International

Un conflit israélo-israélien

Étudiant

Depuis plus de deux mois, la réforme du système judiciaire israélien prônée par la coalition d’extrême-droite de Benyamin Netanyahu et sa contestation donnent à voir deux mouvements se revendiquant tous deux du sionisme et du patriotisme brandissant fièrement le drapeau de leur pays à chaque représentation. C’est pourtant cet attachement à Israël qui les divise et conduit à un conflit israélo-israélien posant la question des fondements démocratiques dans un État sans Constitution. Dans ce climat de tensions, la « pause » annoncée par le Premier ministre dans sa réforme judiciaire il y a quelques jours marque une forme de recul gouvernemental, sans pour autant combler les divisions…

Lundi dernier, Israël n’était plus un pays qu’on quittait, dans lequel on étudiait, se faisait soigner ou même investissait. En effet après 12 semaines de manifestations anti-gouvernement et pro-démocratie les samedis soir en fin de week-end, le mouvement contestataire a obligé le gouvernement à l’écouter en fermant à l’unisson toutes les universités du pays, interrompant tout décollage depuis l’aéroport de Tel-Aviv Ben-Gourion, ne traitant que les urgences dans les hôpitaux, ou encore en suspendant les activités du Stock Exchange et du secteur de la high-tech. Seuls les transports étaient maintenus, permettant à 80 000 personnes de se rassembler devant le Parlement à Jérusalem pour protester contre la réforme, tout comme permettant à une contre-manifestation d’avoir lieu au même endroit en soirée, les deux mouvements se croisant sur leur chemin retour et aller.

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Cette réforme judiciaire déchaîne les passions car elle propose une vision particulière de la démocratie et des contre-pouvoirs en Israël, pays sans Constitution. Le tumulte de l’indépendance d’Israël reporta la rédaction d’une Constitution et trouva à la place la solution des Lois fondamentales, votées bout à bout par la Knesset, qui est éternellement constituante.

Dans ce système parlementaire, le gouvernement s’appuie obligatoirement sur la majorité du Parlement (minimum 60/120, actuellement 64/120) pour passer les lois ordinaires, mais aussi les lois organiques. La Cour suprême, remplissant à la fois les fonctions de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État, et de Cour de cassation apparut donc comme seul garde-fou face à une Knesset pouvant voter à une simple majorité, des lois faisant guise de Constitution. En effet, avec un Président honorifique, un État centralisé sans pouvoir local (une seule circonscription sans conseils régionaux ou départementaux) à l’exception des municipalités, seule la Cour suprême peut réellement limiter le pouvoir exécutif en décidant de la constitutionnalité des lois votées par le Parlement israélien, en accord avec les Lois fondamentales passées précédemment[1].

L’objectif actuel de la coalition au pouvoir est donc de réformer cette Cour suprême en décidant de la nomination de la majorité des juges, et en s’attribuant le droit d’annuler l’annulation. En effet si cette nouvelle Cour suprême dont déjà sept membres sur onze seraient nommés par le gouvernement venait à annuler une décision du Parlement (qui en soit est une chambre d’enregistrement du gouvernement puisque ce gouvernement ne peut exister que s’il a une majorité, via une coalition au Parlement), le gouvernement pourrait via une clause dite « de contournement » revenir sur cette annulation en l’annulant à son tour, forçant le passage. La majorité élue pourrait donc dépasser par exemple la protection des droits de l’Homme puisque la Cour suprême, malgré une mobilisation des Lois fondamentales protégeant ces droits, pourrait être contournée.

Dans le cadre de la coalition actuelle, cela permettrait aux partis sionistes religieux de se passer de toute exaction des droits de l’Homme vis-à-vis des Palestiniens concernant la colonisation en Cisjordanie, ou aux partis ultra-orthodoxes de réduire les droits des femmes ou des LGBT, et enfin à Netanyahu de contourner toute condamnation judiciaire en interférence avec l’exercice de ses fonctions de Premier ministre.

Honte et traîtres partout

Le combat devient même rhétorique et éthique puisqu’en clamant la démocratie, il engendre une moralité du débat. En effet les manifestants anti-gouvernement arborent fièrement le drapeau de leur pays tout en criant « Busha » (honte en hébreu), comme un salissement de l’État par l’actuel gouvernement. La reprise du drapeau est donc l’affirmation de l’attachement à Israël comme démocratie libérale, sur le point d’être bafouée au nom même de la démocratie. Pour ces manifestants, le nom « Israël » représente une entité garante de la démocratie et de l’égalité des droits, le tout permis par un arsenal sécuritaire moral protégeant les frontières de la « seule démocratie du Moyen-Orient ». L’actuelle coalition est pointée du doigt pour son manque d’intégrité avec un Premier ministre, Benyamin Netanyahu, essayant de fuir ses multiples condamnations judiciaires, un ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, fervent supporteur du terrorisme juif kahaniste refusé par l’armée en raison de sa radicalité et condamné en 2007 pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste[2], ou encore un ministre des Finances s’autoproclamant être un fasciste homophobe[3]. Un sentiment de « tout ça pour ça » (ou même de « I did not went to war for this shit[4] ») flotte dans ces manifestations.

