La blonde, la brute et le backlash : sur le procès Depp/Heard
Il m’a suivie jusqu’à ma piaule
Et j’ai crié vas-y mon loup !
Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny,
Envole-moi au ciel Zoum !
Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny,
Moi j’aime l’amour qui fait boum !
Boris Vian, 1955
Vous vous souvenez, dans le final de la saison 5 de Game of Thrones, la « marche de la honte » ? Cersei Lannister, la reine qu’on adorait détester, était tondue puis forcée à traverser la ville de Port Réal nue, sous les hurlements et les jets de pierre d’un peuple haineux et vengeur. Ironie du sort, ce châtiment lui était infligé par la secte religieuse fanatique qu’elle avait elle-même mise au pouvoir pour contrer l’influence d’une rivale.
Le but affiché de la sanction ? Lui faire expier ses (nombreux) péchés. Bien fait pour elle, c’était mérité. Pourtant, on ne pouvait qu’éprouver un malaise en regardant cette scène, autant du fait de la peine choisie que d’un doute quant à la teneur exacte de ce dont on la jugeait coupable. Parce qu’on sentait bien que la justice n’était qu’un prétexte, qu’il s’agissait surtout pour les spectateurs, qu’ils soient dans l’écran ou devant, d’assouvir une pulsion bien moins avouable.

Marche de la honte destinée à faire intérioriser la loi morale à un sujet dépravé récalcitrant ou marche de l’humiliation par laquelle une multitude envieuse se cache derrière le moralisme et l’anonymat pour rabaisser celle qu’ils désirent autant qu’ils la jalousent ? Nombreux sont les parallèles entre cette scène fictive et celle, réelle mais largement mise en scène, du procès Depp/Heard. Entre les deux femmes et ce dont on les accuse, mais aussi dans le jeu d’ombres et de lumière qui leur donne le premier rôle mais aussi le mauvais.
Les actes des hommes et la réalité des faits, eux, sont relégués au second plan, de même que la nature trouble de ce que ressentent ceux et celles à qui on montre la scène et qui, loin de détourner la tête, la regardent jusqu’au fond. Peu importe tout ça, seul compte ce fait-ci : on sait bien qu’elles