Quand la France s’emmerde
En exprimant dans un entretien pour la presse[1] son envie « d’emmerder » jusqu’au bout les Français non-vaccinés contre la Covid, Macron a lancé sa campagne aux prochaines élections sous le signe de cet emmerdement. Il nous a aussi donné une interprétation des institutions et de l’état du pays : Macron remplit une fonction de merde dans une France qui s’emmerde.
L’aspect « disruptif » du mot utilisé (trois fois) par Macron ne doit pas tromper : il ne fait que se soumettre à une vieille loi de la communication politique, qui fait qu’une vulgarité bien placée et surtout haut placée suffit pour occuper les médias pendant plusieurs jours. Il confirme aussi une vieille stratégie centriste : rien de tel que de provoquer l’extrême droite, soutenant aujourd’hui les « antivax », pour réengager le combat contre elle et se présenter comme la seule alternative crédible, au détriment de la droite classique. Tout cela est aussi usé que les mots prononcés ensuite par Macron pour définir les plaisirs bientôt interdits aux antivax, donc aussi les plaisirs autorisés par la vaccination : « aller au restau », « prendre un canon », « aller au ciné ».

Du vulgaire au trivial, le « parler cash », même quand il ne parle pas d’argent, réduit le quotidien des Français à des formules merdiques : à celles que l’on prononce comme autant de vagues projets pour sortir de l’ennui et qui n’en sortent pas ; celles qui ne traduisent aucun désir précis d’un plat, d’un vin, d’un lieu ou d’un film ; celles, sans envie et sans idée nouvelle, évidemment sans aucune implication politique, d’une France qui s’emmerde.
Donc pas de disruption, pas de révolution dans ces paroles présidentielles, mais bien le retour lancinant du même mal français, celui que Lamartine avait souligné dans un autre registre devant la Chambre des députés, en 1839[2] : « La France est une nation qui s’ennuie ». La source du mal, c’était pour lui l’incapacité de la Monarchie de Juillet à relancer la politique française après