Art, antisémitisme et colonialisme : une documentation estivale
I. Des dauphins, des requins, en tout cas de grandes créatures marines, à portée de main. Un plongeur en combi maritime militaire. Un rocher avec des coraux aux couleurs vives. Des abysses tout autour. Trois écrans sous-marins incurvés. Des esquisses anciennes, des scènes de guerre modernes. Et moi au milieu.
Il s’agit d’une œuvre récente de Hito Steyerl, née en 1966 à Munich, désormais célèbre dans le monde entier, désignée en 2017 par la revue britannique Art Review comme l’artiste la plus influente au monde. Une rétrospective lui a du reste été consacrée l’année dernière au Centre Georges Pompidou à Paris. Conçue à l’origine comme une installation vidéo pour la 58e Biennale de Venise, la pièce sous-marine peut désormais être vécue comme une expérience de réalité virtuelle (Virtual Reality – VR). Des lunettes et des écouteurs dans un casque couvrant la tête permettent à chacun de s’immerger.

Je me suis immergé à Korčula, une ville médiévale dalmate à laquelle Venise avait accordé des droits municipaux en 1214. Le musée de la ville et le collectif d’artistes Siva zona, Grey Zone, y a exposé Leonardo’s Submarine de Hito Steyerl. Équipement VR sur le crâne et c’est parti.
La compréhension n’est pas immédiate. Ce n’est qu’à partir des sous-titres qui apparaissent dans l’eau virtuelle et à l’aide de la voix off que l’on saisit plus ou moins le but de l’ensemble, à savoir une mise en relation artistique du sous-marin de Léonard de Vinci esquissé en 1515 pour Venise – qui aurait pu être utilisé comme arme sous-marine contre le menaçant empire ottoman, mais qui ne fut pas construit car Léonard a caché son invention sous d’autres feuilles, peace and humanity ! –, avec une armurerie italo-internationale des temps modernes dont les fabrications sont utilisées par la Turquie en Syrie contre la population civile, avec l’intelligence artificielle et avec le système de protection lagunaire monumental Moïse. Tout cela, et bien plus encore, est abordé sous l’eau. Je suis