En effet, après des années de guerre pour exister et des traités de paix avec le reste du monde, le mouvement pointe cette coalition qui reprend le nom d’Israël et de sa démocratie pour passer des lois liberticides et autoritaires, dans le but premier de maintenir Benyamin Netanyahu au pouvoir et de renforcer les prérogatives d’un gouvernement fasciste.

En face, ce même drapeau est dressé aussi fièrement comme gage de sionisme à côté de pancartes telles que « les gauchistes sont des traîtres » ou « la minorité de gauche ne gouvernera pas Israël ». Ce cortège, regroupant des supporters du Likoud, parti politique de l’iconique Bibi (Benyamin Netanyahu), des colons sionistes religieux adeptes des idées d’Itamar Ben-Gvir ou Bezalel Smotrich, ministres évoqués précédemment, proposent un sionisme clamant Israël comme un État d’abord juif, démocratique après, voire pas du tout.

Là aussi l’argument moral est utilisé puisque la qualification de « traître » exclut les juifs-Israéliens de la patrie, comme infidèles à leur propre pays, politisés comme « gauchistes » alors que ces derniers proposent un discours trans-partisan allant jusqu’à la droite du spectre politique avec par exemple le soutien de Benny Gantz (ancien chef d’État-Major de Tsahal[5], ténor du centre-droit avec son parti « La résilience d’Israël » dont la ligne épouse parfaitement celle des manifestants anti-réforme : continuer à établir et à renforcer l’État d’Israël en tant qu’État juif et démocratique à la lumière de la vision sioniste, telle qu’exprimée dans la Déclaration d’indépendance).

Cette déchirure résulte d’une obsession pour la priorité à la légitimité de l’État et de son régime avec ce que le chercheur Daniel Bar-Tal décrit comme une « monopolisation du patriotisme[6] ». Si cela est, comme le note la politiste Nitzan Perelman[7], une méthode typique des gouvernements de Netanyahu, qui réussissent à définir quiconque s’oppose à eux comme un « non patriote », cette dynamique peut aussi s’observer du côté des anti-réforme qui revendiquent leur fierté israélienne pour contrecarrer la critique du non-patriotisme. Ils affirment donc que la solution aux tourments d’Israël, est Israël en lui-même, et mobilisent tout simplement la Déclaration d’indépendance. Ainsi le champ lexical de honte, ou de traîtres, résulte d’une mutuelle délégitimation du camp adverse, qui conduit à une exclusion pour fantasmer un pays en accord avec lui-même.

Le sionisme face au sionisme

Cette binarité nette – patriotes et traîtres – nous amène à questionner le sionisme comme discours scindant et homogénéisant, conduisant en conséquence à une exclusion de l’Autre pour affirmer une unité interne. Si Edward Saïd dans Sionisme du point de vue de ses victimes[8] notait que le sionisme dans son but d’incorporation des juifs a tracé une ligne nette entre juifs et non-juifs, fermant la porte à une gouvernance isonomique, la professeure israélienne Ella Shohat dans Sionisme du point de vue de ses victimes juives[9] propose une réflexion encore plus critique en décrivant comment le sionisme a divisé la société juive-israélienne elle-même. En effet Ella Shohat s’attaque au regard orientaliste que portent les élites ashkénazes israéliennes sur les juifs orientaux qui combinent la judaïté et l’arabité. En faisant le constat d’une négation des juifs arabes (ou « Mizrahim » – terminologie de l’auteure) à tout droit à l’autoreprésentation en Israël, par une assimilation forcée et une précarisation sociale due à des préjugés orientalistes, elle ouvre la voie à une critique interne de l’État d’Israël. L’objectif n’est pas tant de débattre de la légitimité du sionisme, mais de faire le constat de ses effets, volontaires ou non[10], pour appréhender les désordres actuels.

Au-delà des débats intellectuels, un ressentiment vis-à-vis des politiques menées durant les premières décennies de l’État hébreu par l’historique parti travailliste – à l’époque en grande majorité ashkénaze – existe et nourrit un soutien à la réforme judiciaire de la part du « deuxième Israël » vivant en périphérie[11] pour qui la caste des juges doit être réformée pour redonner le pouvoir au peuple. Cela traduit aussi un phénomène émergeant depuis plusieurs années en Israël où les assignations identitaires ont rigidifié les interactions sociales, mettant le sionisme face au sionisme : une société scindée qui pourtant n’accepte plus la division et la contestation interne, conduisant à une définition de la démocratie en tant que régime de la majorité l’emportant sur celle d’un régime permettant la liberté d’expression et protégeant les droits des minorités[12].

