Guerre en Ukraine : l’anéantissement en filigrane
J’ai écrit La guerre qui ne peut pas avoir lieu dans le courant de l’année 2018, en grande partie aux États‑Unis et encore sous le coup de la tension extrême avec laquelle s’étaient opposés, l’été précédent, le président américain Donald Trump et son homologue nord‑coréen Kim Jong Un. Certains des meilleurs experts de la question nucléaire chiffraient la probabilité que l’escalade verbale à laquelle ils s’étaient livrés débouche sur la guerre atomique à des niveaux jamais atteints pendant la guerre froide. Aujourd’hui, un nouveau contexte géopolitique a fait passer la menace posée par la Corée du Nord à un niveau subalterne, ce qui permet à son leader de développer son armement nucléaire en toute impunité. La guerre en Ukraine monopolise toute l’attention et, de nouveau, la question d’une guerre nucléaire possible est posée.

Si la question nucléaire est posée, elle ne l’est pas partout cependant ni avec la même intensité. Les observateurs, en France, avouent leur sidération. Qu’est‑ce que cette guerre d’un autre âge où une puissance qui se voudrait impériale tente par la force des armes de conquérir des territoires qui, selon elle, lui appartiennent depuis toujours ? C’est oublier que jamais depuis 1945 la possibilité d’une guerre nucléaire qui pourrait détruire la civilisation n’a cessé d’influer sur les affaires du monde, telle une épée de Damoclès suspendue au‑dessus de la tête de ses dirigeants, et la guerre en Ukraine ne fait pas exception.
Si l’on méconnaît ce que presque tous les acteurs et les témoins du drame qui est en train de se jouer, à commencer par le président Poutine lui‑même, tiennent pour acquis, à savoir que la guerre nucléaire est possible quoique peu vraisemblable, on s’interdit de comprendre ce qui fait de cette guerre le parangon de ces guerres nucléaires qui sans doute, peut‑être ou par chance, n’auront pas lieu – jusqu’à ce que l’une d’entre elles accède au statut de première guerre nucléaire de l’histoire. Quel que soit son aveni