Le SARS-Cov2 n’est pas le VIH
Santé et liberté sont-elles des valeurs en conflit dans les politiques de santé publique ? Le dilemme que crée leur concurrence est devenu banal dans les médias à la faveur de la pandémie de Covid, illustré par les mesures de confinement, de couvre-feu, ou encore d’obligation vaccinale des soignants. Et ce dilemme était en réalité largement balisé en amont de cela, par des siècles d’histoire de la santé publique. Grand classique des politiques de santé, on retrouve bien sûr ce conflit entre santé et liberté au cœur de la lutte contre les maladies infectieuses. L’exemple français le plus récent de controverses est à aller chercher avec le VIH, par exemple pour les stratégies de dépistage ou de déclaration obligatoire, mais c’est aussi le fil rouge historique des politiques de la vaccination, ou bien encore des stratégies de prévention des addictions, en particulier tabac et alcool, de la nutrition, de la sécurité routière, etc.

En France, le traitement de ce dilemme fait le quotidien des acteurs de santé publique qui sont en charge des réglementations, de la prévention et de l’administration de la santé. Instruire une nouvelle mesure de prévention, du paquet neutre pour le tabac jusqu’à la réduction de la vitesse autorisée sur les routes par exemple, c’est immédiatement devoir produire des arguments de légitimité et d’utilité justifiant que la liberté des uns (les cigarettiers, les conducteurs, etc.) soit limitée pour protéger la santé de tous. Si la pratique de ces arbitrages est banale dans l’administration de la santé, leur approche théorique en revanche est plus rare dans notre pays, l’essentiel de l’expertise académique normative en la matière étant du côté des juristes spécialistes du droit de la santé publique, plutôt que de la discipline « santé publique » en tant que telle. Alors qu’aux États-Unis l’étude des critères de légitimité de l’action publique pour réguler les comportements de santé fait l’objet d’une discipline à part entière appelée Publ