économie

Risques de pénurie alimentaire : l’incohérence des solutions productivistes

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Le conflit opposant Ukraine et Russie, grands producteurs céréaliers, suscite la crainte d’une possible crise alimentaire. Mais si celle-ci devait advenir, elle serait d’abord le résultat de l’utilisation croissante des céréales à d’autres fins que l’alimentation humaine d’une part, et de l’organisation oligopolistique d’un marché volatil d’autre part. Il est regrettable que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine soit utilisée pour remettre en avant un modèle agricole productiviste totalement incohérent avec tous les efforts déployés par ailleurs pour lutter contre le changement climatique.

La guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine nous a brutalement rappelé la fragilité de notre système alimentaire, en raison de la place de l’Ukraine et de la Russie dans le commerce mondial des céréales. À l’occasion de la réunion du G7 du 25 mars, Emmanuel Macron a alerté sur les risques qui pèsent sur la sécurité alimentaire mondiale et a adopté avec ses collègues un plan d’urgence, l’initiative « farm », pour prévenir le risque de famine dans certains pays, en particulier d’Afrique du Nord.

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En quelques mois, le prix de la tonne de blé est passé de 200 euros à 400 euros. Pourtant, le blé est majoritairement semé à l’automne dans toute l’Europe de l’Ouest, et maintenant même en Ukraine et en Russie en raison du changement climatique. Le blé consommé actuellement dans le monde a donc été moissonné au cours de l’été 2021 dans tous les pays de l’hémisphère Nord, principaux pourvoyeurs du marché mondial. Il est vrai que la Russie et l’Ukraine sont depuis quelques semaines sorties du marché mondial, mais des stocks existent en dehors de ces deux pays qui permettent de faire face à la demande et la flambée actuelle des prix résulte de phénomènes spéculatifs dont profitent pleinement les grandes entreprises de négoce de blé. Il faut également indiquer que l’augmentation du prix du blé a commencé plusieurs mois avant la guerre en Ukraine, en raison d’achats massifs de blé par la Chine.

Dans ce contexte, quelle est donc la pertinence des décisions du G7 ?

Les céréales ne servent pas qu’à nourrir les hommes : la concurrence entre les différents usages de la production céréalière

La part des terres arables et de la surface toujours en herbe n’a pas varié significativement depuis 1970. Sur les 13 milliards d’hectares de terres émergées du globe terrestre, 4,9 milliards sont des terres agricoles, dont seulement 1,4 milliard de terres arables susceptibles de produire des céréales notamment (le reste étant occupé essentiellement par des prairies permanentes). Le


Jean-François Collin

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