Écologie

Ukraine, climat : problèmes politiques de l’écologie mobilisée

Économiste

Alors qu’on ne cesse de rappeler la dépendance européenne aux hydrocarbures russes, une écologie mobilisée permet d’aborder conjointement un objectif stratégique (le climat) et un objectif tactique (l’assèchement du budget de guerre russe). Peut-on renoncer du jour au lendemain à la production russe placée sous embargo ? Peut-on faire disparaitre en quelques mois la demande correspondant à cette production ?

L’épouvantable guerre déclenchée par le régime de Poutine contre la République ukrainienne offre à l’Europe et au monde une occasion historique : accélérer la transition énergétique (but stratégique de la lutte pour sauver le climat), en lui offrant un objectif tactique susceptible d’une mobilisation plus large, étendue à des acteurs qui ne sont pas écologistes (sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes, en particulier au gaz).

Dans mon livre, Face à la toute-urgence écologique : la Révolution verte, paru quelques jours après le déclenchement de la guerre, j’appelais à tirer enfin toutes les conséquences des alertes angoissées du sixième rapport du GIEC et des cataclysmes de l’été 2021. Il nous faut accélérer considérablement la sortie de l’économie carbonée. Les techniques existent, la contrainte monétaire est très largement desserrée par l’émission de crédits à taux réel négatif par les banques centrales, seule manque la décision politique. J’appelais de mes vœux un « moment Pearl Harbour » du climat : il n’a fallu que quelques mois après l’attaque japonaise pour que les États-Unis mettent en œuvre leVictory Plan, fantastique reconversion de l’industrie américaine, engendrant d’inespérées économies d’échelle. La construction des Liberty ships passa de 230 jours en décembre 1941 à 24 jours en avril 1943.

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C’est exactement ce qui peut se passer avec l’invasion russe de l’Ukraine. Tout le monde sait bien que la mesure la plus immédiate et décisive pour paralyser l’effort de guerre de la Russie, économie de la taille de l’Espagne dont les hydrocarbures représentent le quart du PIB et 57 % de ses exportations, consisterait précisément à lancer l’embargo sur ces exportations. Le président Zelensky nous supplie de le faire. Comme le souligna dès le premier jour Yannick Jadot, elles représentent, de la part de l’Union européenne (UE), un financement de l’agression russe, en devises, de l’ordre de 700 millions d’euros par jour (21 milliards par mois !), qui


[1] Mark Delucchi, Mark Jacobson, « Énergies renouvelables : comment couvrir les besoins mondiaux en 2030 ? », Pour la Science, déc. 2009

Alain Lipietz

Économiste, Ancien député européen (Vert)

Notes

[1] Mark Delucchi, Mark Jacobson, « Énergies renouvelables : comment couvrir les besoins mondiaux en 2030 ? », Pour la Science, déc. 2009