Écologie

Une économie des communs négatifs

Philosophe

Comment faire changer la trajectoire de modèles d’infrastructures économiques, sociales, politiques, non seulement vectrices d’inégalités mais qui détruisent l’habitabilité du monde ? Et où ? Le défi serait d’arriver à une écologie des milieux impurs impulsée par les pays du Nord où la France donnerait l’exemple d’un pays qui prendrait des mesures à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui.

« Il faut que cela se passe en France ». Voici que ce j’ai entendu en ce mois de juin 2022 lors de la rencontre entre un groupe de cadres et le représentant d’un lobby pro environnement. Il faut que cela se passe en France. Les États-Unis ne le feront pas. La Chine ne le fera pas. L’Allemagne non plus. Et les pays du Sud n’ont pas à être les premiers à se lancer. Mais de quoi s’agit-il au juste ? D’opérer une bascule. D’être le premier pays à prendre la mesure des défis qu’impose la dégradation des conditions de vie sur la Terre. Relents de patriotisme ou de nationalisme ? C’est bien sûr une interprétation possible.

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À la hauteur (ou son envers) du fameux « make our planet great again » du président français Emmanuel Macron, destiné à accentuer le contraste avec Donald Trump – soulignant ainsi le risque sous-jacent qu’on les confonde. Non, une autre lecture est possible. À l’instar de celle proposée par Bertrand Méheust dans La conversion de Guillaume Portail [1] (lire William Gate en anglais). Le récit du parcours de l’homme le plus riche du monde, multimilliardaire issu d’une famille bretonne. Ce doppelgänger de Bill Gates doit son succès à ce qui a fait celui de Jeff Bezos : une connaissance sans faille des ressorts de la logistique. Connaissance qu’il entend bien mettre à profit pour mener une opération quasi-militaire destinée à imposer la décroissance en amassant ses moyens financiers pour peser sur le point le plus vulnérable du système – la France, démontrant par l’exemple qu’une décroissance (appelée « détumescence » dans le livre) est possible, en entraînant dans son sillage l’ensemble des pays du monde ou presque.

Les modèles actuels asseyant leur conatus sur l’absence d’alternative en acte, instaurer un précédent devient crucial. Encore une fois, l’expérimentation se déroulait en France. La réalité rejoignait la fiction, en ce mois de juin 2022, cinq ans après la parution de la fiction.

Pourquoi la France ? La pensée de la décroissance s’y dével


[1] Bertrand Méheust, La conversion de Guillaume Portail : Comment l’homme le plus riche du monde s’en est pris au capitalisme (Paris : Libre & solidaire, 2018).

[2] Deborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro, The Ends of the World, trad. par Rodrigo Guimaraes Nunes (Malden, MA: Polity Press, 2016).

[3] William L. Balée, Cultural Forests of the Amazon: A Historical Ecology of People and Their Landscapes (Tuscaloosa: University of Alabama Press, 2013).

[4] Dipesh Chakrabarty, The Climate of History in a Planetary Age, First edition (Chicago ; London: University of Chicago Press, 2021).

[5] Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, et Alexandre Monnin, Héritage et fermeture : Une écologie du démantèlement (Paris : Editions Divergences, 2021).

[6] Amitav Ghosh, Great Derangement: Climate Change and the Unthinkable (Chicago : University of Chicago Press, 2016).

[7] Alf Hornborg, La magie planétaire : Technologies d’appropriation de la Rome Antique à Wall Street (Paris : Editions Divergences, 2021).

[8] Olúfẹ́mi O. Táíwò, Reconsidering Reparations, 1re éd. (Oxford University Press, 2022).

[9] Benoit Daviron, Biomasse: Une histoire de richesse et de puissance (Quae, 2019) ; E. A. Wrigley, The Path to Sustained Growth: England’s Transition from an Organic Economy to an Industrial Revolution (Cambridge University Press, 2016).

[10] Au sens de Táíwò : tourné vers l’avenir et la nécessité de quitter ce qui a occasionné une telle demande au lieu de dédommager tout en garantissant son maintien.

Alexandre Monnin

Philosophe , Directeur scientifique d’Origens Media Lab et professeur à l'ESC Clermont Business School

Notes

[1] Bertrand Méheust, La conversion de Guillaume Portail : Comment l’homme le plus riche du monde s’en est pris au capitalisme (Paris : Libre & solidaire, 2018).

[2] Deborah Danowski et Eduardo Viveiros de Castro, The Ends of the World, trad. par Rodrigo Guimaraes Nunes (Malden, MA: Polity Press, 2016).

[3] William L. Balée, Cultural Forests of the Amazon: A Historical Ecology of People and Their Landscapes (Tuscaloosa: University of Alabama Press, 2013).

[4] Dipesh Chakrabarty, The Climate of History in a Planetary Age, First edition (Chicago ; London: University of Chicago Press, 2021).

[5] Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, et Alexandre Monnin, Héritage et fermeture : Une écologie du démantèlement (Paris : Editions Divergences, 2021).

[6] Amitav Ghosh, Great Derangement: Climate Change and the Unthinkable (Chicago : University of Chicago Press, 2016).

[7] Alf Hornborg, La magie planétaire : Technologies d’appropriation de la Rome Antique à Wall Street (Paris : Editions Divergences, 2021).

[8] Olúfẹ́mi O. Táíwò, Reconsidering Reparations, 1re éd. (Oxford University Press, 2022).

[9] Benoit Daviron, Biomasse: Une histoire de richesse et de puissance (Quae, 2019) ; E. A. Wrigley, The Path to Sustained Growth: England’s Transition from an Organic Economy to an Industrial Revolution (Cambridge University Press, 2016).

[10] Au sens de Táíwò : tourné vers l’avenir et la nécessité de quitter ce qui a occasionné une telle demande au lieu de dédommager tout en garantissant son maintien.