologiques et des recompositions du capitalisme, la collecte de données personnelles s’accroît, le privacy paradox ( «paradoxe de la vie privée ») est souvent mis en avant : les individus se déclarent massivement préoccupés dans les enquêtes d’opinion par l’exploitation de leurs données personnelles, quand dans le même temps ils partagent un nombre conséquent d’informations.
Ce paradoxe s’explique notamment par le fait que ces flux informationnels sont inscrits dans des structures socio-économiques sur lesquelles nous n’avons qu’une prise limitée. Refuser la collecte de données est souvent coûteux dans un écosystème numérique construit autour de l’exploitation des données personnelles. Certains auteurs ont dès lors avancé l’idée d’une digital resignation (« résignation numérique ») : face aux difficultés à contrôler le flux d’informations personnelles, les individus se résigneraient à les partager.

Ces concepts masquent toutefois la diversité des pratiques quotidiennes de résistance à la collecte de données mises en avant par les enquêtes empiriques sur les usages numériques. Les individus négocient, au cas par cas, leur vie privée : ils développent des stratégies pour contrôler les informations qu’ils souhaitent diffuser et à qui.
Du morceau de scotch sur la webcam à la fourniture de fausses informations dans les formulaires en passant par l’installation d’un bloqueur de publicité ou l’utilisation de plusieurs adresses email, les individus mettent en œuvre des tactiques et développent des compétences profanes en matière de protection de leurs données personnelles.
L’« arme du droit » constitue une autre modalité de résistance individuelle à la collecte de données personnelles. Depuis la fin des années 1970, des législations, reposant sur le principe de l’auto-détermination informationnelle, ont doté les individus d’un ensemble de droits techniques devant leur permettre de consentir ou de s’opposer à l’usa