Savoirs

Créer une autre dimension de l’humain : la révolution lesbienne de Monique Wittig

Sociologue et féministe

Il y a aujourd’hui une effervescence politique et éditoriale autour de Monique Wittig (1935-2003), écrivaine et théoricienne lesbienne qui, depuis le début des années 1970, a révolutionné notre façon de penser la catégorie de sexe et celle d’hétérosexualité. À vingt ans de sa disparition, ses livres sont réédités en France et à l’étranger les traductions ou les retraductions se multiplient. Pourquoi Wittig aujourd’hui ? Et pourquoi avec une telle force de frappe ?

Plusieurs raisons permettent d’expliquer l’effervescence politique et éditoriale autour de Monique Wittig : les phases politiques que traversent certaines fractions des mouvements LGBTQIA+ dans différents pays se caractérisent par une critique de la dimension structurelle du système hétéronormatif en vigueur qui trouve des échos dans les analyses de Wittig.

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Il y a, ensuite, le rôle moteur joué par des éminent·e·s théoricien·ne·s queer – in primis, Judith Butler – ayant entretenu avec Wittig une relation de fascination profonde, mais ambivalente, ce qui a eu comme conséquence paradoxale de la faire connaître à une bien plus large audience, tout en l’amputant de son ancrage féministe matérialiste. Cela a alimenté la croyance, aujourd’hui encore trop peu démentie, selon laquelle le principal mérite de Wittig serait d’avoir été une précurseuse de l’approche queer.

Essentiel, ensuite, a été le précieux travail d’analyse mené depuis des décennies par des chercheuses telles que Louise Turcotte, Namaskar Shaktini, Dominique Bourque ou Catherine Ecarnot dont les éditions iXe viennent de republier l’étude pionnière dans une version enrichie. Et indispensable est le travail de transmission de l’intellectuelle et militante Suzette Robichon, amie politique de Wittig et infatigable passeuse de culture lesbienne, qui, avec l’aimable complicité de l’association Les Ami.es de Monique Wittig, a grandement contribué à permettre à la pensée de la théoricienne de trouver des nouvelles formes d’incarnation théorique, artistique, militante et éditoriale.

Parmi les très nombreux exemples, les soirées de lectures à la Maison de la poésie de la pièce de Wittig Le voyage sans fin avec sur scène, entre autres, Nadège Beausson-Diagne et Adèle Haenel, les enthousiasmantes lectures collectives des œuvres de Wittig dans le cadre de la programmation d’événements artistiques Cap pour l’île des vivantes organisée au centre d’art et de recherche Bétonsalon ou la série d’ateliers lancée par l


Sara Garbagnoli

Sociologue et féministe, Chercheuse rattachée au Laboratoire d'Études de Genre et de Sexualité - LEGS (C.N.R.S., Université Paris 8, Université Paris Nanterre)

Mots-clés

Féminisme