Les quiproquo de la « valeur travail »
Depuis plusieurs mois, la référence à la « valeur travail » occupe une place de choix dans la rhétorique gouvernementale. Elle constitue en effet le motif récurrent justifiant l’orientation donnée à pas moins de quatre réformes en cours : celle de l’assurance chômage, celle de la retraite, la mise sous condition d’activité du RSA et la réforme du service public de l’emploi, rebaptisé « France travail ».

Dans un tel contexte, le recours à l’expression de « valeur travail », qui s’inscrit implicitement dans un système de valeurs bien précis, apparaît pour le moins discutable. Une authentique valorisation du travail impliquerait tout autre chose, dont le gouvernement ne semble pas prendre le chemin.
Pour remédier à la pénurie de main d’œuvre, les initiateurs de la réforme de l’assurance chômage la présentent comme guidée par le souci que « le travail paie davantage que le chômage », ainsi que l’a déclaré Bruno Lemaire au journal Le Monde le 20 juillet 2022. C’est laisser entendre que nombre de demandeurs d’emploi choisissent de le rester parce qu’ils préfèreraient percevoir des indemnités de chômage plutôt que de travailler. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, lui a rétorqué dans Le Monde du 30 août que, d’après une étude de la Dares, le service d’étude du ministère du travail, les emplois non pourvus le sont, en réalité, soit parce qu’il n’y a pas assez de gens formés pour les occuper, soit parce qu’ils ne sont pas assez attractifs, soit les deux à la fois. Rien à voir, donc, avec l’idée que les chômeurs et les bénéficiaires du RSA seraient des fraudeurs ou des calculateurs qu’il faudrait inciter à travailler en réduisant le montant et la durée des allocations, ou en exigeant d’eux des contreparties (dans le cas du RSA).
On sait d’ailleurs que de nombreux bénéficiaires potentiels de ces dispositifs ne réclament pas les prestations auxquelles ils sont pourtant éligibles : à hauteur d’un tiers en ce qui concerne l’inscription à Pôle Emploi, de même