Conflit israélo-israélien : quelle démocratie, et pour qui ?

Mais deux Israël laissent difficilement une place à la Palestine dans ce débat, pourtant sujet cardinal à aborder pour envisager une démocratie complète. L’occupation des Territoires palestiniens depuis 1967 donne à voir aujourd’hui un seul État de facto, avec une Autorité Palestinienne grippée à Israël, puisque comme le note l’historien Vincent Lemire, il y a aujourd’hui une seule monnaie, une seule armée, et une seule frontière. Les Cisjordaniens paient chaque jour en shekels, transitent entre différents îlots (partition zone A, B, C)[13] via des checkpoints contrôlés par l’armée israélienne, et traversent la frontière entre la Cisjordanie et la Jordanie via un poste-frontière à l’est de Jéricho géré par l’Israel Airports Authority[14]. Cette occupation militaire se trouve couplée à un tournant ethnocratique[15] via la promulgation de la Loi fondamentale de l’État-Nation en 2018. La loi précise que les deux groupes, juifs et arabes, vivant dans des zones soumises au contrôle israélien ne sont pas constitutionnellement égaux. Outrepassant les principes d’égalité et de non-discrimination qui sont au cœur des régimes constitutionnels démocratiques, la loi proclame également la colonisation comme une « valeur nationale », brouillant davantage la distinction entre l’État d’Israël dans ses frontières de 1948 et d’autres zones sous contrôle israélien de facto[16].

Les groupes minoritaires anti-occupation n’avaient pas attendu le mouvement anti-réforme pour revendiquer la démocratie, selon leurs propres termes, c’est-à-dire du Jourdain à la Méditerranée pour tous – Israéliens et Palestiniens. Par exemple tous les vendredis à 15h a lieu un rassemblement à Sheikh Jarrah, quartier sujet à l’expropriation des familles palestiniennes au profit de colons israéliens. Lors de ces rassemblements, des drapeaux palestiniens font étendards, les slogans sont écrits en hébreu et en arabe, spécifiant qu’une nation qui occupe une autre ne sera jamais libre, ou qu’une démocratie ne peut aller de pair avec une occupation militaire couplée à l’affirmation d’une suprématie juive. De nombreux groupes israéliens tels que Breaking The Silence, Zochrot, Standing Together, B’Tselem, Mesarvot, Peace Now, Mistaclim ou plus généralement les « Sarvanim » (objecteurs de conscience en hébreu) qui refusent de faire le service militaire obligatoire au prix d’un emprisonnement, appellent à questionner plus profondément l’État : quelle démocratie et surtout pour qui dans un État sans Constitution occupant militairement 3 millions de Palestiniens en Cisjordanie, se définissant vaguement comme juif et démocratique.

Malgré un manque de conscientisation de ce mouvement global d’après les plus radicaux, ces manifestations sont aussi l’occasion de s’immiscer dans de grands rassemblements et d’imposer un agenda mettant la société israélienne face à elle-même. En effet, le 1er mars, lors d’une « journée nationale de la perturbation », les slogans habituellement confinés aux « radicaux » et « anarchistes » se sont glissés dans les provinces plus centristes et modérés qui ont crié « Où étiez-vous pendant Hawara ? » à l’armée, en référence au pogrom du 26 février dans la ville d’Hawara où la violence des colons s’est déchaînée sans grande intervention de Tsahal, faisant un mort et des centaines de blessés.

En somme, cette réflexion chronophage d’Israël sur Israël, puisque rien ne justifie quoi que ce soit en Israël si ce n’est pas « national », obstrue d’autres problèmes tels que les violences sexuelles et féminicides comme pointé par le cortège de Handmaid’s Tale – Bonot Alternativa[17], le prix de l’immobilier ou encore l’inflation galopante. En effet cette réforme tout comme cette coalition illustre la corruption des leaders politiques, la pénétration de l’extrême-droite dans la société, la globale orientation nationaliste de l’opinion publique, la radicalisation de la critique des opposants au système et la constante interrogation sur l’ascendant juif ou démocratique de l’État. En interrogeant la démocratie dans le sionisme comme garant de cette dernière, la société israélienne a vu surgir un alter ego qu’elle a elle-même produit par une obsession identitaire intransigeante, le tout mettant Israël face à Israël.


[1] N. Perelman, « Israël : Au nom de la démocratie », AOC media [en ligne], 12 mars 2023.

[2] L. Jimbert, « Ben Gvir, le mauvais génie de la droite israélienne », Le Monde.fr, [en ligne], le 3 novembre 2022.

