Macron et les intellectuels de la décivilisation
L’objet de ce petit texte d’humeur est une réflexion sur l’usage convenu et de plus en plus utilisé dans les médias de la notion de décivilisation, depuis qu’elle a été adoubée par quelques prétendants reçus à l’Élysée s’érigeant en intellectuels et conseillers du gouvernement en vue d’éclairer un président cherchant à fonder en valeur sa politique verticale et autoritaire à l’encontre des manifestations massives contre la réforme des retraites[1].

On peut s’interroger sur le choix et la représentativité de ces intellectuels conviés par Macron ou par ses conseillers. Une des hypothèses est qu’il se fonde sur leur réputation médiatique plutôt que leur renommée auprès de leurs pairs. Pour le pouvoir, l’intellectuel est celui qui occupe les tables rondes des médias et qui doit sa réputation à l’audimat et à la fréquence de ses apparitions dans l’espace public (plusieurs centaines d’apparitions de Jean Viard dans l’espace médiatique). Nul doute qu’à ce compte Jean Viard, le sociologue patenté des Grandeurs, soit un invité de taille. « Mister Feel Good Sociology ou l’optimiste invétéré », tel est le titre donné par deux journalistes de L’Obs (05 janvier 2023) qui se questionnent sur son influence auprès des élites : « ce directeur de recherche au CNRS à la retraite, chouchou des médias, des politiques et des chefs d’entreprise ».
Ce n’est pas la première fois que ce sociologue confirmé par les médias à l’appétit insatiable est consulté par le Grand Autre. Celui auquel on a donné le surnom de Jupiter l’avait déjà appelé à son secours au moment de la crise des Gilets jaunes, le revoilà remis en scène et au sommet de sa renommée, la montée vers le palais présidentiel. Bourdieu dans son ouvrage Sur la télévision, suivi de L’Emprise du journalisme (Raison d’Agir, 1996) dénonçait ce qu’il appelait « les fast thinkers » médiatiques, c’est-à-dire ceux qui sont consacrés comme intellectuels par les médias. Dans ce même ouvrage, il s’interrogeait sur la dimension publiqu