Écologie

Entre mers et forêts : la possibilité de la vie dans les marges

Socio-anthropologue

Fin août, des pêcheurs portaient plainte pour destruction de la biodiversité locale contre le projet de parc éolien marin de la baie de Saint-Brieuc. Au-delà du débat sur sa pertinence, ce projet est aussi une manifestation à petite échelle de l’appétit du capitalisme pour la mer en tant que zone à exploiter, à l’image d’un continent terrestre. Il est pourtant possible d’éprouver la mer en connivence avec ses habitants et ses habitats, à l’image de la forêt, lieu d’art de la résistance. Et ainsi, vivre la mer en pêcheur, en pirate ou en voyageur.

La mer, dans le contexte de la crise environnementale, est vue comme un nouvel eldorado, un capital maritime et littoral à conquérir en vue d’une économie bleue durable.

Moins artificialisée que les terres, elle supporte néanmoins 90 % du trafic marchand et 99 % de la circulation de l’information via les câbles sous-marins, et figure ainsi comme le support principal de la mondialisation des échanges. Elle fait l’objet de tous les fantasmes de développement d’une croissance qui soit soutenable, venant se substituer à l’érosion des ressources et des matières premières terrestres.

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De longue date, l’océan a été nourricier ; il constitue aujourd’hui un véritable front pionner pour les États et les sociétés qui investissent dans la prospection des métaux rares, du pétrole et des énergies marines renouvelables. Au nom de la « croissance bleue », à présent revendiquée par tous les États, nos mers « libres » pourraient devenir très occupées tant les appétits sont considérables, et cette poussée vers le large n’est pas sans conséquence sur la dégradation de la biodiversité marine, en grande partie encore méconnue.

La découverte de nouvelles richesses et les besoins de suprématie sur le monde génèrent depuis une trentaine d’années un empressement à accaparer les droits d’usages, de maîtrise du sol et de la circulation. Le droit de la mer s’est ainsi instauré sur la délimitation d’espaces marins et des droits et devoirs des États sur ces espaces. Anciennement régie par des droits coutumiers et considérée comme espace de liberté et de non-droit (au-delà de la portée d’un coup de canon, soit trois milles nautiques – 4,80 km environ, ndlr), la mer au cours du XXe siècle se définit par de nouvelles frontières (droit commun de la mer affirmée par les conventions de Genève en 1958 et de Montego Bay en 1982).

L’espace océan ne supporte pas ces frontières pour autant. Sa nature fluide reste réfractaire aux limites, aussi les frontières marines sont extrapolées depuis des repè


[1] Alain Corbin, Le Territoire du vide, Flammarion, 1990.

[2] Jean-Baptiste Vidalou, Être forêt, éditions La Découverte, 2018.

[3] Guillaume Decocq, Bernard Kalaora et Chloé Vlassopoulos, La Forêt salvatrice, éditions du Champ Vallon, 2016.

[4] Collectif Mauvaise troupe, Saisons. Nouvelles de la zad, éditions de L’Éclat, 2017.

[5] Alexandre Dumas, Les Compagnons de Jehu, 1e éd. 1857.

[6] Voir Marcus Rediker, Les Hors-la-loi de l’Atlantique (2015), traduit de l’anglais par Aurélien Blanchard, éditions du Seuil, 2017, et Edward Kritzler, Les Pirates juifs des Caraïbes (2009), traduit de l’anglais par Alexandra Laignel-Lavastine, éditions de L’Éclat, 2017.

[7] Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme (2015), traduit de l’anglais par Philippe Pignarre, éditions La Découverte, 2017.

[8] Bronisław Malinowski, Les Argonautes du Pacifique Occidental (1922), traduit de l’anglais par André et Simonne Devyver, Gallimard, 1963.

[9] François Cheng, Vide et plein, éditions du Seuil, 1991.

Bernard Kalaora

Socio-anthropologue, Chercheur à l'IIAC (CNRS, EHESS), ancien président de l’association LITTOCEAN

Rayonnages

Écologie

Mots-clés

ClimatEau

Notes

[1] Alain Corbin, Le Territoire du vide, Flammarion, 1990.

[2] Jean-Baptiste Vidalou, Être forêt, éditions La Découverte, 2018.

[3] Guillaume Decocq, Bernard Kalaora et Chloé Vlassopoulos, La Forêt salvatrice, éditions du Champ Vallon, 2016.

[4] Collectif Mauvaise troupe, Saisons. Nouvelles de la zad, éditions de L’Éclat, 2017.

[5] Alexandre Dumas, Les Compagnons de Jehu, 1e éd. 1857.

[6] Voir Marcus Rediker, Les Hors-la-loi de l’Atlantique (2015), traduit de l’anglais par Aurélien Blanchard, éditions du Seuil, 2017, et Edward Kritzler, Les Pirates juifs des Caraïbes (2009), traduit de l’anglais par Alexandra Laignel-Lavastine, éditions de L’Éclat, 2017.

[7] Anna Lowenhaupt Tsing, Le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme (2015), traduit de l’anglais par Philippe Pignarre, éditions La Découverte, 2017.

[8] Bronisław Malinowski, Les Argonautes du Pacifique Occidental (1922), traduit de l’anglais par André et Simonne Devyver, Gallimard, 1963.

[9] François Cheng, Vide et plein, éditions du Seuil, 1991.