Intellectuels, trahison ou loyauté
Notre Histoire n’en n’a pas fini avec le tragique. L’ouverture d’une campagne présidentielle polarisée sur le triptyque « autorité, sécurité, identité » est le signe d’une démocratie libérale qui vacille sur ses propres fondements axiologiques.
Ici, certaines séquences de notre actualité valent mieux que de longues analyses approfondies sur l’état de délabrement moral et politique de notre pays, qui, comme le rappelle Robert Badinter, est le « pays de la Déclaration des droits de l’Homme », plutôt que « le pays des droits de l’Homme ».

Comment interpréter la violence du silence qui a ponctué le drame sans précédent qui s’est déroulé au large de Calais ? Au bilan macabre (la mort de vingt-sept personnes, dont sept femmes et trois enfants, noyées dans l’eau glacée de la Manche) s’ajoutent des circonstances toutes aussi glaçantes : face à la mort, la réception de leur appel au secours est restée sans réponse. Leur sort fut scellé par le cynisme mercantile des réseaux de passeurs, mais aussi par le cynisme bureaucratique et politique qui puise ses racines dans l’entreprise de déshumanisation du migrant, figure abstraite réduite à une menace sécuritaire et identitaire.
Entre le désarroi de certains et le silence complice des autres, un questionnement existentiel s’impose : et si le triste sort de ces femmes et hommes n’était que le reflet de notre propre faillite morale et de nos lâchetés politiques ?
Le néo-nationalisme et la xénophobie qui vampirisent la conscience collective éclipsent les valeurs humanistes de justice et de solidarité. Face au discours réactionnaire qui domine le débat public, c’est le spectre de la désertion et de la trahison des clercs qui se dessine à nouveau.
La passivité bienveillante, complaisante de nos élites politiques, administratives, médiatiques et culturelles qui a accompagné la montée en puissance du phénomène Zemmour est un signe qui ne trompe pas : le silence complice s’est conjugué à la collaboration idéologique active de la