Poutine, un néoconservateur à Moscou
Il y a quelque chose d’obscène et de révoltant à entendre répéter qu’avec l’offensive russe en Ukraine la guerre ferait son retour en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale ; affirmer cela c’est ne tenir pour rien les guerres yougoslaves (1991-2001), qui firent entre 150 000 et 200 000 morts, 2,5 millions de réfugiés et 2 millions de déplacés. Majeures pour l’Europe, elles le furent aussi pour l’OTAN, qui réalisa, à cette occasion, sa première opération militaire d’envergure depuis sa création en 1949. Au lieu de se dissoudre en même temps que son principe fondateur – la menace soviétique, disparue avec l’effondrement de l’URSS et le pacte de Varsovie[1] –, l’OTAN se perpétuait en « société de service[2]». Son maintien interdit à l’Europe de repenser les principes organisateurs rénovés de sa politique de sécurité, à distance du monopole de la puissance états-unienne et de ses intérêts – exception faite du retentissant refus de la France de prendre part à l’invasion de l’Irak en 2003. Mais la réintégration de la France au sein de son commandement en 2007 accentua cette pente de la politique internationale unique.

Le mot guerre résonne donc aujourd’hui de tout son poids dans nos esprits d’Européens, il donne lieu à un sentiment diffus d’une vulnérabilité, empreint d’images anciennes que viennent raviver les photos satellite des divisions russes. En cause : ni l’espace européen donc, ni la violation de la souveraineté territoriale (l’annexion de la Crimée en 2014 fit un peu de bruit), ni la proximité (Sarajevo est bien plus proche de Paris que Kiev), ni le motif ethno-nationaliste, omniprésent durant les guerres yougoslaves. Faisons l’hypothèse que si cette guerre est perçue comme une « vraie » guerre, c’est que la Russie est une grande puissance et que nous en serions les agressés, les ennemis désignés. L’antagonisme nous installerait cette fois-ci dans le viseur là où les ex-Yougoslaves ne visaient qu’eux-mêmes ; non plus une guerre de décomposition de l’