[3] « Israel’s Far-right Finance Minister Says He’s “A Fascist Homophobe” but ‘Won’t Stone Gays’», Israel News -Haaretz.com [en ligne], 16 janvier 2023.

[4] Exemple de pancarte brandie par les manifestants.

[5] L’acronyme de Tsva Hagana LeIsrael, l’Armée de défense d’Israël.

[6] D. Bar-Tal, « The monopolization of patriotism », dans Patriotism in the life of individuals and nations (Chicago: Nelson Hall, p. 246‑270), 1997.

[7] N. Perelman, « Le développement du discours israélien sur l’association Breaking The Silence : Quand les fils du peuple deviennent l’ennemi du peuple », Confluences Méditerranée, 118(3), p. 149‑164, 2021.

[8] E.W Said, « Zionism from the Standpoint of Its Victims », Social Text, 1, p. 7‑58, 1979.

[9] E. Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives : Les juifs orientaux en Israël, traduit de l’anglais par Isabelle Taudière, La Fabrique éditions, 2006.

[10] Un exemple : les development towns dans lesquelles ont été entassés les juifs orientaux dans les années 1950, proviennent aussi bien d’une approche primitive par les Ashkénazes des Mizrahim, que des conditions économiques désastreuses n’ayant pas permis la construction de logement décents pour accueillir une population qui double en quelques années

[11] ARTE (7 mars 2023). Israël : Sdérot, le deuxième Israël | ARTE Reportage.

[12] N. Perelman, 2021, Op. cit.

[13] PASSIA – MAPS – Palestine – INTERIM (OSLO II) AGREEMENT, TABA, 28 SEPTEMBER 1995, consulté 28 mars 2023.

[14] « Allenby Bridge Crossing (King Hussein) », GOV.IL, 10 octobre 2021.

[15] O. Yiftachel, « “Ethnocracy” and Its Discontents : Minorities, Protests, and the Israeli Polity », Critical Inquiry, 26(4), p. 725‑756.

[16] H. Jabareen & S. Bishara, « The Jewish Nation-State Law », Journal of Palestine Studies, 48(2), p. 43‑57, 2019.

[17] Bonot Alternativa אלטרנטיבה בונות (@BonotAlt) / Twitter.

Edgar Paysant

Étudiant, Sciences Po Paris et l’Université Hébraïque de Jérusalem

Notes

[1] N. Perelman, « Israël : Au nom de la démocratie », AOC media [en ligne], 12 mars 2023.

[2] L. Jimbert, « Ben Gvir, le mauvais génie de la droite israélienne », Le Monde.fr, [en ligne], le 3 novembre 2022.

[3] « Israel’s Far-right Finance Minister Says He’s “A Fascist Homophobe” but ‘Won’t Stone Gays’», Israel News -Haaretz.com [en ligne], 16 janvier 2023.

[4] Exemple de pancarte brandie par les manifestants.

[5] L’acronyme de Tsva Hagana LeIsrael, l’Armée de défense d’Israël.

[6] D. Bar-Tal, « The monopolization of patriotism », dans Patriotism in the life of individuals and nations (Chicago: Nelson Hall, p. 246‑270), 1997.

[7] N. Perelman, « Le développement du discours israélien sur l’association Breaking The Silence : Quand les fils du peuple deviennent l’ennemi du peuple », Confluences Méditerranée, 118(3), p. 149‑164, 2021.

[8] E.W Said, « Zionism from the Standpoint of Its Victims », Social Text, 1, p. 7‑58, 1979.

[9] E. Shohat, Le sionisme du point de vue de ses victimes juives : Les juifs orientaux en Israël, traduit de l’anglais par Isabelle Taudière, La Fabrique éditions, 2006.

[10] Un exemple : les development towns dans lesquelles ont été entassés les juifs orientaux dans les années 1950, proviennent aussi bien d’une approche primitive par les Ashkénazes des Mizrahim, que des conditions économiques désastreuses n’ayant pas permis la construction de logement décents pour accueillir une population qui double en quelques années

[11] ARTE (7 mars 2023). Israël : Sdérot, le deuxième Israël | ARTE Reportage.

[12] N. Perelman, 2021, Op. cit.

[13] PASSIA – MAPS – Palestine – INTERIM (OSLO II) AGREEMENT, TABA, 28 SEPTEMBER 1995, consulté 28 mars 2023.

[14] « Allenby Bridge Crossing (King Hussein) », GOV.IL, 10 octobre 2021.

[15] O. Yiftachel, « “Ethnocracy” and Its Discontents : Minorities, Protests, and the Israeli Polity », Critical Inquiry, 26(4), p. 725‑756.

[16] H. Jabareen & S. Bishara, « The Jewish Nation-State Law », Journal of Palestine Studies, 48(2), p. 43‑57, 2019.

[17] Bonot Alternativa אלטרנטיבה בונות (@BonotAlt) / Twitter.