Politique

L’oubli de Macron,
Les Années d’Ernaux

Sociologue et anthropologue

Comment, ne serait-ce qu’au vu de la fonction qu’il occupe, le président de la République a-t-il pu oser, en août à Alger, se dire extérieur à la guerre d’Algérie ? Il devrait assurément (re)lire Les Années d’Annie Ernaux.

L’année 2022 s’achemine vers son terme après avoir été celle de maints soubresauts : retour de la guerre en Europe, désormais hybride, déchainements climatiques, droites extrêmes au pouvoir, cruelle banalisation de la mort d’exilés. En France, cette année a été celle de la chronique d’incendies et de sécheresses annoncées depuis des années et de l’entrée à l’Assemblée nationale de députés émanant en droite lignée de fascistes. Elle a aussi été celle des 60 ans de l’effondrement de son empire colonial.

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Amorcé par la défaite de Diên Biên Phu, il recevait le coup de grâce avec l’indépendance de l’Algérie, en un processus qui allait s’étirer jusqu’en 1975 avec celle des Comores. À ce jour, la dernière colonie française, officielle, est la Nouvelle-Calédonie. Dans ce récit tumultueux, l’Algérie demeure le point de bascule d’un ordre colonial qui n’en finit pas de se déliter sans qu’on puisse en voir le dénouement. Noué autour de cette date de 1962, le sort de la France et de l’Algérie semble bloqué, tant leurs dirigeants ne parviennent toujours pas à assumer les responsabilités qui leur permettraient d’ouvrir un autre chapitre. Celui d’après l’empire.

Ainsi en est-il lorsque l’actuel président de la république française affirme en août dernier à Alger : « Vous voyez, moi je ne suis pas un enfant de la guerre d’Algérie, ma famille… non plus. Mais je sais une chose, c’est que la France ne peut pas avancer sans… avancer sur ce sujet, et l’Algérie non plus. Pourquoi ? Parce que nos histoires sont liées. Parce que la place que représente l’Algérie, avec le nombre de binationaux, de Français d’origine algérienne, d’Algériens vivant en France aujourd’hui, fait qu’il y a des millions de Françaises et de Français et de binationaux qui sont concernés par cette histoire. Si j’ajoute à cela les harkis et leurs descendants, les rapatriés et leurs descendants, ça fait encore plus de personnes. Et c’est pareil pour l’Algérie, nous avons été ici pendant un siècle et demi, et d


[1] Dernier livre en date, parmi d’autres, paru ces jours-ci, Nora Mekmouche ; Soraya Guendouz Arab, Nos Algérie(s) intimes, Editions Cris Écrits, 2022

[2] Pages 60-61. Pour une lecture fouillée et inspirée de l’œuvre d’Ernaux au prisme de la guerre d’Algérie, voir Christiane Achour Chaulet dans Diacritik.

Nacira Guénif

Sociologue et anthropologue , Professeure des universités à l'université Paris-VIII

Mots-clés

Mémoire

Notes

[1] Dernier livre en date, parmi d’autres, paru ces jours-ci, Nora Mekmouche ; Soraya Guendouz Arab, Nos Algérie(s) intimes, Editions Cris Écrits, 2022

[2] Pages 60-61. Pour une lecture fouillée et inspirée de l’œuvre d’Ernaux au prisme de la guerre d’Algérie, voir Christiane Achour Chaulet dans Diacritik.