Médecine sans souffrance et souffrance sans médecine
La médecine moderne est née dans les années 1850 avec la méthode anatomoclinique qui consistait à établir le rapport entre les lésions tissulaires et organiques visibles à l’autopsie et les signes cliniques constatés du vivant du patient. Le râle caverneux perçu avec le stéthoscope était mis en rapport avec la caverne tuberculeuse constatée à l’autopsie. L’hémiplégie du patient était attribuée à l’infarctus cérébral observé sur son cadavre. Les douleurs hépatiques étaient expliquées par les calculs observés dans le canal cholédoque.

Cette méthode qui a permis de grands succès chirurgicaux a formaté la pensée médicale selon le principe : un symptôme = une lésion. Ensuite, le miracle des antibiotiques sur les maladies infectieuses a contribué à une conception monofactorielle du diagnostic et du soin : une cause = une maladie = un traitement.
Puis, les fulgurants progrès des techniques d’exploration du corps (imagerie, biologie, génétique) ont enfin permis presque tous les diagnostics du vivant du patient. En deçà des organes et des tissus, on pouvait observer les cellules, les gènes, les molécules, les métabolismes. La méthode anatomoclinique avait simplement changé d’échelle sans changer de principe : une lésion devait expliquer une maladie et susciter un traitement. La méthode était devenue molécularoclinique, mais le paradigme du monofactoriel n’avait pas changé.
Cette réduction d’échelle a parfois conforté le monofactoriel. On a trouvé le gène de la mucoviscidose ou le type de cellules manquantes dans le diabète de type 1, mais de tels exemples sont rares. La plupart des maladies fonctionnelles et des maladies qui nous intéressent aujourd’hui (tumorales, cardiovasculaires, neurodégénératives, psychiatriques ou auto-immunes) sont toutes plurifactorielles et ne répondent à aucun traitement univoque.
Pour contourner cette difficulté épistémologique, la médecine a progressivement biaisé ses recherches et ses analyses en dégageant des facteurs suffisamment pr