Danses, agitations, soulèvements
Que la Terre puisse se soulever ou soulever des multitudes, voilà ce que les dernières décennies d’activismes écologiques ne cessent de réaffirmer.

L’écologie, comme étude et célébration des interdépendances entre les vivants, l’a suffisamment fait passer dans les savoirs les plus courants : tu as beau être humaine, tu te sais traversée de quantité de mouvements autres que les tiens. Mouvements de la respiration, mouvements de la digestion, mouvements des bactéries qui vivent sur ta peau ou dans tes intestins, mouvements de la Terre, enfin, qui, gigantesque masse sous tes pieds, t’attire à elle.
Danser, se pirater les gestes
Mais le savoir ne fait pas tout. Comme Isabelle Stengers et Philippe Pignarre le faisaient ingénieusement remarquer dans La sorcellerie capitaliste, l’extractivisme (l’idée selon laquelle je pourrais m’excepter de l’interdépendance pour en tirer profit) n’est pas seulement une mauvaise idée. C’est un envoûtement. Un sort qui est jeté et perpétuellement répété, par les gestes que nous nous apprenons à faire, par les grammaires que nous employons et par les technologies dont nous nous entourons. Un terrorisme intellectuel par lequel des ministres sorciers, à coups de bombes lacrymogènes, de grenades et d’entretiens dans Le Journal du dimanche, s’assurent d’une atmosphère où il n’y a pas d’alternative (que les larmes).
Or, face à une sorcellerie, les idées, les arguments, même s’ils sont très nécessaires, ne suffisent pas : il faut des pratiques de désenvoûtement, il faut des contre-sortilèges.
Au milieu des formes nombreuses de désentraînement au capitalisme extractiviste et à ses bras armés (retours à la terre, respirations de combat, arts de la maintenance et autres formes mutuelles, locales ou globales, d’entraide et de débrouille), une famille grandissante de pratiques chorégraphiques vise à pirater le sens que nous avons de nous-mêmes. Elles nous proposent de devenir « les espions de nous-mêmes » pour ré-investir, dans nos muscles,